quakers (suite)
Un des grands chapitres de leur histoire est lié au nom de William Penn (1644-1718), très riche adhérent qui, au cœur de la persécution, forme le projet de leur préparer un asile en Nouvelle-Angleterre. Ayant obtenu du roi, contre remise d’une dette contractée par celui-ci envers son père, la concession d’un vaste territoire, il entreprend d’y installer une démocratie religieuse véritable. C’est la Pennsylvanie*, ainsi baptisée par la Couronne contre la volonté de Penn, où, dès 1681, s’installent les premiers colons : nul privilège n’y doit exister ; la justice et l’égalité en seront les colonnes ; les Indiens, auxquels Penn exige que l’on paie deux fois leur territoire, seront traités en alliés par les quakers désarmés. Ébloui, Voltaire dira qu’il s’agit là de la seule alliance qui jamais ne fut jurée, jamais ne fut violée, et, de 1682 à 1756, la Pennsylvanie, dirigée par les Amis, est connue dans le monde entier comme le « pays sans armée ». Puis, petit à petit, le règne de l’utopie prend fin, et l’ordre armé s’installe au pays de la paix et de la fraternité.
À l’âge héroïque des pionniers succède une période de retombée. La doctrine de l’inspiration imprévisible est elle-même codifiée (notamment dans les œuvres de Robert Barclay [1648-1690]), et la liberté glorieuse des Fox et autres Penn est remplacée par un conformisme sourcilleux : un certain style d’habillement, la récitation de maîtres mots sont exigés ; les contrevenants s’exposent à être exclus de la Société. Mais en même temps se développent les œuvres philanthropiques qui font que ce petit groupe de quelque deux cent mille chrétiens connaît un rayonnement exceptionnel. Ces pacifistes se portent au secours de toutes les victimes des guerres : à la fin de la Première Guerre mondiale, dans les territoires dévastés, ils apportent le secours de leur présence et de leurs considérables moyens matériels ; en 1945, ils s’installent dans les ruines de Berlin ; dès 1956, ils manifestent au peuple vietnamien une solidarité active, tant par la dénonciation des crimes de guerre que par l’aide à la reconstruction. Ils ont le sens aigu de l’urgence créée par toutes les détresses, celles des prisonniers et des enfants en particulier.
Sur le plan social, ils ont été de tout temps à l’avant-garde du progrès, notamment dans le domaine pédagogique. Mais ils se sont aussi distingués par leur extraordinaire capacité d’enrichissement, en raison même de leur éthique ascétique et de leur immense activité : ils sont ainsi des représentants authentiques du puritanisme*, dont ils forment, à plus d’un titre, la branche la plus vivace.
G. C.
➙ Anglicanisme / Églises protestantes / Pennsylvanie / Protestantisme / Puritanisme.
W. C. Braithwaite, The Beginnings of Quakerism (Londres, 1912 ; nouv. éd., Cambridge, 1961) ; The Second Period of Quakerism (Londres, 1919 ; nouv. éd., Cambridge, 1961). / H. Van Etten, George Fox et les quakers (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1956).