Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (IVe) (suite)

Le gouvernement a par ailleurs accordé au Maroc et à la Tunisie l’indépendance, respectivement par les protocoles des 2 et 20 mars 1956. En faisant voter la loi-cadre Defferre du 20 juin, il a préparé en outre l’évolution pacifique de l’Afrique noire, où, dès le 24 août, un décret fixe le nouveau régime de la République autonome du Togo. En même temps, il a liquidé le contentieux franco-allemand par l’accord de Luxembourg qui a réglé définitivement le problème de la Sarre le 5 juin 1956, en conformité avec le référendum du 23 octobre 1955, rejetant le statut européen proposé à ce territoire.

Enfin et surtout, le gouvernement Guy Mollet signe les traités de Rome qui instituent le 25 mars 1957 la Communauté économique européenne (C. E. E.) et l’Euratom.

Par contre, malgré la progression continue de la production industrielle qui permet d’atteindre, voire de dépasser, les objectifs du deuxième plan, la situation économique se détériore. Le gouvernement octroie une troisième semaine de congés payés (29 févr. et 1er mars 1956), crée le Fonds national de solidarité le 27 juin. Mais les mauvaises récoltes de 1956 et de 1957, la hausse du prix du pétrole à la suite de la fermeture du canal de Suez et l’influence de la récession américaine, qui freine les exportations françaises, entraînent un retournement de la situation économique : la balance commerciale et la balance des comptes redeviennent déficitaires dès 1956. Aussi faut-il assurer le financement des opérations d’Algérie par l’émission d’un emprunt à 5 p. 100 amortissable en quinze ans. Émis le 10 septembre, clos le 3 octobre, l’emprunt Ramadier (du nom du ministre des Finances) rapporte 320 milliards au lieu de 150, car son capital est indexé sur le cours moyen des valeurs mobilières. Malgré ce succès, la hausse des prix se poursuit, nécessitant la levée d’impôts nouveaux par le gouvernement. Mis en minorité par les modérés, Guy Mollet démissionne le 21 mai 1957.


La dislocation du Front républicain (21 mai 1957 - 15 avril 1958)

Les députés communistes et poujadistes restant hors du jeu parlementaire, la constitution d’une majorité apparaît d’autant plus difficile à mettre en place que, à l’exception de la S. F. I. O. et du M. R. P., tous les partis ont perdu leur homogénéité. Les radicaux sont, en effet, divisés en nombreuses tendances : mendésistes, fauristes, dissidents groupés autour d’André Morice et d’Henri Queuille. Les députés de l’U. D. S. R. sont partagés entre les partisans de René Pleven et ceux de François Mitterrand. Les modérés, enfin, malgré l’effort d’unification réalisé par Roger Duchet, restent divisés en trois tendances (paysans, républicains indépendants et paysans d’action sociale) ; surtout, une fraction d’entre eux s’oriente nettement vers la droite pour tenter de récupérer la clientèle du poujadisme déclinant ou de rallier les partisans de l’Algérie française, pour la défense de laquelle Roger Duchet, Jacques Soustelle, Georges Bidault et André Morice ont fondé en avril 1956, par-delà les partis, l’U. S. R. A. F. (Union pour le salut et le renouveau de l’Algérie française).

Malgré le poids croissant de cette dernière tendance au sein de l’Assemblée, un second gouvernement de Front républicain est mis en place. S’il ne comprend que des socialistes et des radicaux, sa composition marque un premier glissement vers la droite, les adversaires de Robert Lacoste quittant le gouvernement (Gaston Defferre et François Mitterrand), tandis que la présidence du Conseil et le ministère des Finances sont attribués non plus aux socialistes, mais aux radicaux : Maurice Bourgès-Maunoury (12 juin - 30 sept. 1957) et Félix Gaillard. Mais, dès le 30 septembre, ce gouvernement est renversé pour avoir présenté une loi-cadre instituant en Algérie le Collège unique, dont les Européens ne veulent pas. Ayant réussi le 11 août précédent une dévaluation camouflée par l’institution du double change du franc, qui favorise les exportations en les faisant bénéficier d’une prime de 20 p. 100, supportée par les importateurs, et dont il étend l’application même aux matières premières le 28 octobre, Félix Gaillard est appelé, au terme d’une crise ministérielle de trente-cinq jours, à constituer un gouvernement d’Union nationale allant des socialistes aux indépendants (5 nov. 1957 - 15 avr. 1958). La situation économique est relativement bonne, puisque les objectifs du deuxième plan sont généralement atteints ou dépassés à la date de son achèvement le 31 décembre 1957 et ont permis à la hausse des salaires de suivre celle des prix ; par contre, la crise des finances extérieures et l’épuisement des réserves de la Banque de France nécessitent l’adoption, le 20 décembre, d’un budget d’austérité (réduction des dépenses sociales, augmentation des charges fiscales de 32 p. 100, suppression des nombreuses subventions). Complétées par de nombreux emprunts au F. M. I. (131 millions de dollars), à l’Union européenne des paiements, (250 millions de dollars) et aux États-Unis (274 millions de dollars en janvier 1958), ces mesures doivent faciliter le démarrage du troisième plan, dont le texte est remis au gouvernement en janvier 1958. Mais la hausse des prix qui en résulte doit être compensée le 1er janvier 1958 par un relèvement du S. M. I. G.

Félix Gaillard réussit, par ailleurs, à faire voter le 29 novembre 1957 une loi-cadre et une loi électorale sur l’Algérie (adoptées définitivement le 31 janvier 1958). Ces lois atténuent les effets de l’institution du Collège unique par la création d’assemblées consultatives représentatives des différentes communautés. Mais le bombardement, le 8 février 1958, par l’aviation française, du village de Sakiet-Sidi-Youssef pour mettre un terme aux tirs et aux raids des fellaga algériens à partir du territoire tunisien, puis l’acceptation, le 17 février, par la France, de la mission anglo-américaine des « bons offices » de Robert Daniel Murphy et Harold Beely, à la suite de la plainte du président Ḥabīb Bourguiba, provoquent la chute du gouvernement (15 avr.).