Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Achéménides (suite)

Cambyse II (530-522), successeur de Cyrus, termine la conquête de l’Orient en saisissant l’Égypte. Mais, cette fois, au lieu de barbares ou de populations mêlées, lasses d’un mauvais gouvernement, l’armée perse se heurte à une nation orgueilleuse et xénophobe ; et, devant la mauvaise volonté des habitants de la vallée du Nil, l’Achéménide n’hésite pas à faire détruire un certain nombre de leurs temples. Plus autoritaire que Cyrus, il excède ses peuples en leur demandant trop d’impôts et de recrues ; il meurt au moment où triomphe une révolte menée par son frère Bardiya.

Ce dernier, qui reste sept mois au pouvoir en 522, pratique une politique originale : il supprime le tribut et la conscription pour trois ans, et, cherchant à imposer en Iran une forme épurée de la religion, il fait, à l’instigation des « Mages » (les prêtres iraniens), détruire les édifices cultuels. Il est assassiné par les chefs de la noblesse perse qui reste attachée à ses dieux et aux profits de la conquête, et qui reproche à la famille de Cyrus d’être devenue plus mède que perse.

Le trône passe à Darios Ier (522-486), qui prétend descendre de la branche cadette des Achéménides ; celui-ci affirme n’avoir renversé qu’un imposteur, le Mage Gaumāta, qui s’était fait passer pour Bardiya, ce dernier ayant été tué en secret sur ordre de Cambyse. La crise dynastique provoque des insurrections nationales, mais Darios réussit à maintenir l’Empire, dont il portera ensuite les frontières à l’Iaxarte (Syr-Daria), à l’Indus et au Danube ; surtout il mène à bien l’organisation administrative esquissée par ses deux prédécesseurs.


L’échec de l’Empire perse devant la cité grecque

Peu sensibles aux avantages de l’ordre que font régner les Perses, les innombrables communautés politiques incorporées dans l’Empire ne songent qu’à reprendre leur indépendance. C’est d’abord la révolte des Grecs d’Ionie et d’une partie de l’Asie Mineure (499-493), qui est soutenue au début par certaines des cités helléniques d’Europe, restées indépendantes. C’est là l’origine des guerres médiques (ainsi nommées par les Grecs, qui confondaient Perses et Mèdes). Pour éviter que la solidarité entre Hellènes ne joue de nouveau contre son autorité, l’Achéménide conçoit le projet de soumettre l’ensemble du monde grec, dont il sous-estime la force militaire. Au cours de la première guerre médique, la petite armée envoyée par Darios Ier est battue par les Athéniens à Marathon (490). Puis, lors de la seconde guerre médique, la grande expédition dirigée par le nouvel Achéménide, Xerxès Ier (486-465), après avoir ravagé une bonne partie de la Grèce, est vaincue à Salamine (480) et à Platées (479) par une coalition hellénique placée sous la direction des Lacédémoniens. Une nouvelle ligue, cette fois conduite par les Athéniens, continuera la lutte en libérant les cités grecques de l’Égée et du littoral asiatique. Le grand Empire, qui doit alors écraser les révoltes des Égyptiens et des Babyloniens, ne trouvera plus la force ou l’occasion pour réparer cet échec qui montre les limites de sa puissance.


Le gouvernement et l’administration

Cependant, le règne de Xerxès Ier, le dernier de la période brillante de la dynastie, est sans doute la meilleure époque pour l’étude des institutions achéménides. L’Empire perse est l’œuvre de deux grands hommes, Cyrus et Darios. Sortis d’un peuple sans passé et presque sans culture, ils ne peuvent se dispenser de poursuivre les méthodes des grands États qui ont précédé la domination perse : le royaume élamite de Suse, qui avait guidé les débuts des principautés perses ; l’Assyrie, qui avait laissé le premier modèle d’une monarchie « universelle » ; la Médie, qui avait réalisé le premier empire dirigé par des Iraniens ; Babylone et l’Égypte, dont les conquérants perses maintiennent l’administration.

Suivant la tradition orientale, l’Achéménide est un souverain absolu, qui s’appuie cependant sur une aristocratie. Il recrute ses généraux et ses gouverneurs de provinces avant tout dans la noblesse perse, qui domine les cultivateurs et les éleveurs de son pays, et qui choisit parmi eux les contingents militaires qu’elle amène au roi. Ce sont ces nobles qui reçoivent dans leur enfance l’éducation traditionnelle (apprendre à tirer à l’arc et à monter à cheval, dire la vérité) qui les prépare au service du monarque. L’Achéménide prise à peine moins les aristocraties qui dirigent le peuple mède et les autres ethnies de l’Iran. D’autre part, l’ensemble du peuple perse restera exempt de tout impôt, car il fournit les sujets les plus loyaux et les plus braves.

La première préoccupation des Achéménides est en effet leur armée. La force de celle-ci vient de ces corps prestigieux, dont les officiers ne cherchent que l’occasion de manifester leur bravoure devant leur souverain : la cavalerie et surtout les fameux archers et piquiers de la garde (les 10 000 Immortels, ainsi appelés parce qu’à chaque mort on nommait immédiatement un autre titulaire). Mais ces troupes d’élite sont souvent noyées dans la cohue des contingents demandés à l’ensemble des peuples soumis, qui constitue une foule mal armée et sans cohésion. Sur mer, l’Achéménide utilise les services des Égyptiens, des Grecs d’Asie et surtout des Phéniciens ; mais ne pouvant les faire surveiller de façon efficace par des terriens comme les Iraniens, il est souvent victime de leurs défections.

L’administration impériale se heurte au même problème que l’état-major. Comme ses prédécesseurs en Orient, l’Empire perse a laissé subsister toutes les unités politiques préexistantes avec leur gouvernement ou leur administration. L’Achéménide est, au moins au début, roi de Babylone, roi d’Égypte, et il a pour sujets des roitelets (en Cilicie, à Chypre), des cités (phéniciennes, grecques), des théocraties (comme celles de Jérusalem et de Samarie), des tribus de nomades (Arabes, Scythes) ou de montagnards vivant du brigandage (Pisidiens d’Anatolie, Cadusiens de l’Azerbaïdjan, Carduques du Kurdistān). Si les vieux royaumes ont une tradition de monarchie absolue et de centralisation, dont bénéficie l’Achéménide, les autres communautés politiques gardent, suivant la nature géographique de leur habitat, plus ou moins d’autonomie. Réaliste, porté à utiliser les divisions de ses sujets, l’Achéménide accepte l’émiettement de son territoire, laissant se former de petits royaumes en Anatolie (Bithynie, Paphlagonie) et érigeant des principautés pour les transfuges grecs. Mais, par-dessus cette bigarrure institutionnelle, il étend le réseau très simple de l’administration impériale, dirigée par les satrapes, gouverneurs des provinces qui sont secondés et surveillés par des généraux et des collecteurs d’impôts. Le Palais emploie une bureaucratie qui rédige ses tablettes en élamite, tandis que les autres scribes, et particulièrement ceux des satrapies, écrivent en araméen sur parchemin ou papyrus. Les effectifs limités de ce personnel, la taille immense des satrapies (au début du ve s., une vingtaine pour 5 000 000 de km2) et la difficulté des communications laissent au satrape un grand pouvoir, dont il abuse souvent au détriment du Trésor et de l’autorité du souverain.