Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

religion (sociologie de la) (suite)

Dans un commentaire de son œuvre, Émile Durkheim insistait sur un postulat, fondamental à ses yeux, de l’approche sociologique du phénomène religieux. C’est celui aux termes duquel un phénomène religieux n’est pas tant un « système d’idées » qu’un système de « forces ». Plus précisément encore, l’approche sociologique discerne dans le phénomène religieux deux systèmes de forces : des forces de gravitation, celles qui expliquent que sociétés religieuses et comportements religieux tournent sur leur orbite moyennant accélérations ou décélérations secondaires... ; des forces d’explosion, celles qui ont placé tel phénomène sur telle orbite, même si cette opération date de plusieurs décennies, de plusieurs siècles ou de plusieurs millénaires...

C’est pourquoi, comme le soulignait G. Le Bras, une sociologie religieuse doit être aussi une sociologie historique.

Et cette sociologie historique ne peut qu’inscrire son objet entre l’histoire plurimillénaire de l’humanité, en laquelle toutes les religions se touchent, et l’histoire secrète, parfois refoulée, en tout cas occultée, non seulement de chaque groupe, mais aussi de chaque individu, qui, en entrant en religion, devient acteur de cette histoire universelle.

H. D.

➙ Magie / Sacré.

 E. Durkheim, les Formes élémentaires de la vie religieuse (Alcan, 1912 ; 2e éd., 1925). / E. Troeltsch, Die Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen (Tübingert, 1912). / M. Weber, Gesammelte Aufsätze zur Religions soziologie (Tübingen, 1920-21, 3 vol. ; trad. fr. du vol. I : l’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Plon, 1964). / J. Wach, Sociology of Religion (Chicago, 1944, nouv. éd., 1962 ; trad. fr. Sociologie de la religion, Payot, 1954). / G. Le Bras, Études de sociologie religieuse (P. U. F., 1955-56 ; 2 vol.). / H. Desroche, Socialisme et sociologie religieuse (Éd. Cujas, 1965) ; Sociologies religieuses (P. U. F., 1968) ; les Dieux rêvés. Théisme et athéisme en utopie (Desclée De Brouwer, 1973). / J. Freund, la Sociologie de Max Weber (P. U. F., 1966). / M. Mauss, Œuvres (Éd. de Minuit, 1968-69 ; 3 vol.). / Saint-Simon, le Nouveau Christianisme et écrits sur la religion, textes présentés par H. Desroche (Éd. du Seuil, 1969). / J. Maître, Sociologie religieuse et méthodes mathématiques (P. U. F., 1972). / M. Meslin, Pour une science des religions (Éd. du Seuil, 1973).

reliure

Action d’assembler et de maintenir dans un ordre donné les différents éléments composant un livre, de couvrir celui-ci pour en assurer la conservation et en faciliter l’usage ainsi que de l’orner pour en rendre l’aspect agréable.



Les origines

Dans la civilisation hittite, les tablettes d’ivoire ou de bois gravées sont liées par des anneaux ou des liens souples ; le plat de dessus est orné et protégé par des motifs en relief placés au centre et dans les coins. En Égypte, puis à Rome, les feuillets de papyrus ou les morceaux de parchemin sont collés les uns à la suite des autres, enroulés sur un cylindre de bois de 10 à 15 mm de diamètre, dont l’extrémité, garnie d’ivoire ou de métal, porte une fiche d’identification : c’est le volumen. Cependant, les tablettes de bois, parfois recouvertes de cire, continuent d’être utilisées, et leur forme de prisme quadrangulaire, le codex, plus maniable, s’impose à partir de l’époque romaine. Le papyrus et le parchemin sont alors découpés en feuillets, qui, plies, forment les cahiers de quatre pages, qu’on encarte les uns dans les autres pour former les cahiers de huit, de douze ou de seize pages, qui seront cousus. Les techniques traditionnelles se transmettent dans les établissements religieux répartis sur le territoire de la chrétienté : les livres du ve s. trouvés dans les monastères coptes de la Haute-Égypte sont parmi les exemplaires les plus anciens connus. Au « scriptorium », qui groupe les copistes, est annexé l’atelier du « ligator », chargé de donner forme utile aux manuscrits.


La reliure manuelle

Dans les ateliers de reliure manuelle, on emploie à l’heure actuelle des procédés analogues, notamment pour la couture. Le cahier étant placé horizontalement à plat sur le cousoir, le fil est piqué à une extrémité dans le pli, passe à l’intérieur du cahier, sort pour contourner les bandes verticales, faites de peau (nerfs) ou de ficelle, puis, repiqué dans le cahier, ressort à l’extrémité, est noué et traverse de même, mais en sens inverse, le cahier suivant posé sur le premier, et ainsi de suite. Ce travail terminé, les cahiers sont liés entre eux par les fils et par les nerfs perpendiculaires aux fils. Si le livre est fourni déjà broché, il faut d’abord le découdre, puis chaque cahier est isolément gratté et nettoyé de toute trace de colle ; les hors-texte sont mis ensuite à leur emplacement, et l’on procède à une nouvelle couture, comme ci-dessus.

La couture sur nerfs n’est plus pratiquée qu’exceptionnellement. Dans le procédé « à la grecque », généralement utilisé, des encoches sont ménagées à l’aide d’une scie dans les fonds des cahiers à l’emplacement des nerfs, de sorte que ceux-ci sont incrustés dans ces fonds et n’apparaissent pas en relief. Pour maintenir les plats, en bois autrefois, aujourd’hui en carton, qui forment l’armature de la couverture, les extrémités des nerfs sont passées dans des orifices perforés dans ces plats, de l’extérieur vers l’intérieur, et collées. Un morceau de cuir est collé sur le dos : dans le cas de la couture sur nerfs, ceux-ci apparaissent en relief. Le morceau de cuir recouvre partiellement ou en totalité la surface extérieure des plats. La couture à la grecque implique un dos long et plat. Cependant, ce dos, recouvert de peau, présente souvent les mêmes bourrelets en relief que les dos à nerfs. Pour obtenir cette apparence, sur un morceau de carton mince de mêmes dimensions que le dos des cahiers cousus et qui le recouvre (la carte de dos), on colle des bandes de carton épais aux emplacements mêmes où devraient se trouver les nerfs ; la matière de recouvrement épouse la forme de ces bourrelets, qui conservent le nom de nerfs.