Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pousseur (Henri) (suite)

Mais Henri Pousseur n’est pas seulement le compositeur belge le plus éminent et l’un des plus importants de sa génération en Europe ; il est aussi un théoricien dont l’autorité, universellement reconnue, est illustrée par de nombreux écrits et par un enseignement qui a attiré quantité de disciples de tous pays. Il ne se confine pas à l’enseignement pur ; il est aussi un animateur hors de pair. Ses dons pédagogiques, après avoir trouvé leur emploi aux fameux cours d’été de Darmstadt (1957-1967), aux cours de musique nouvelle de Cologne (1962-1968), au centre de sociologie de l’université libre de Bruxelles (1965-1967), à l’université d’État de New York à Buffalo (1966-67) et dans plusieurs autres établissements d’enseignement des États-Unis, s’épanouissent à présent à l’université et au conservatoire de Liège, ville dont il a fait le centre de musique contemporaine le plus actif et le plus audacieux de Belgique, en y associant les Jeunesses musicales et la radio.

Le compositeur Pousseur s’est dégagé depuis longtemps de la stricte obédience sérielle et s’est tourné, plus radicalement qu’aucun de ses contemporains, vers la forme ouverte et la musique aléatoire. Sa longue collaboration avec Michel Butor* s’est avérée particulièrement féconde, notamment dans Votre Faust, que ses deux auteurs ont intitulé « fantaisie variable genre opéra » et dont la création a suscité maintes controverses. Les explorations récentes de Pousseur s’incarnent avec prédilection dans le personnage imaginaire d’« Icare 2 », « un nouvel Icare qui aurait inventé une cire ne fondant pas au soleil ». Attiré de préférence par le monde du rêve et du surréalisme (solide tradition des compatriotes de H. Michaux, de R. Magritte ou de P. Delvaux), l’art de Pousseur, de plus en plus statique, harmonieux et consonant, reste largement ouvert à un humanisme généreusement engagé, ainsi qu’en témoigne sa grande pièce d’orchestre Couleurs croisées, inspirée par le mouvement d’émancipation des Noirs aux États-Unis.

Les œuvres principales de Pousseur

• théâtre : Électre (bande magnétique, 1960) ; Répons pour 7 exécutants (texte de M. Butor, 1960-1965) ; Votre Faust, « fantaisie variable genre opéra » (texte de M. Butor, 1961-1967) ; Die Erprobung des Petrus Hebraicus (1974).

• orchestre : Couleurs croisées (1967) ; l’Effacement du prince Igor (1972).

• orchestre de chambre : Symphonies (15 solistes, 1954-55) ; Rimes pour différentes sources sonores (36 musiciens et bandes, 1958-59) ; Trait (12 cordes, 1962) ; Crosses of Crossed Colors (voix de femme amplifiée, de 2 à 5 pianos, 6 sources sonores, 1970) ; les Éphémérides d’Icare 2 (piano et 19 instruments, 1970) ; Invitation à l’utopie (Éphémérides + récitant, 2 chanteuses et chœur, 1971).

• musique de chambre : Quintette à la mémoire de Webern (1955) ; Madrigaux I-III (1958-1962) ; Ode pour quatuor à cordes (1960-61) ; Échos de Votre Faust (1969) ; Mnémosyne I et II (1968-69) ; Icare apprenti (1970) ; Ex Dei in machinam memoria (hautbois et dispositif électro-acoustique, 1971).

• piano : Exercices (1956) ; Caractères (1961) ; Apostrophe et 6 Réflexions (1964-1966) ; Miroir de Votre Faust (avec soprano ad libitum, 1964-65) ; Mobile pour pianos (1956-1958).

• musique vocale : 7 Versets des Psaumes de la pénitence (4 voix, 1950) ; 3 Chants sacrés (soprano et ensemble instrumental, 1951) ; Phonèmes pour Cathy (1966).

• musique électronique : Scambi (1957) ; Trois Visages de Liège (1961).

• écrits :
L’Apothéose de Rameau, essai sur la question harmonique (« les Musiques nouvelles », Revue d’esthétique 2-4, Klincksieck, 1968).
Fragments théoriques sur la musique expérimentale, tome I (Éd. de l’institut de sociologie de l’université libre de Bruxelles, 1970).
Musique, sémantique, société (Casterman, 1972).

H. H.

Poussin (Nicolas)

Peintre français (Villers, près des Andelys, 1594 - Rome 1665).



L’homme

Son père, Jean, dont on a fait sans preuve un gentilhomme ruiné, lui fit étudier la grammaire et le latin, mais le jeune homme ne pensait qu’à dessiner. Le peintre Quentin Varin (v. 1570-1634), séjournant aux Andelys pour décorer l’église, remarqua ses essais. Et Poussin obtint, finalement, de se livrer uniquement à sa vocation et de prendre des leçons de Varin. Il partit ensuite pour Paris, sans argent, à dix-huit ans, peignant en route des motifs décoratifs. Arrivé à Paris, il alla travailler chez le portraitiste Ferdinand Elle (v. 1585-1637/1640) et chez le peintre d’histoire Georges Lallemand († 1635).

Illumination : le valet de chambre de Marie de Médicis Alexandre Courtois, à qui un jeune seigneur originaire du Poitou l’a présenté, possède une série d’estampes de Marc Antoine, dont l’étude vaut toutes les leçons. Poussin copie surtout Raphaël et Jules Romain. L’ami poitevin, retournant chez lui, l’emmène. Mais, traité plutôt en domestique par la maîtresse de maison, Nicolas reprend la route de Paris. Pour subsister, il peint sur son chemin deux tableaux pour l’église des Capucins de Blois, quelques Bacchanales au château de Cheverny. Ce retour laborieux dure jusqu’en 1620.

Tombé malade de fatigue, Poussin va alors se reposer un an chez ses parents. Mais son désir ne s’est nullement calmé. Revenu dans la capitale, il étudie les grands décors de Fontainebleau, travaille l’anatomie dans un hôpital, ainsi que la perspective. Par-dessus tout, son ambition est de gagner Rome, le paradis des peintres. Deux fois, Nicolas prend la route, mais il est contraint de rebrousser chemin sans avoir dépassé Florence lors du premier voyage, Lyon lors du second. De nouveau à Paris, il peint fort rapidement (1622) pour le collège des Jésuites six tableaux en détrempe qui le font connaître, en particulier du « Cavalier Marin » (le poète italien Giambattista Marin ») ; celui-ci le protège, le fait profiter de sa culture livresque et lui donne à illustrer les Métamorphoses d’Ovide. Poussin rencontre également Philippe de Champaigne* et est employé comme lui aux décorations du palais du Luxembourg. Enfin, il exécute, sur commande de l’archevêque Jean-François de Gondi (1584-1654), un tableau de la Mort de la Vierge pour la cathédrale Notre-Dame (qui est aujourd’hui disparu, comme toutes les œuvres déjà citées). Ces travaux l’empêchent de saisir l’occasion qui se présente, en avril 1623, d’accompagner G. Marino à Rome.