Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Paris (suite)

Dans cette ville où les contrastes sociaux s’accentuent et se traduisent déjà par une ségrégation territoriale entre quartiers riches de l’ouest (faubourg Saint-Germain) et quartiers populaires du centre (Cité), le maintien de l’ordre est désormais la préoccupation essentielle du souverain. Il y crée à cet effet une lieutenance de police confiée de 1667 à 1697 à Gabriel Nicolas de La Reynie (1625-1709), qui épure les cours des miracles, met en place un éclairage public et veille, dans la mesure du possible, à assurer le ravitaillement en grains de la capitale.


La ville des lumières

Centre de spéculations financières au temps de la Régence et de la mise en application du système de Law, dont les actions sont négociées rue Quincampoix, Paris reste une place d’affaires importante où est ouverte une Bourse dès 1724. Mais il est surtout la capitale intellectuelle et artistique de l’Europe des lumières, dont les beaux esprits et les savants se réunissent dans des salons (ceux de Mmes de Lambert, du Deffand, de Tencin, Geoffrin, de Lespinasse et Necker) ou collaborent à l’Encyclopédie de d’Alembert et de Diderot. Participant avec passion aux querelles religieuses animées par les jansénistes (affaire des convulsionnaires du cimetière Saint-Médard), se formant politiquement dans les cafés (café Procope), dans les clubs (club de l’Entresol), dans les loges maçonniques (27 en 1774, 90 en 1790) où grâce à la lecture des journaux, tel le Journal de Paris (quotidien depuis 1777), l’opinion publique parisienne s’avère particulièrement perméable aux idées nouvelles. Les défenseurs de l’Ancien Régime contribuent pourtant à la prospérité de la capitale, notamment à celle de l’artisanat de luxe : ébénisterie de Boulle et de Cressent, glaceries de Saint-Gobain, industries textiles (drap, soieries) ou du cuir. Et c’est dans un décor renouvelé par le surintendant des Bâtiments, Marigny, et par les architectes Gabriel et Soufflot, qui dessinent la place Louis XV (actuelle place de la Concorde), la perspective des Champs-Élysées et édifient l’École militaire et l’église Sainte-Geneviève (le Panthéon), qu’éclate en 1789 la Révolution française au sein d’une population que sa croissance démographique (575 000 hab. en 1670, 680 000 en 1784) rend plus sensible à l’injustice fiscale et aux conséquences sociales de la crise économique déclenchée par les mauvaises récoltes de 1775 (émeute du 3 mai) et de 1788.

P. T.


Paris sous la Révolution

En 1789, Paris présente l’aspect d’une ville étendue (3 379 ha), mais relativement composite. Élevé à partir de 1784, le mur d’octroi, dit « des Fermiers généraux », la cerne sur 24 km de tour, et la ville « administrative » s’achève à l’emplacement de nos boulevards extérieurs. Au-delà des barrières d’octroi s’échelonnent les villages suburbains : Auteuil, Passy, Batignolles-Monceau, Montmartre, La Chapelle, La Villette, Belleville, Charonne, Bercy, Vaugirard et Grenelle. La ville réelle, peuplée, occupe un espace plus restreint, délimité sur la rive droite par les anciens remparts abattus et convertis en boulevards plantés d’arbres, depuis la rue des Capucines jusqu’à la porte du Temple. La rive gauche possède aussi des boulevards « neufs » ou « du Midi », mais ici l’espace actif et peuplé se situe en fait bien plus près de la Seine que de ces vastes avenues désertes et peu sûres (boulevards de Grenelle, de l’Hôpital, Saint-Jacques). Les faubourgs de Paris conservent encore un caractère campagnard assez marqué. Jardins maraîchers et cultures fruitières s’étendent au nord (faubourg Poissonnière), à l’est (Popincourt), voire autour des ateliers de tanneurs, aux Gobelins. Les recensements, fort imparfaits, permettent d’évaluer le nombre d’habitants à 700 000 ou 800 000, dont 150 000 immigrés environ, chômeurs et vagabonds, travailleurs saisonniers, masse toujours plus nombreuse pour qui Paris est le refuge contre la crise qui sévit depuis peu. Au printemps de 1789, la misère croissante ravage les quartiers populaires, surtout les faubourgs de l’est, qui concentrent la majeure partie des manufactures. Les salaires baissent, tandis que le pain augmente. Après les premiers pillages de boulangeries, l’émeute d’avril contre la papeterie Réveillon au faubourg Saint-Antoine révèle la gravité de la situation.


Paris à la reconquête du pouvoir politique

La Révolution va privilégier le rôle de Paris. L’attitude de la bourgeoisie parisienne dès l’aube des événements constitue en soi une véritable révolution. L’assemblée des électeurs aux États généraux s’érige en assemblée permanente, en étroite liaison avec ses députés à Versailles. Par un véritable coup de force, elle impose aux autorités établies, prévôté des marchands et échevinage, de siéger à l’Hôtel de Ville, constituant ainsi un véritable pouvoir parallèle. Quand Necker est renvoyé le 12 juillet, Paris s’enflamme. Le Palais-Royal devient le centre de l’agitation politique, mais la fièvre s’étend aux quartiers populaires, où l’on pille les boutiques, aux barrières d’octroi, que l’on brûle. La bourgeoisie des électeurs, propriétaires, commerçants, industriels, professions libérales, menacée par les régiments royaux et par l’anarchie, constitue sa force armée, une milice citoyenne de 48 000 hommes, sous la bannière bleu et rouge de la ville. Le 14 juillet 1789, la prise de la Bastille consacre le triomphe de Paris. Triomphe de la bourgeoisie parisienne, qui va recueillir les fruits du combat populaire, à commencer par la satisfaction d’une revendication essentielle avancée au moment des élections, l’administration municipale par des magistrats élus. Paris a sauvé l’Assemblée, ses représentants et les principes, et s’affirme politiquement majeur. Les anciennes autorités balayées, il a son armée citoyenne, la garde nationale, que commande La Fayette*, et son maire, Jean Sylvain Bailly (1736-1793). Par sa visite au siège du nouveau pouvoir municipal (11 juill.), Louis XVI consacre et sa propre capitulation et l’institution révolutionnaire. Mais la véritable reconquête de son rôle de capitale va se situer le 5 octobre, par la marche sur Versailles, qui, en ramenant « le boulanger, la boulangère et le petit mitron », replace l’exécutif dans ses murs. Avec le retour du pouvoir politique, la physionomie de certains quartiers se modifie. Une intense activité se déploie autour des Tuileries, depuis si longtemps désertées. L’Assemblée siège au Manège, le maire rue Neuve-des-Capucines, la Justice place Vendôme, les Affaires étrangères quai des Théatins. Administrations et clubs s’annexent les couvents et les hôtels aux alentours. Rue Saint-Honoré prend place le club des Jacobins. Par contre, l’émigration commence à vider le faubourg Saint-Germain, puis le Marais, où les hôtels se ferment. De même, la disparition du parlement royal entraîne le déclin rapide du quartier de la Conciergerie.