Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Paraguay (suite)

Après 1936 : les militaires au pouvoir

La brève tentative révolutionnaire du colonel Rafael Franco (1936-37) marqua la vie politique par l’apparition du parti « febrerista ». En 1939, le vainqueur de la guerre, José Félix Estigarribia, arriva à la présidence, mais il mourut dans un accident en 1940. Lui succéda le général Higinio Morínigo, dictateur absolu de 1940 à 1948. Un putsch inspiré par les libéraux, les communistes et les « febreristas » mit fin à son règne. Un autre, un an plus tard, renversa le président élu, Juan Natalicio González, idéologue nationaliste. La dictature de Federico Chaves (de 1949 à 1954) fut une imitation du paternalisme et de l’autoritarisme de Perón. Depuis, le général Alfredo Stroessner (né en 1912), réélu pour la cinquième fois le 11 février 1973, gouverne le pays d’une main de fer.

J. M.


Les éléments de l’organisation de l’espace

Le Paraguay est un pays sous-peuplé, dont la population ne dépasse guère 2 millions d’habitants, malgré une croissance démographique rapide. C’est un pays qui a été décimé par les guerres. En 1871, il ne restait que 221 000 habitants sur l’ensemble du territoire. Certes et en dépit de quelques avatars postérieurs, la population s’est progressivement reconstituée, mais elle est encore faible pour l’espace disponible, d’autant qu’un certain nombre de Paraguayens, en raison de la pauvreté du pays, préfèrent émigrer pour trouver du travail dans les grandes nations voisines, Brésil ou Argentine. En outre, cette population est inégalement répartie : alors que la région centrale et les environs immédiats de la capitale comptent des densités de 20 à 40 habitants au kilomètre carré, celles-ci tombent à moins de 1 habitant au kilomètre carré dans le Chaco et la partie nord de la forêt. Cette situation rend la mise en valeur difficile. La population active reste en majorité agricole : 54 p. 100 sont occupés par le secteur primaire contre 21 p. 100 par le secteur secondaire et 24 p. 100 par le secteur tertiaire. La majorité des habitants vit encore à la campagne. L’essentiel de la population urbaine est regroupé dans la ville d’Asunción, qui abrite maintenant plus de 400 000 personnes ; aucune autre ville n’atteint 20 000 habitants, ce qui montre la grande faiblesse de l’encadrement du territoire par les services urbains et, d’une façon générale, par l’influence animatrice des villes.

Aussi l’économie est-elle dominée par les activités agro-pastorales et forestières, avec des formes traditionnelles de mise en valeur du sol. Tantôt il s’agit, dans le cadre de toutes petites exploitations, d’une agriculture de subsistance n’aboutissant qu’à une production vivrière réservée à la consommation familiale : ces zones de toutes petites propriétés, cultivant maïs et manioc, et pratiquant un petit élevage de volailles, se concentrent autour de la capitale ainsi que dans le Sud. Tantôt, au contraire, dans la partie centrale du pays et surtout dans le Chaco, l’élevage extensif du bétail bovin se pratique dans le cadre de très grandes estancias, avec une simple utilisation de la savane naturelle sur des milliers d’hectares. Le Chaco, par exemple, est divisé en immenses propriétés dépassant 20 000, voire 100 000 ha, à peine clôturées, qui ne cherchent nullement à améliorer les conditions naturelles. Aussi la densité du cheptel est-elle plus ou moins égale à une tête de bétail pour 5 ha de terre. Pourtant, dans la partie sud-est du pays, les conditions particulières de mise en valeur et de formation du groupe humain ont permis l’implantation d’un certain nombre de cultures industrielles, canne à sucre, fruits (citrons, ananas ou bananes), qui donnent à cette zone une atmosphère un peu moins pauvre.

À ces ressources, il faut ajouter la cueillette de l’herbe à maté, qui sert à faire la boisson traditionnelle des pays du Río de la Plata, ainsi que l’exploitation de la forêt. En effet, une grande partie du territoire, couverte par la forêt, est exploitée non seulement pour le bois — dans la mesure où il reste encore des essences dures et précieuses employées pour la construction des meubles —, mais surtout pour le tanin, car cette zone renferme l’arbre quebracho. Cette exploitation forestière est purement « extractive » et entraîne la dégradation d’environ 30 000 ha par an, sans qu’aucun effort ne soit accompli pour replanter et reconstituer cette richesse naturelle.

Dans cet espace aux activités agro-pastorales et extractives encore traditionnelles, les communications, malgré un effort récent d’équipement, restent insuffisantes pour une bonne intégration de l’ensemble du territoire. La voie fluviale constitue l’axe principal pour le commerce extérieur ; il s’ensuit que ce dernier passe nécessairement par l’Argentine. Le Paraguay ne dispose pratiquement pas de chemin de fer, si ce n’est de l’unique voie ferrée reliant Asunción à Encarnación et à l’Argentine, dont l’utilisation devient de plus en plus précaire par suite du vieillissement du matériel. En revanche, une politique récente de développement des routes a permis une bonne liaison de toute la partie est et sud-est avec la capitale ainsi qu’un désenclavement du pays, grâce au pont sur le Paraná, qui assure des relations routières directes avec le Brésil. Au contraire, la partie nord-est de la forêt et l’ensemble du Chaco, à l’ouest de la rivière Paraguay, ne disposent que d’un réseau de pistes très élémentaires ou de quelques tronçons de voies ferrées reliant les zones d’exploitation forestière au fleuve, sans aucun élément d’intégration réel de l’ensemble de l’espace. Ce sous-développement général se traduit par une très faible industrialisation. Certes, le sous-sol ne renferme pas de très grandes richesses, exception faite de quelques zones de minerais de fer, d’étain et de cuivre ainsi que, peut-être, de pétrole dans l’ouest du Chaco. De toute façon, le Paraguay se caractérise par l’absence totale d’industries de biens d’équipement. Ses activités secondaires se limitent à deux domaines : d’une part, la valorisation des denrées de base avant leur exportation, dans des entreprises dominées en général par le capital étranger (frigorifiques américains, fabriques d’extraits de viande britanniques ou américains, fabriques de tanin) ; d’autre part, une petite industrie à caractère plutôt artisanal (86 p. 100 des établissements ont moins de 20 ouvriers), répondant au marché de consommation très réduit des 2 400 000 Paraguayens.