En gr. Polykleitos, sculpteur grec, actif entre 460 et 420 av. J.-C.
Preuve de leur succès, plus de trente copies antiques de ses deux œuvres les plus célèbres, le Doryphore et le Diadumène, nous sont parvenues. Une autre de ses statues a connu la notoriété dès sa création, l’Amazone blessée. Polyclète a peut-être créé, mais en tout cas contribué à propager un système de proportions idéales dans la représentation du corps humain, le « canon » classique.
Il est né à Sicyone, dans le Péloponnèse, mais il a été formé par l’école argienne. Il deviendra d’ailleurs citoyen d’Argos. À l’époque où Phidias* sculptait la statue chryséléphantine (or et ivoire) d’Athéna, il exécutait une image d’Héra dans les mêmes matériaux pour le temple de la déesse à Argos.
Mis à part l’Amazone, ses statues se rattachent toutes à un type fondamental, celui du nu masculin debout. Mais, à ce thème traditionnel de l’art grec (le type de kouros [couros], ou jeune homme nu de face, apparaît dès le viie s. av. J.-C.), Polyclète ajoute une note personnelle, qui influencera toute la sculpture postérieure jusqu’à nos jours : il invente — ou répand — le principe du « chiasme », mot que l’on peut traduire par « correspondance croisée ». Les athlètes de Polyclète s’appuient sur une jambe, tandis que l’autre jambe, au repos, est laissée libre, de côté ou en retrait. La jambe d’appui provoque un déhanchement, tandis que les épaules, elles, trouvent un équilibre inverse : à la hanche élevée par la jambe d’appui correspond un abaissement de l’épaule. Symétriquement, à la hanche abaissée par la jambe au repos correspond une élévation de l’autre épaule. C’est « cet harmonieux balancement de mouvements contradictoires » (Jean Charbonneaux) qui confère à la statue son équilibre et sa vie.
La plus ancienne des statues de Polyclète qui nous soit connue représente un athlète portant le disque. Le Discophore possède déjà les caractéristiques du Doryphore, ou porteur de lance, qui lui est postérieur et date sans doute des années 450-440. C’est avec cette statue qu’apparaît le « canon », recours à un système de mesures et de proportions fixes qui constitue la règle du classicisme. Il est malheureusement impossible de retrouver ces règles à coup sûr, car seules des copies d’œuvres de Polyclète nous sont parvenues. On peut, cependant, se faire une idée très précise du Doryphore. Le jeune homme, de carrure athlétique, était destiné à être vu de face. Il tenait la lance de la main gauche, tandis que la main droite pendait le long de son corps. Sa jambe gauche, libre, était en retrait. Sa tête était légèrement tournée vers la droite.
L’autre statue célèbre de Polyclète, le Diadumène (athlète se ceignant d’un bandeau), paraît plus libre que le Doryphore, tout en respectant plus rigoureusement la règle des proportions fixes. Le mouvement, cependant, s’adoucit, et la tête est gracieusement inclinée. Le sujet n’est plus un athlète dans toute sa puissance, mais un adolescent. Enfin, l’artiste s’est complètement libéré de la règle de la frontalité.
L’histoire de l’Amazone de Polyclète est bien connue : les prêtres d’Artémis à Éphèse désiraient qu’une statue illustrât un mythe à la gloire du sanctuaire. Un concours fut organisé, qui opposa Phidias, Crésilas et Polyclète. C’est ce dernier qui remporta la victoire avec une sculpture qui respecte parfaitement le rythme propre à ses autres œuvres. L’Amazone est vêtue d’une courte tunique et porte sur les épaules la « chlamyde » (cape) thessalienne. Elle s’appuie de son bras gauche sur sa lance, et de la main droite dégage sa blessure. L’attitude est très proche de celle de Diadumène : la tête inclinée, la posture font de ces œuvres deux créations étroitement parallèles.
P. B. D.
P. E. Arias, Policleto (Florence, 1964). / T. Lorenz, Polyklet (Wiesbaben, 1972).