Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arménie (suite)

Après l’invasion turque et sous la domination géorgienne (xiiie-xive s), le plan de la salle à coupole est le plus répandu ; les édifices s’élèvent de plus en plus, les parois s’ornent de sculptures décoratives (Saint-Grégoire de Tigrane Honents à Ani, 1215). Dans le sud de l’Arménie, toujours aux mains des musulmans, les édifices sont plus modestes : chapelles à une nef, matériaux plus grossiers.

• L’architecture monastique s’est développée à partir du xe s. par l’adjonction d’annexés aux églises : devant les portes furent édifiés les jamatouns (narthex voûtés de nervures reposant sur des piliers [Horomos, 1031]), servant de salles capitulaires et de lieu de sépulture. Les couvents comprenaient en outre des réfectoires (Haghartzin, 1248) et des bibliothèques (Sanahin, 1063) ; les cellules, en torchis, ont disparu.

• L’architecture civile est moins connue. Les palais du viie, du xe et du xie s. ont disparu ; celui d’Ani (xiiie s.) est bien conservé. La civilisation urbaine a commencé tôt, dès l’époque hellénistique, et s’est prolongée jusqu’au bas Moyen Âge ; les fouilles en ont retrouvé les traces, notamment à Dwin, Ani, Lori (rues, maisons, adductions d’eau, bains, huileries, etc.). Le trafic caravanier, surtout florissant au xiiie s., explique le grand nombre de ponts (Sanahin, 1234), de fontaines (Haghbat, 1258), de caravansérails (Selim, 1332).

• L’architecture militaire fut, en raison de l’insécurité de leur territoire, un grand souci des princes arméniens : les villes étaient cernées de murailles (Ani, Kars, Lori) ; des châteaux forts se dressaient aux points stratégiques (Toprakkale, Vagha, Tiknis) ou, comme refuges, dans des sites peu accessibles (Lampron, Partzrapert). Ces châteaux forts sont nombreux et bien conservés en Cilicie (Yilankale, Korikos). Il s’agit souvent d’anciennes citadelles byzantines remaniées (Anavarsa), mais l’influence franque apparaît aussi (Roumkale).

L’intense activité architecturale de l’Arménie médiévale, la richesse de ses innovations ont pu faire penser que son influence avait été considérable sur l’art byzantin, voire sur l’art roman et l’art gothique. Il y a eu beaucoup d’exagération en ce sens, mais il est certain que l’art des Seldjoukides (xiiie s.) lui doit beaucoup. Après la disparition de la féodalité arménienne (fin du xive s.), l’architecture se limita à des restaurations, puis connut une certaine renaissance au xviie s., sous la domination perse. De nos jours, la ville d’Erevan constitue une intéressante tentative d’urbanisme.


La sculpture

Elle est peu développée, presque toujours décorative et, en principe, étroitement liée à l’architecture. Dans l’explication de ce fait, il faut tenir compte du milieu musulman ambiant. Pour rompre la monotonie des façades, les Arméniens préfèrent le jeu des couleurs et des pierres de parement, ainsi que le caractère hautement décoratif des inscriptions. Les tympans des églises furent parfois décorés.

Les sculptures dédicatoires représentent soit les donateurs offrant l’église (Haghbat et Sanahin, fin du xe s. ; Aktamar, début du xe s. ; Ani, xie s.), soit simplement le modèle de l’église sommant un pignon.

Les monuments funéraires étaient d’habitude richement ornés. Aux vie-viie s., ce sont des stèles de section carrée reposant sur un socle, ornées de motifs empruntés à l’iconographie syrienne (Vierge à l’Enfant, archanges) ou à l’imagerie arménienne (saint Grégoire et Tiridate, le roi à la tête de sanglier) [Odzoun, vie s. ; Talin, viie s.]. Plus tard, ce sont des dalles (hatchkars) sculptées de motifs floraux de plus en plus compliqués entourant une croix (Géghart, xiiie s. ; Noratous, xiiie-xviie s.). La figuration humaine apparaît à partir du xvie s. (Gndévank, Djoulfa).

Enfin, certaines églises font exception. La sculpture s’étend sur toutes les façades : Aktamar (921), avec des scènes de l’Ancien Testament, des figures de saints, des rinceaux de vignes où des paysans pourchassent des animaux ; Bghno (935), avec des scènes du Nouveau Testament ; Eghvart (1321), avec des scènes symboliques encadrées d’entrelacs ; Saint-Thaddée (xixe s.), avec des figures inspirées d’Aktamar, dans un style perse.

La sculpture arménienne est, malgré ces exceptions, trop pauvre pour qu’on en puisse dégager des tendances.


La peinture

Elle a montré plus d’originalité. La peinture monumentale était assez répandue au viie s., mais il n’en reste plus que des traces insignifiantes, sauf à Lmbatavank. Ultérieurement, la peinture, peu en honneur, subit des influences extérieures : au xe s., franque (Tatèv, 910) et arabe (Aktamar, 921) ; au xiiie s., byzantine, par le truchement des Géorgiens ; (Saint-Grégoire de Tigrane Honents) ; au xviie s., ; occidentale, par les Perses (Nouvelle Djoulfa, Varagavank).

L’art de la miniature, par contre, a laissé de nombreux monuments d’une originalité indiscutable.

Au viie s., l’évangéliaire d’Etchmiadzine s’écarte déjà des modèles syriens. En dépit de quelques œuvres marquantes (évangéliaire de la reine Mlké), la période allant du xe au xiie s. fut peu productive. L’âge d’or de la miniature va du xiiie au xve s. Elle prospéra surtout en Cilicie, avec Toros Roslin, Sargis Pidzak, chez lesquels l’influence franque n’exclut pas l’originalité. Elle fleurit également en Grande Arménie (malgré les Mongols et les Turcomans), dans les monastères de Gladzor et du Vaspourakan, où se constituèrent de véritables écoles.

Si la peinture arménienne a pu exercer une influence sur l’art musulman contemporain, il paraît exclu qu’elle ait eu un retentissement sur la peinture byzantine, notamment en Cappadoce.


La musique

Elle a été de tout temps un mode d’expression cher aux Arméniens, en corollaire, semble-t-il, de leur goût de la poésie. Elle s’est développée dans les milieux populaires et surtout paysans par l’intermédiaire de chanteurs ambulants d’une part, et d’autre part dans les monastères, dont certains s’étaient, dès le xiiie s., spécialisés dans l’art musical (Sghmosavank, Varagavank). Cette double tendance folklorique et religieuse s’est prolongée jusqu’à nos jours. Au xviie s., une certaine influence grecque et turque s’est fait sentir, mais des artistes comme Baba Hampartsoum (xviiie s.) et Komitas (xxe s.) surent préserver son originalité.