Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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peinture (suite)

Mais, selon les traditions du milieu, le conditionnement mental d’un groupe, le tempérament particulier de l’artiste, sa propre sensibilité à l’égard de la matière qu’il emploie et qu’il modèle, celle-ci peut prendre bien des formes différentes, définissant ainsi la technique de l’artiste lui-même. À la limite, on constate que les règles de base du métier peuvent être dépassées et remises en question au bénéfice d’une expression individuelle dominante, comme chez Rembrandt*. Entre l’usage des matériaux, le métier de l’artiste et sa technique se définit l’image que la peinture propose d’elle-même au spectateur : forme plastique totale dont la qualité s’est le plus souvent imposée, au cours de l’histoire, au-delà de l’image transmise. D’où les aspirations à une peinture pure, depuis Titien* (sans parler, sans doute, de l’Antiquité), à la fois accomplissement total et limite de la technique, et dont l’abstraction* a peut-être dit le dernier mot.

On peut diversement classer les techniques picturales en fonction de leur medium, aucune de ces classifications n’étant totalement satisfaisante. Car, selon ses fonctions et ses réactions, la composition du liant peut jouer un rôle très différent. Dans la fresque, l’eau, s’évaporant, permet la constitution d’un liant physique qui est la calcite ; dans la tempera comme dans l’aquarelle*, selon la solution réalisée, le liant confère à la matière colorée un aspect très variable ; avec de l’huile ou des résines, il devient un milieu pour les pigments en suspension — milieu où la lumière va diversement jouer par réflexion et par réfraction selon les indices du liquide et des pigments utilisés. En outre, il y a de multiples interférences entre techniques.

Notons encore que le comportement — ou vieillissement — de la pellicule picturale est d’une importance considérable. Le temps de séchage, en rapport avec l’évaporation et la texture chimique des produits en solution ou en émulsion, aboutit à des modifications optiques de la matière très caractéristiques : matité ou éclat (« brillance »), embu (en cas de diffusion du liquide vers les couches inférieures), oxydation de la surface (pellicule de linoxyne due à l’huile) et parfois phénomènes de jaunissement, de craquelure ou de pulvérisation relative des vernis et de la couche colorée elle-même. Enfin, de la siccativité (temps de séchage) de cette couche picturale dépendra le « faire » de l’artiste, qui pourra être plus ou moins rapide.


Les techniques à base d’eau

Utilisées depuis les temps préhistoriques, elles peuvent être ramenées (l’aquarelle mise à part) à trois types, l’eau étant associée différemment aux opérations chimiques : avec du mortier frais (techniques à fresque) ; avec en solution des matières ayant un pouvoir de liant (colle, gomme, œuf) [il s’agit alors de détrempes simples] ; en émulsion, avec un produit oléagineux ou résineux, ou une cire, associés à l’œuf. Il s’y ajoute aujourd’hui un nouveau type d’émulsion avec polymérisation d’une résine vinylique sous forme d’un latex dilué à l’eau. Notons que, dans les textes anciens, on utilise également le mot détremper (temperare en italien), qu’il s’agisse d’une solution, ou d’une émulsion permettant d’associer eau et huile.


Fresque

Utilisée dès l’Antiquité, la fresque vise à créer une peinture monumentale très solide, à partir de moyens apparemment simples. On étend des couleurs délayées à l’eau sur un enduit de mortier frais bien égalisé, fait de chaux éteinte et de sable de rivière. La chaux absorbe l’eau et se transforme au contact du gaz carbonique de l’air en carbonate de calcium, constituant ainsi une mince couche transparente — la calcite ou calcin — qui emprisonne les pigments de couleurs et les fixe au corps même de l’enduit en leur assurant une protection dont la sûreté et la durée sont tributaires du temps de séchage et des conditions atmosphériques.

La fresque véritable (buon fresco) exige l’usage de couleurs minérales (terres). Pour les autres couleurs (sauf pour les noirs végétaux et animaux), il faut opérer a tempera, en insistant sur le mortier à l’aide d’un liant agglutinant tel que la colle ou l’œuf. Dans la vraie fresque, l’opération la plus délicate consiste dans la préparation de l’enduit en vue de la « prise » (séchage) correcte. La moindre erreur réduit la durée de la fresque. En revanche, dans le meilleur cas, celle-ci pourra durer pendant des siècles, même sur l’extérieur des façades (voir les églises balkaniques).

Deux enduits au moins sont en général superposés. On prépare un premier enduit à la surface rugueuse pour assurer l’adhésivité de l’enduit final, qui utilisera du sable plus fin. C’est sur le premier enduit (arriccio) que les Italiens du Moyen Âge dessinaient l’ensemble de leur composition avec de la couleur rouge (sinopia). Dans beaucoup de pays, de l’étoupe ou de la paille étaient mêlées à cet enduit pour assurer sa consistance et la respiration intérieure. À Pise (Campo santo), on le trouve posé sur des clayonnages qui étaient fixés au mur. Le dernier enduit (intonaco) doit être posé en fonction de la « journée » de travail d’un peintre (de 3 à 4 m2). Il est en général traité de façon à obtenir une surface bien lissée, mais on rencontre également des enduits plus granuleux, du type du pastellone vénitien, qui donnent un effet de douceur (procédé repris souvent au cours du xviiie s.). Une des difficultés consiste à assurer les raccords entre les enduits des diverses journées de travail ; d’où fréquemment un « découpage » qui suit les formes de la composition. Une autre opération délicate est la transposition du dessin préparatoire sur la paroi du mur. Elle a été souvent réalisée par « agrandissement aux carreaux » et à l’aide de calques piquetés correspondant à chaque journée de travail. Cette pratique a spolvero semble avoir succédé, en Italie, à l’usage de l’esquisse d’ensemble a sinopia.