Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arctique (océan) (suite)

Les liaisons aériennes (périarctiques ou transpolaires), en dépit des servitudes qui pèsent sur elles (perturbations magnétiques et radio-électriques, nécessaire abandon des traditionnelles méthodes de guidage, difficultés rencontrées dans l’établissement de l’infrastructure), sont essentielles pour les voyages intercontinentaux (premier raid polaire en 1926), qui bénéficient des avantages de l’orthodromie. L’avion joue un rôle fondamental.

La rivalité américano-soviétique a mis en valeur l’importance des régions arctiques comme route aérienne la plus courte entre les centres vitaux de la Russie, des États-Unis et du Canada. Aussi, Russes et Américains n’ont-ils cessé d’y renforcer leur infrastructure militaire. Du côté soviétique, les principales bases de Sibérie, couvertes par celles qui sont installées dans les possessions russes de l’Arctique, sont celles de Dikson, de Tiksi, d’Ambartchik, d’Iakoutsk et de la presqu’île des Tchouktches (face à l’Alaska). Les Américains, de leur côté, ont établi des bases importantes dans les Aléoutiennes, en Alaska (Anchorage et Fairbanks), en Islande (Reykjavik et Keflavik) et au Groenland (Thulé). Ils ont édifié, pour couvrir le continent nord-américain, un réseau complexe de radars, dont l’efficacité, réelle contre des avions, a été considérablement réduite par le développement des missiles intercontinentaux.

L’océan Arctique, enfin, est devenu une zone de navigation privilégiée pour les sous-marins à propulsion nucléaire, qui, seuls capables de traverser tout le bassin aller et retour en plongée, trouvent sous le couvert du Pack un excellent camouflage. De telles traversées ont été réalisées par des unités américaines (Nautilus, 1958 et 1960 ; Skate, 1958, 1959 et 1962 ; Sargo, 1960 ; Seadragon, 1960, 1962) et soviétiques (Leninski Komsomol, 1962). Elles nécessitent des connaissances approfondies tant glaciologiques (épaisseur de la banquise, répartition des polynies) que bathymétriques : l’exiguïté du détroit de Béring et la largeur de la plate-forme continentale réduisent les possibilités d’accès, sauf pour les submersibles venant de l’Atlantique ou de ports arctiques précédés de chenaux profonds (c’est en descendant le cañon sous-marin de Point Barrow que le Nautilus parvint, en 1958, à se glisser sous la banquise).

B. de B. et J.-R. V.

J.-R. V.

➙ Groenland.

 P. George, les Régions polaires (A. Colin, 1946). / Deutsches Hydrographisches Institut, Atlas der Eisverhältnisse des Nord-atlantischen Ozeans und Uebersichtskarten des Nord- und Südpolargebietes (Hambourg, 1950). / J. Rouch, les Mers polaires (Flammarion, 1954). / U. S. Navy Hydrographic Office, Oceanographical Atlas of the Polar Seas, II. Arctic (Washington, 1958). / Proceedings of Arctic Basin Symposium (Washington, 1963). / P. Pagney, les Climats polaires (C. D. U., 1971).
On peut également consulter les mémoires de l’Arctic Institute of North America de Montréal : Arctic (depuis 1948), et les publications de l’Institut arctique de Leningrad : Travaux, Arctique, problèmes arctiques et antarctiques (en russe).


L’exploration de l’Arctique

Situés à proximité des bases de départ de grands navigateurs, les Vikings, les parages des régions arctiques ont été atteints très tôt : dès 982, Erik Thorvaldsson, dit Erik le Rouge, exilé d’Islande, aborde la côte sud-ouest du Groenland et entreprend peu après la colonisation d’un secteur littoral de cette terre, sans doute un peu moins froide qu’aujourd’hui. Mais, après le déclin et l’oubli de cette mise en valeur, il faudra attendre l’ère des grandes découvertes et de puissants impératifs commerciaux pour que l’Arctique soit abordé dans l’optique de la recherche géographique.

La découverte de l’Arctique a procédé de deux modalités : par la terre, avec l’avancée des Russes en Sibérie et des découvreurs dans le grand Nord canadien et l’Alaska ; par la mer, avec la recherche de deux grands passages, le Nord-Ouest et le Nord-Est, qui devaient ouvrir aux navires d’Europe des voies nouvelles, raccourcies, vers l’Asie. L’exploit sportif de Peary couronnera le tout avec la conquête du pôle proprement dit.


La Sibérie arctique

À partir de la fin du xvie s., les Cosaques, refoulés de Russie, s’avancent dans les immensités sibériennes, plaçant sous leur servitude les rares populations qu’ils rencontrent. Avec Semen Ivanovitch Dejnev (v. 1605-v. 1672), ils explorent dès 1648 les rives du détroit de Béring. Le Kamtchatka est conquis en 1697. Enfin, juste avant sa mort, Pierre le Grand organise une expédition de découverte, la plus importante de son temps. Il en confie la direction au Danois Vitus Béring (ou Behring) [1681-1741]. L’avant-garde part de Saint-Pétersbourg en 1725 ; le dernier échelon ne sera de retour qu’en 1733. L’essentiel des efforts est consacré au littoral de la Sibérie. Semen Ivanovitch Tcheliouskine, en particulier, atteint en traîneau la pointe nord du continent, formée par le cap auquel sera donné son nom (1742). Au même moment, Dmitri Iakovlevitch Laptev cartographie le littoral dans la région de l’embouchure de la Iana. Par la suite, les recherches ne reprennent activement qu’au xixe s. En 1821, 1822 et 1823, Ferdinand Petrovitch Wrangel (ou Vrangel) [1797-1870] effectue trois pointes vers le nord, sur la banquise bordant la Sibérie orientale : il dépasse 72° de latitude. En 1843, Aleksandr Fedorovitch Middendorf (1815-1894) explore la presqu’île de Taïmyr ; de 1868 à 1870, Maysel reconnaît le bassin de la Kolyma ; en 1891, enfin, Ivan Dementevitch Tcherski (1845-1892) visite les régions drainées par la Iana, l’Indiguirka et la Kolyma.


Le passage du Nord-Est

À l’initiative de Sébastien Cabot*, qui était le gouverneur de la Société des marchands aventuriers, une expédition anglaise de trois navires prend le départ en 1553 vers le nord-est pour rechercher une liaison nouvelle vers la Chine qui permette d’échapper au contrôle du trafic par les Ibériques. Seul le navire commandé par Richard Chancellor († 1556), qui atteint la mer Blanche, en réchappe, entamant le négoce avec la Moscovie. Le Hollandais Willem Barents (ou Barentsz) [v. 1550-1597] poursuit la recherche et double la Nouvelle-Zemble par le nord. En 1596, il découvre le Spitzberg, puis doit hiverner près du littoral oriental de la Nouvelle-Zemble et meurt d’épuisement sur le chemin du retour. Il faudra attendre plus de deux siècles pour voir l’exploration progresser : en 1735, Mouravev et Pavlov pénètrent de nouveau dans la mer de Kara. En 1737, l’embouchure de l’Ob est atteinte par Stepan Gavrilovitch Malyguine († 1764) et A. Skouratov. Ces parages ne seront de nouveau visités, par mer, que par le Norvégien Johannesen, en 1869. Adolf E. Nordenskjöld (1832-1901) gagne l’embouchure de l’Ienisseï en 1875. Il contourne le cap Tcheliouskine sur la Vega et hiverne près de l’embouchure de la Lena (1878-79). Franchissant le détroit de Béring pendant l’été de 1879, il ouvre ainsi le passage du Nord-Est. Les limites septentrionales en seront précisées par la découverte, due à Boris Andreïevitch Vilkitski (né en 1885), de l’archipel de la Terre du Nord, la Severnaïa Zemlia (1913-14). Mais c’est seulement avec l’instauration du pouvoir soviétique que la « Route maritime du Nord », longue de 4 500 km, commence à jouer un rôle capital dans la mise en valeur de l’Arctique sibérien : le cabotage qu’elle connaît chaque année pendant une dizaine de semaines n’est possible que grâce à de puissants brise-glace. Le Lénine sera le premier navire de ce type à utiliser la propulsion nucléaire.