Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Poznań (suite)

Le premier établissement possédait un château de bois datant du viie ou du ixe s. de notre ère ; ensuite, au temps du prince de Pologne Mieszko* Ier (v. 960-992), y furent construits un château, puis une cathédrale consacrée à saint Pierre et saint Paul ; le bâtiment actuel date du xive s., mais fut plusieurs fois remanié.

Dès 968, Poznań est le siège d’un évêché, et, même si elle perd rapidement sa fonction de capitale, elle reste un important centre commercial au croisement de la route ouest-est (qu’emprunte depuis le xixe s. la voie ferrée Paris-Berlin-Varsovie) et de la route sud-nord, menant de Silésie aux bouches de la Vistule (une autre route conduisant de Poznań aux bouches de l’Odra). Au xiie s., la cité de Śródka groupe de nombreux artisans autochtones. En 1253, les ducs de Poznań fondent une ville neuve sur la rive gauche et attirent des colons germaniques, qui ne se polonisent guère au début. Autour de ces deux villes et de l’Ostrów Tumski subsistent diverses agglomérations plus ou moins autonomes, si bien que Poznań est, comme bien d’autres villes du temps, une cité polynucléaire ; cela permet au duc et, à partir de 1296, au représentant du roi (wojewoda [voïévode], terme signifiant « chef de guerre ») de gouverner sans avoir trop d’ennuis avec des bourgeois qui deviennent très rapidement conscients de leur puissance économique. En 1394, l’ordre Teutonique barrant l’accès de la Baltique, le roi Ladislas II Jagellon fait de Poznań l’étape obligatoire sur la route qui conduit aux bassins de la Vistule et du Bug occidental, du Niémen et du Dniepr ; les foires de la Saint-Jean comptent parmi les plus importantes foires d’Europe. L’apogée se situe au xvie s. ; aux bourgeois s’ajoutent de nombreux gentilhommes (l’interdiction faite aux nobles de se livrer au commerce et à l’industrie n’existant pas en Pologne) ; de grandes familles de la campagne s’installent en ville, où elles édifient des hôtels et favorisent la vie artistique et intellectuelle ; en 1519, l’évêque Jan Lubrański († 1520) fonde une académie qui rivalise bientôt avec celle de Cracovie ; les Jésuites, venus en 1571, ouvrent un collège qui compte bientôt près d’un millier d’étudiants ; Poznań est d’ailleurs au xvie s. l’un des hauts lieux de la vie religieuse de la Pologne, animée par les controverses entre protestants et catholiques, l’importante colonie juive et les relations avec les Arméniens et le monde orthodoxe, voire musulman.

Ville riche et active, Poznań parait se désintéresser de la politique de l’État et se consoler aisément de n’être pas la capitale du royaume ; que celle-ci soit maintenant Varsovie signifie seulement que la Pologne est bien installée sur les terres entre mer Baltique et mer Noire, et Poznań en profite ; d’ailleurs, une certaine tendance à l’originalité, voire à l’autonomie a toujours été le fait de la Polonia Major. En tout cas, la ville est consciente de son importance et se donne un nouvel hôtel de ville, œuvre d’un architecte italien (1550-1560), mais qui a subi depuis plus d’une reconstruction ou restauration. Deux grands incendies, en faisant disparaître divers bâtiments plus anciens (remplacés par des constructions neuves), ont effacé le caractère médiéval de la cité et font apparaître celle-ci comme une ville du xvie s.

Le xviie et le xviiie s. n’apportent plus grand-chose, à l’exception de quelques églises et palais ainsi que des remaniements d’édifices anciens ; en effet, autant la fortune de Poznań a été brillante au xvie s., autant elle s’assombrit ensuite, en bonne partie à cause des invasions suédoises de la seconde moitié du xviie s., mais aussi en raison de la progressive décadence de la nation. Après l’annexion par la Prusse (1793), une légère amélioration se fait sentir, mais la ville est désormais coupée des terres orientales et doit se contenter d’un trafic réduit entre la Baltique et la Silésie. De 1807 à 1815, elle est préfecture du Grand-Duché de Varsovie ; de 1815 à 1830, elle est la capitale du Grossherzogtum Posen, grand-duché rattaché à la Prusse et nominalement autonome, puis elle n’est plus que le chef-lieu de la Provinz Posen. À une période de relative tranquillité succède, en grande partie à cause des maladresses et des excès des Allemands, une longue ère de luttes nationales. De la première moitié du xixe s. datent la bibliothèque Raczyński et l’hôtel Bazar, hauts lieux de l’action nationale. La stagnation économique, qui dure jusqu’au milieu du xixe s. (1848 : voie ferrée Szezecin-Poznań ; 1856 : voie ferrée Poznań-Wrocław), favorise l’agitation anti-allemande, notamment en 1846 (échec du mouvement de L. Mierosławski). Hipolit Cegielski (1815-1868) fonde ce qui deviendra la plus grande usine métallurgique de la Pologne occidentale, mais Poznań est alors essentiellement une place forte prussienne, l’une des plus importantes d’Allemagne face à la Russie plus encore que face aux Polonais. En 1848, un plébiscite conserve Poznań à la Prusse grâce aux voix réunies des Allemands et des Israélites.

Jusqu’en 1914 se développe le conflit polono-allemand, marqué notamment au moment du Kulturkampf par l’emprisonnement de Mieczysław Halka Ledóchowski (1822-1902), archevêque de Poznań-Gniezno (depuis 1821, un siège archiépiscopal double avait été créé). En même temps, la ville devient un grand nœud de voies de communication (voies ferrées ; début de la canalisation de la Warta) ; la majorité des habitants est polonaise malgré les efforts du gouvernement de Berlin (la proportion des Juifs passe de 19 p. 100 en 1852 à 3,6 p. 100 en 1910). En 1875, les Polonais construisent leur propre théâtre. Après 1900, les Allemands cherchent à renverser la tendance en multipliant les nouvelles institutions, telles que l’académie (1903), et en construisant en faux roman et en faux style Renaissance divers grands édifices dans le quartier de la gare ; les remparts sont rasés, mais de puissants forts subsistent, ainsi qu’une citadelle au nord de la ville.