Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rhaznévides (suite)

Le règne de Maḥmūd correspond à un remarquable essor de la littérature perso-islamique ; la cour du souverain, à Rhaznī — ville qui se peuple de mosquées, d’écoles et de bibliothèques — devient le rendez-vous de poètes comme Firdūsī* — le poète national de l’Iran —, Onsori († 1040) et Asadi († v. 1072), qui exaltent les hauts faits du souverain ; on y rencontre aussi l’historien al-‘Utbī, le géographe al-Birūni*.

Après la mort de Maḥmūd (1030), le fragile empire des Rhaznévides se désagrège rapidement, notamment sous les coups des Turcs Seldjoukides ; ces derniers, en 1040, rencontrent les Rhaznévides à Dandānqān, près de Merv, et les écrasent avant de s’emparer de l’Iran, de l’Iraq et de la Syrie. Au xiie s., les Rhūrides se posent comme leurs héritiers : en 1151, sous le règne de Bahrām (1118-1157), ils poursuivent avec ténacité leurs raids, s’emparent de Rhaznī et peu à peu étendent leur domination sur l’Afghānistān et le nord de l’Inde. Les Rhaznévides reconnaissent la souveraineté des Rhūrides.

L’expulsion des Rhaznévides de Lahore en 1187 par l’intervention des troupes de Muḥammad de Ghor (ou de Rhūr) — fondateur du sultanat de Delhi — marque en fait la fin de la dynastie de Rhaznī qui ne laissera plus de traces dans l’histoire.

P. P.

➙ ‘Abbāssides / Afghānistan / Inde / Iran.

Rhénanie

En allem. Rheinland, région historique allemande, faisant aujourd’hui partie de la République fédérale d’Allemagne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Rhénanie-Palatinat et Sarre).


César avait conquis les pays rhénans (57 av. J.-C.), habités par des peuples celto-germaniques (Trévires, Éburons). Incorporé au royaume de Clovis, le pays fait ensuite partie de l’Austrasie. Compris (traité de Verdun, 843) dans le royaume de Lothaire (840-855), puis dans la Lotharingie, il est disputé entre Charles III le Simple et Henri Ier de Germanie, qui le réintroduit dans la mouvance germanique (925) avant qu’il ne soit divisé en Haute- et Basse-Lorraine (v. 960). L’anarchie qui résulte de ces querelles franco-germaniques permet aux villes épiscopales (Trèves*, Cologne*) d’échapper à l’autorité ducale et d’étendre leurs territoires.

Parallèlement, le trafic commercial sur le Rhin fait la fortune des cités rhénanes, qui deviennent au xive s. de très importants centres économiques et culturels, soit universitaires (Heidelberg, 1386 ; Mayence*, 1477), soit d’imprimerie (Strasbourg*, apr. 1434, Mayence, en 1448, avec Gutenberg ; Bâle* avec Johannes Froben, en 1491). Le duc de Clèves, qui, depuis 1511, possède les duchés de Berg et de Juliers, introduit dans ses États la Réforme, qui se diffuse très rapidement dans de nombreuses villes rhénanes (Strasbourg, Bâle, etc.). L’affaiblissement de l’Empire ouvre les pays rhénans à l’influence française. Richelieu devient coadjuteur de l’archevêque de Trèves, le prince-électeur Philipp von Sötern (1567-1652). Soutenu par l’archevêque de Cologne contre l’empereur pendant la guerre de la Succession* d’Espagne, Louis XIV y multiplie les « réunions ». La pénétration très profonde de la culture française au xviiie s. facilite à partir de 1793 l’incorporation (reconnue par l’Autriche au traité de Campoformio en 1797 et confirmée au traité de Lunéville, en 1801) de la rive gauche du Rhin dans la République française (départements de Rhin-et-Moselle, de la Roer, de la Sarre et du Mont-Tonnerre, 1797-1814).

Le congrès de Vienne (1815) restitue Clèves à la Prusse et lui accorde, en compensation de la perte de la Mazovie, le reste de la région rhénane (1824), dont Napoléon III tente vainement d’obtenir la cession en 1866 (politique des pourboires).

Le traité de Versailles (1919) impose à l’Allemagne la démilitarisation et la division de la Rhénanie en trois zones, qui doivent être occupées (ainsi que trois têtes de pont sur la rive droite du Rhin) par les armées alliées pendant cinq ans (Cologne), dix ans (Coblence) et quinze ans (Mayence). Une Commission interalliée administre ce territoire ; après le rejet du traité de Versailles par le Sénat américain (1921), les Français favorisent en Rhénanie le développement d’un mouvement séparatiste (Adam Dorten) qui s’est manifesté dès 1919 (appui du général Mangin*) et qui, étouffé momentanément, reprend vigueur après l’occupation franco-belge de la Ruhr* en 1923, mais ne peut aboutir, du fait de la pression exercée par la Grande-Bretagne sur la France et la Belgique. La « République rhénane » proclamée à Aix-la-Chapelle le 21 octobre 1923 s’étend avec les putchs d’Adam Dorten et Joseph Matthes à Trèves et à Coblence (siège du gouvernement provisoire), mais échoue du fait de la mésentente de ses chefs (1923). La création d’un gouvernement séparé dans le Palatinat bavarois aboutit à des massacres (Pirmasens, févr. 1924).

D’autre part, du fait du non-paiement des réparations par l’Allemagne, le gouvernement français n’accepte d’évacuer la zone de Cologne qu’avec un an de retard (janv. 1926) et à la suite de la signature des accords de Locarno, par lesquels l’Allemagne et ses voisins se garantissent mutuellement leurs frontières communes (16 oct. 1925). Enfin, sous la pression de ses alliés (La Haye, août 1929) et après l’acceptation du plan Young, la France évacue définitivement la zone de Mayence le 30 juin 1930.

En 1935, le cabinet anglais, en acceptant le réarmement naval allemand, crée un précédent ; à la fin de cette année, prétextant la contradiction existant entre le parti franco-soviétique et les traités de Locarno, Hitler* décide de mettre fin au statut de démilitarisation de la Rhénanie, violant ainsi l’article 42 du traité de Versailles. Ne disposant que d’une armée en voie de réorganisation, le chancelier allemand compte, pour mener à bien cette opération, sur la passivité des Alliés : c’est un « coup de dés » dangereux qu’il risque, surtout vis-à-vis de la France, dont les forces sont bien plus importantes que les siennes. Mais le coup réussit : le 7 mars 1936, Hitler fait entrer des troupes dans la zone démilitarisée ; le président du Conseil français, Albert Sarraut, après avoir laissé prévoir, le 8 mars, une action de force, y renonce, se rangeant auprès des signataires du pacte de Locarno pour donner au coup de force allemand une simple réplique diplomatique dont l’inefficacité se révèle immédiatement.

Action grosse de conséquences : en perdant la garantie de sécurité que lui donnait la démilitarisation, la France devient très vulnérable devant un adversaire prêt à fortifier la zone réoccupée par lui ; en 1940, celle-ci servira de tremplin à l’invasion allemande de la Belgique et des Pays-Bas.

P. P. et P. T.

➙ Allemagne / Prusse / Ruhr.

 P. Tirard, la France sur le Rhin (Plon, 1931).