Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

Nouvelles perspectives

À travers ces formes néo-classiques ou éclectiques, l’architecture moderne manifesterait un véritable épuisement s’il n’y avait, dans le domaine technique et dans celui de l’urbanisme, des progrès considérables. Depuis plus de dix ans, en effet, on s’est penché sur les problèmes de préfabrication volumétrique. À côté des recherches purement techniques, nombreuses ont été les propositions architecturales : celle d’Aldo Van Eyck (né en 1918) pour l’orphelinat municipal d’Amsterdam, conçu comme une agglomération de cellules, est la plus ancienne (1955), mais il faut citer également les travaux de l’équipe Candilis en Afrique du Nord.

Dans le domaine de l’habitat semi-individuel, à côté des expériences françaises (Jacques Bardet [né en 1928] dans le val d’Yerres, 1967-1969), une importante réalisation est l’« Habitat 67 » de Montréal, par Moshe Safdie (né en 1938), rénovateur, ensuite, de l’habitat populaire à Porto Rico. Dans ces travaux, on remarque la mise en œuvre simultanée des nouvelles techniques de préfabrication en béton, des principes de superposition et de croisement de cellules qui avaient été expérimentés avec succès dix ans plus tôt (Roland Simounet [né en 1927] à Bab-el-Oued, Alger), ainsi que des notions d’urbanisme liées à cet enchevêtrement de cellules, finissant par déboucher sur une véritable interpénétration des fonctions.

Cette orientation nouvelle tend aujourd’hui à se répandre dans le domaine du logement collectif et même dans celui du gratte-ciel : dès 1970, la Standard Bank de Johannesburg, par Hentrich et Petschnigg, utilisait systématiquement la préfabrication industrielle en béton. Il reste encore, pour compléter la cohérence du mouvement, à réaliser l’unité des techniques entre les différents programmes, ce qui permettrait l’exploitation d’un seul type de cellules pour toutes les constructions et autoriserait la réalisation de ces « nappes » de constructions envisagées par certains urbanistes visionnaires. Des images de cette évolution future peuvent être pressenties dans les dessins utopiques du groupe anglais Archigram, dans l’admirable plan pour Tōkyō de Tange* Kenzō (1961) ou bien dans le projet non réalisé d’un centre des arts graphiques sur l’Hudson, dessiné par Paul Rudolph en 1967.

La situation actuelle de l’architecture a donc deux aspects : d’une part, elle tire la leçon des grands précédents, qui sont ceux de Wright, Le Corbusier, Aalto, Saarinen — quitte à faire virer cette expérience vers un néo-classicisme officiel, dont l’Amérique est le lieu d’élection ; d’autre part, elle amorce une évolution vers de nouvelles notions d’urbanisme, en étroite liaison avec de nouvelles techniques, qui font de la traditionnelle maison une cellule dans un maillage général — ce maillage pouvant être étendu à toute la cité. C’est, indiscutablement, la seconde tendance qui a le plus de chances d’aboutir et de progresser.

F. L.

➙ Bétonnage / Fer / Gratte-ciel / Préfabrication / Urbanisme.

 B. Zevi, Storia dell’architettura moderna (Turin, 1953). / V. Scully, Modern Architecture (New York, 1961 ; trad. fr. l’Architecture moderne, Éd. des Deux Mondes, 1963). / B. Champigneulle et J. Ache, l’Architecture du xxe siècle (P. U. F., 1962). / J. Joedicke, Geschichte der modernen Architektur (Stuttgart, 1962 ; trad. fr. Architecture contemporaine, Delpire, 1962) ; Moderne Architektur (Stuttgart, 1969 ; trad. fr. Tendances de l’architecture moderne, Eyrolles, 1972). / Dictionnaire de l’architecture moderne (Munich et Zurich, 1963 ; trad. fr. F. Hazan, 1964). / U. Kultermann, Neues Bauen in der Welt (Baden-Baden, 1967 ; trad. fr. Architecture contemporaine, A. Michel, 1969). / M. Ragon, Histoire mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes (Casterman, 1971-72 ; 2 vol.).

archives

Ensemble des documents produits et reçus par une personne physique ou morale, ou par un organisme public ou privé, et conservés à fin d’utilisation.


Il convient de souligner la différence entre la notion de fonds d’Archives, reflet spontané de l’activité humaine, et celle de la collection, élément arbitrairement constitué au profit d’un besoin pratique ou documentaire. Le support sur lequel vient s’inscrire le témoignage de l’activité publique ou privée n’importe pas : tablettes d’argile de Mésopotamie, papyrus ou parchemins, archives imprimées ou audio-visuelles, bandes perforées ou microfilms. Il sera essentiellement question, ici, des archives de France.


Des origines à 1789

Au Moyen Âge, l’Église, héritière d’une culture qui s’adapte aux temps nouveaux et bénéficiaire de nombreuses donations, est la première soucieuse d’asseoir et de conserver ses titres. Les archives de la monarchie, moins bien tenues, par trop ambulantes, souffrent de la comparaison. La défaite de Fréteval en Vendômois (1194), où Philippe Auguste perd ses archives au profit de Richard Cœur de Lion, décide la monarchie à constituer un dépôt central fixe. C’est l’origine du Trésor des Chartes et de la pratique de l’enregistrement des actes, qui s’étend, au cours du xiiie s., aux parlements et aux diverses juridictions.

Les archives privées s’organisent à l’image des archives royales. Il en est de très importantes, celles des duchés de Bourgogne, de Bretagne ou de Lorraine, ainsi que de bien d’autres juridictions seigneuriales, ecclésiastiques et urbaines. La notion d’archives publiques est liée à l’authenticité, à laquelle tendent les actes royaux ; la conséquence en est la naissance de l’enregistrement et le développement du notariat, qui apparaît d’abord dans le midi de la France.

Avec le xvie s., l’affirmation du pouvoir monarchique entraîne l’expansion des organes administratifs, leur spécialisation et la constitution de fonds justifiant leur activité. Il y a donc accroissement, mais aussi décentralisation des archives. Le bilan, à la veille de la Révolution, est un éparpillement de dépôts sans organisation profonde. L’utilisation scientifique du document s’est affirmée, cependant, à partir du xviie s. Il faut rappeler les premiers travaux d’inventaire du Trésor des Chartes par les Godefroy et Pierre Dupuy, les ouvrages de dom Jean Mabillon et des religieux mauristes, la création par Henri Léonard Bertin, en 1762, du Cabinet des chartes, dirigé par l’avocat Jacob Nicolas Moreau, enfin l’activité des feudistes, dont l’influence va bientôt s’exercer dans le domaine de l’archivistique.