Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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protection de la nature (suite)

En zone tempérée, où couverts végétaux et sols sont moins détériorés que dans les régions chaudes, il existe néanmoins aussi un problème inquiétant de ressources en eau. La cause en est cette fois la consommation sans cesse accrue que les activités humaines requièrent douze mois sur douze : consommation domestique en expansion ; usage agricole s’intensifiant, par irrigation et aspersion ; développement des emplois de l’eau en industrie, notamment comme agent de refroidissement ; élargissement et approfondissement des canaux ; etc. Il en est résulté des prélèvements toujours plus importants, par forage et pompage, dans les nappes souterraines, lesquelles se sont par endroits épuisées, enfoncées, raréfiées. Pour pallier une insuffisance croissante de l’approvisionnement en même temps que les besoins continuaient à croître, il a fallu recourir à la technique des barrages, avec les inconvénients qu’on lui connaît. De plus, un très grave facteur est venu, en zone industrialisée, compliquer encore considérablement ce problème des ressources en eau douce, si crucial pour les peuplements humains : c’est celui de la pollution*, qui rend impropres à certains usages des eaux qui, précédemment, leur convenaient. Aussi de nombreuses dispositions légales ont-elles dû être prévues dans les pays fortement peuplés et industrialisés pour y assurer la protection, quantitative et qualitative, des réserves d’eau nationales. Des zones de captage, notamment près des villes, ont dû être soustraites à d’autres exploitations. Des travaux d’hydraulique rurale se sont efforcés de réenrichir artificiellement les nappes souterraines, qu’il a fallu, par ailleurs, protéger légalement contre la pollution. L’organisation d’agences de bassin, la multiplication de stations d’épuration, la promulgation de textes légaux (comme le réputé « Clean Water Act » britannique, qui comporta des effets remarquables) se conjuguent pour tenter de corriger, au prix d’énormément de difficultés et de dépenses, une situation qui devient de plus en plus inquiétante. Et, sur le plan esthétique, qui n’a dans l’esprit le souvenir d’un paysage momentanément altéré par le triste état actuel du ruisseau ou de la rivière qui le traverse ?


La faune sauvage

Le sort menacé de la faune sauvage donne actuellement aussi matière à inquiétude au protecteur de la nature. Une fois encore, la situation est bien différente en zone industrialisée et dans les pays en voie de développement, et il convient de ne pas oublier les océans et les mers. Et, de nouveau, les causes de déséquilibre sont multiples, et certaines, parmi les plus importantes, sont en relation directe avec les détériorations précédemment décrites, la première surtout : la disparition du couvert végétal naturel et, en d’autres termes, de l’habitat.

Grossièrement, on pourrait répartir la faune sauvage, considérée dans ses rapports avec l’Homme, en cinq grandes catégories : la grande faune mammifère terrestre ; la petite faune mammifère et les Oiseaux ; la faune océanique ; les Poissons d’eau douce et les autres espèces vivantes (Batraciens, Reptiles, Vers et surtout Insectes). Pour des motifs différents, ces cinq catégories sont menacées et méritent protection, leur sort variant de nouveau selon la latitude où on l’envisage. L’un des indices les plus nets et les plus inquiétants de cette évolution correspond à l’augmentation rapide en nombre des espèces qui ont disparu ou sont en voie d’extinction.

En pays industrialisé, la grande faune, jadis parfois abondante, a été éliminée il y a plusieurs siècles du fait de l’envahissement de son habitat par l’Homme et de l’intensification de la chasse* et du braconnage. Exception faite pour les réserves naturelles, elle n’existe plus guère en dehors de domaines cynégétiques, où la classe sociale riche des chasseurs fait la dépense élevée de la maintenir plus ou moins abondante, le cas échéant en recourant à des pratiques s’apparentant à l’élevage. De nombreuses lois sur la chasse ont été promulguées dans tous les pays, réglant les dates d’ouvertures et maintes autres conditions d’exercice de ce sport. Elles concernent également les espèces relevant de la deuxième catégorie indiquée ci-dessus, petite faune mammifère et les Oiseaux, qui, en milieu rural tempéré, ont cependant pu mieux que les grands Mammifères s’adapter à une transformation profonde de leur habitat : l’élimination des haies ou l’intoxication par les pesticides, par exemple, ne les épargnent pas.

En zone intertropicale, la situation de la faune sauvage varie en fonction des continents. L’Amérique latine n’a jamais été très giboyeuse. Des régions d’Asie l’étaient davantage. L’Afrique l’était exceptionnellement jusqu’il y a seulement un demi-siècle, et c’est là que les appauvrissements ont été, au fil des dernières décennies, les plus tragiques. Il y a deux générations, la majorité des Africains pouvait manger fréquemment de la viande de chasse. Aujourd’hui, cette précieuse ressource en protéines et en graisses a presque partout disparu. Les responsables en sont d’abord la disparition de l’habitat, partout envahi par les exploitations humaines, puis l’ouverture d’un commerce considérablement accru de viande et de trophées, le perfectionnement de l’armement et des moyens de transport, le sport cynégétique mal compris, certaines campagnes d’extermination à but zoo-sanitaire. Il y eut partout, pour combattre cette destruction d’une ressource si appréciée, une prolifération de lois et de règlements de chasse, mais peu de textes eurent moins d’effet. La répression est soit inexistante, soit débonnaire. Le braconnage n’est pratiquement ni inquiété, ni considéré comme répréhensible. Les espèces les plus rares et théoriquement les plus protégées, comme le Tigre en Asie ou la Vigogne en Amérique du Sud, continuent à être traquées systématiquement, tant le profit de cette chasse illicite en couvre largement le risque. En mars 1973 a été signée à Washington une convention internationale qui jette les bases d’une première réaction susceptible de s’avérer efficace : elle vise à réglementer sévèrement dans tous les pays du monde, et pas seulement dans les pays dont l’animal est originaire, la circulation, la détention, la vente, etc., des dépouilles des espèces considérées comme menacées. Mais il reste encore une longue distance à parcourir avant que le Tigre et la Vigogne puissent en espérer une protection efficace.