architecture (suite)
Nouvelles perspectives
À travers ces formes néo-classiques ou éclectiques, l’architecture moderne manifesterait un véritable épuisement s’il n’y avait, dans le domaine technique et dans celui de l’urbanisme, des progrès considérables. Depuis plus de dix ans, en effet, on s’est penché sur les problèmes de préfabrication volumétrique. À côté des recherches purement techniques, nombreuses ont été les propositions architecturales : celle d’Aldo Van Eyck (né en 1918) pour l’orphelinat municipal d’Amsterdam, conçu comme une agglomération de cellules, est la plus ancienne (1955), mais il faut citer également les travaux de l’équipe Candilis en Afrique du Nord.
Dans le domaine de l’habitat semi-individuel, à côté des expériences françaises (Jacques Bardet [né en 1928] dans le val d’Yerres, 1967-1969), une importante réalisation est l’« Habitat 67 » de Montréal, par Moshe Safdie (né en 1938), rénovateur, ensuite, de l’habitat populaire à Porto Rico. Dans ces travaux, on remarque la mise en œuvre simultanée des nouvelles techniques de préfabrication en béton, des principes de superposition et de croisement de cellules qui avaient été expérimentés avec succès dix ans plus tôt (Roland Simounet [né en 1927] à Bab-el-Oued, Alger), ainsi que des notions d’urbanisme liées à cet enchevêtrement de cellules, finissant par déboucher sur une véritable interpénétration des fonctions.
Cette orientation nouvelle tend aujourd’hui à se répandre dans le domaine du logement collectif et même dans celui du gratte-ciel : dès 1970, la Standard Bank de Johannesburg, par Hentrich et Petschnigg, utilisait systématiquement la préfabrication industrielle en béton. Il reste encore, pour compléter la cohérence du mouvement, à réaliser l’unité des techniques entre les différents programmes, ce qui permettrait l’exploitation d’un seul type de cellules pour toutes les constructions et autoriserait la réalisation de ces « nappes » de constructions envisagées par certains urbanistes visionnaires. Des images de cette évolution future peuvent être pressenties dans les dessins utopiques du groupe anglais Archigram, dans l’admirable plan pour Tōkyō de Tange* Kenzō (1961) ou bien dans le projet non réalisé d’un centre des arts graphiques sur l’Hudson, dessiné par Paul Rudolph en 1967.
La situation actuelle de l’architecture a donc deux aspects : d’une part, elle tire la leçon des grands précédents, qui sont ceux de Wright, Le Corbusier, Aalto, Saarinen — quitte à faire virer cette expérience vers un néo-classicisme officiel, dont l’Amérique est le lieu d’élection ; d’autre part, elle amorce une évolution vers de nouvelles notions d’urbanisme, en étroite liaison avec de nouvelles techniques, qui font de la traditionnelle maison une cellule dans un maillage général — ce maillage pouvant être étendu à toute la cité. C’est, indiscutablement, la seconde tendance qui a le plus de chances d’aboutir et de progresser.
F. L.
➙ Bétonnage / Fer / Gratte-ciel / Préfabrication / Urbanisme.
B. Zevi, Storia dell’architettura moderna (Turin, 1953). / V. Scully, Modern Architecture (New York, 1961 ; trad. fr. l’Architecture moderne, Éd. des Deux Mondes, 1963). / B. Champigneulle et J. Ache, l’Architecture du xxe siècle (P. U. F., 1962). / J. Joedicke, Geschichte der modernen Architektur (Stuttgart, 1962 ; trad. fr. Architecture contemporaine, Delpire, 1962) ; Moderne Architektur (Stuttgart, 1969 ; trad. fr. Tendances de l’architecture moderne, Eyrolles, 1972). / Dictionnaire de l’architecture moderne (Munich et Zurich, 1963 ; trad. fr. F. Hazan, 1964). / U. Kultermann, Neues Bauen in der Welt (Baden-Baden, 1967 ; trad. fr. Architecture contemporaine, A. Michel, 1969). / M. Ragon, Histoire mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes (Casterman, 1971-72 ; 2 vol.).