Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (IIIe) (suite)

Tout en réclamant des gouvernements — face à la menaçante montée de l’hitlérisme — un renforcement de l’organisation défensive de la France, Daladier participa activement dès mars 1934, en vue de combattre les ligues de droite, à la fondation du « Comité d’action antifasciste », amorce d’un Front populaire. Quand, le 4 juin 1936, Léon Blum* forma son cabinet de Front populaire*, il rappela Daladier au ministère de la Défense nationale, avec le titre de vice-président du Conseil. Daladier fit adopter un programme d’armement de plus de 18 milliards. Le cabinet Blum étant tombé le 21 juin 1937, il demeura rue Saint-Dominique dans les trois cabinets successifs, présidés par Chautemps (deux fois) et Léon Blum (juin 1937 - avr. 1938).

Quand le gouvernement Léon Blum tomba pour la seconde fois, c’est à Daladier qu’Albert Lebrun fit appel pour former un cabinet (10 avr. 1938), où le président du Conseil assuma la Défense nationale. Le Parlement, à l’unanimité des votants, lui accorda les pleins pouvoirs en matière financière. Mais, dès la constitution du ministère, le problème tchécoslovaque se posa avec acuité : le 21 avril, le leader nazi des Sudètes, K. Henlein, publia un programme autonomiste ; or, la France, depuis les accords de Locarno (1925), était liée à la Tchécoslovaquie par un pacte d’assistance. Daladier était persuadé que la France n’était pas prête encore à affronter une guerre. La Grande-Bretagne, elle, en restait aux « bons offices », malgré l’accueil triomphal fait par Paris aux souverains britanniques en juillet 1938. Le 21 août, à la radio, le président du Conseil lança au pays un cri d’alarme, lui demandant de « remettre la France au travail » ; cette demande d’augmentation des heures de travail se heurta à l’hostilité de ceux pour qui les lois sociales de 1936 étaient intangibles. Le ministre des Travaux publics, L. O. Frossard, et le ministre du Travail, P. Ramadier, démissionnèrent (23 août).

Peu après, la crise tchèque éclatait : le plan de compromis établi par Daladier et Neville Chamberlain*, accepté en désespoir de cause par Beneš*, fut rejeté par Hitler* et Mussolini*. La guerre paraissait inévitable ; le 24 septembre, le gouvernement français décida de rappeler 400 000 réservistes. La Grande-Bretagne menaçant d’entrer en guerre aux côtés de la France, Hitler accepta la suggestion de Roosevelt* de la réunion d’une conférence : celle-ci se tint à Munich le 29 septembre et réunit Hitler, Mussolini, Daladier et Chamberlain. La Tchécoslovaquie fut, en fait, livrée à l’arbitraire allemand, mais la guerre était momentanément conjurée : l’arrivée de Daladier à Paris, au retour de Munich, fut triomphale.

Cependant, la politique hitlérienne d’agression se poursuivait : dès l’automne de 1938, Hitler formulait officiellement ses revendications sur Dantzig. Daladier, obsédé par l’idée de gagner du temps pour permettre à la France de renforcer son potentiel défensif, temporisa : une déclaration franco-allemande, le 6 décembre à Paris, n’apporta rien de solide. Devant les revendications italiennes (Savoie, Corse, Tunisie, Djibouti), Daladier fut beaucoup plus ferme. Le 15 mars 1939, Hitler occupait toute la Tchécoslovaquie et le 22 mai, c’était, entre l’Italie et l’Allemagne, la signature du « pacte d’Acier ». Daladier demanda les pleins pouvoirs lui permettant de porter à quarante-cinq heures la durée normale du travail et d’établir un impôt extraordinaire sur les bénéfices des industries de guerre (29 mars). Sa position était renforcée par la décision britannique de s’engager inconditionnellement sur le continent et de rétablir (29 avr.) le service militaire obligatoire. Mais une négociation franco-soviéto-britannique n’aboutit pas, et un pacte de non-agression germano-soviétique fut signé le 24 août.

Le 1er septembre, les troupes allemandes pénétraient en Pologne. Le 3, la France et la Grande-Bretagne déclaraient la guerre à l’Allemagne.

Et ce fut « la drôle de guerre ». Le 13 septembre 1939, Daladier remania son cabinet : outre la Défense nationale, il assuma les Affaires étrangères ; deux ministères furent créés : l’Armement, confié à Raoul Dautry, et le Blocus, confié à Georges Pernot. Le 26 septembre, le parti communiste fut dissous ; trente-cinq députés communistes furent arrêtés. La capitulation de la Finlande devant les Soviétiques (12 mars 1940) mit le cabinet en mauvaise posture. Le 20 mars, Daladier, accusé de passivité, démissionna. Mais il conserva le portefeuille de la Défense, nationale et de la Guerre dans le cabinet formé par Paul Reynaud le 21 mars. L’échec, en avril-mai, de la tentative franco-anglaise pour couper en Norvège la « route du fer » aux Allemands fut attribué à Daladier, qui, le 18 mai, alors que les « Panzerdivisionen », ayant submergé la Belgique, déferlaient sur la France, passa le portefeuille de la Défense nationale à Paul Reynaud et prit celui des Affaires étrangères. Daladier s’efforça, alors, d’éviter l’entrée en guerre de l’Italie. Partisan de la poursuite de la guerre en Afrique du Nord, il fut éliminé, lors d’un ultime remaniement du ministère, le 5 juin. Après l’armistice, il fut surveillé, puis incarcéré jusqu’à l’ouverture du procès de Riom (févr. 1942). Il n’eut aucune peine à se justifier et à montrer que la sécurité du pays avait été sa préoccupation constante durant quatre ans. Déporté en Allemagne en avril 1943, il n’en revint qu’en 1945. Constamment réélu député de 1946 à 1958, il assuma de nouveau la présidence du parti radical en 1957-58.


Paul Reynaud

(Barcelonnette 1878 - Neuilly 1966). Diplômé des Hautes Études commerciales, il représenta les Basses-Alpes (1919-1924), puis la Seine (1928-1940) à la Chambre : il siégea au centre, en indépendant. En 1921, il se fit l’avocat des accords de Wiesbaden instituant des réparations en nature. Il s’imposa très vite comme un « financier » brillant et comme un gouvernant actif. Ministre des Finances dans le deuxième cabinet Tardieu (mars-déc. 1930), il fut ministre des Colonies dans les trois cabinets Laval (1931-32), garde des Sceaux et vice-président du Conseil dans le troisième cabinet Tardieu (févr.-mai 1932). Lors de la conférence économique mondiale de Londres (juin 1933), il soutint que le marasme économique de la France tenait à la concurrence faite aux produits français dans les pays à monnaie dévaluée. Plus tard et en de multiples occasions, il affirma la fidélité de la France au bloc-or et sa répugnance à dévaluer le franc. À partir de 1936, documenté par le colonel de Gaulle*, il demanda la constitution d’un corps de chars cuirassés destiné à servir de force de choc ; mais ses vues ne purent triompher des partisans de la défensive et de la ligne Maginot. Le 10 avril 1938, Édouard Daladier lui confia le portefeuille de la Justice : Paul Reynaud se montra hostile à la politique de Munich et mena campagne contre le ministre des Affaires étrangères Georges Bonnet.