Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

Au viiie s., avec les conversions massives et le culte des reliques, des innovations vont apparaître : a) les constructeurs doivent loger des autels plus nombreux : ils mettent des absidioles à l’extrémité des collatéraux (Arles, Lorsch), ajoutent une abside à l’ouest (Clermont, Saint-Gall), construisent des oratoires annexes, aménagent les tribunes, etc. ; b) les reliques sont placées dans un caveau sous l’autel surélevé (« confession », « martyrium ») [v. martyres] ; on doit pouvoir y célébrer l’office et réaliser la circulation des fidèles ; à partir du viiie s., cette chapelle souterraine se perfectionnera (crypte), passant d’un ensemble de caveaux (Saint-Paul de Jouarre) à une église miniature (Saint-Laurent de Grenoble), quelquefois entourée d’un couloir circulaire (Saint-Gall) ; c) le fait de loger un clergé plus nombreux est sans doute à l’origine du transept et aussi de l’addition, riche d’avenir, d’une travée entre l’abside et la nef (abbaye de Saint-Riquier, Marienmünster de Reichenau).

Il existera au Moyen Âge des églises sur plan centré : a) des mausolées (Galla Placidia, de forme tréflée, à Ravenne*) ; b) des baptistères*, souvent en rotonde (premier état de celui du Latran, à Rome) ; c) des églises de plan ramassé (prototype : San Vitale de Ravenne, 547), s’inspirant du Saint-Sépulcre de Jérusalem* (v. 326).


L’architecture romane

Près de cinq siècles furent nécessaires pour que soient élaborés des formes et des principes nouveaux (v. roman [art]).

La conception de l’édifice diffère de celle des Romains. Au passif monolithe creusé s’oppose une construction où des forces dynamiques entrent en jeu ; des décharges et des renforts vont contenir les poussées, voire essayer de les localiser. Les premières soulagent le mur d’une partie de sa charge et la renvoient au sol par l’intermédiaire des supports ; les seconds s’appliquent aux voûtes (doubleaux) et aux murs (contreforts) ; enfin, la voûte d’arêtes localise les poussées, qui restent diffuses avec la voûte en berceau.

L’architecture religieuse romane a possédé à la fois une grande variété et une unité : variété due au morcellement politique : unité technique double (héritage romain et recherche du voûtement en pierre). Les différents foyers de construction communiquent entre eux par la copie des édifices fameux, l’essaimage des monastères ou les routes de pèlerinage.

L’architecture romane apparaît différenciée dès le « premier art roman », qui s’étend en Lombardie, en Catalogne, dans le sud-est de la France et en Europe centrale. Les solutions architecturales sont carolingiennes*, le décor est roman avec des influences mozarabes. Les caractéristiques sont le renfort des murs par des bandes lombardes (à l’extérieur) et des arcatures, ainsi que l’emploi de piliers et d’arcades outrepassées ; des voûtes en berceau apparaissent sur les nefs dès le xie s., ainsi que des coupoles sur trompe. Les plans sont soit sans transept, soit à transept avec coupole au carré (Ripoll) ; les voûtes sont en berceau soit continu (Elne), soit sur doubleaux (Sant Pere de Caserras).

Les persistances romaines, avec plan basilical sans transept, se retrouvent dans la région de Rome, en Ombrie et en Toscane ; les influences byzantines sont sensibles en Vénétie et en Dalmatie (Saint-Marc de Venise*). La Lombardie pratique les voûtes à pénétration. Dans le sud-ouest de la France, un groupe exceptionnel possède des coupoles en file (Saint-Front de Périgueux*). Des régions fortement romanisées (Provence*, Bourgogne*) conservent les colonnes et les pilastres « à l’antique » (Saint-Trophime d’Arles*).

D’autres édifices montrent les survivances de l’architecture carolingienne et ottonienne dans les régions où s’exerça le pouvoir impérial : les édifices sont importants et complexes en Saxe (Sankt Michael de Hildesheim, avec deux transepts et deux chœurs), souvent fidèles au plan centré (Sankt Maria im Kapitol de Cologne). Dans l’ancienne Neustrie, le « déambulatoire » contournant le chœur est de règle ; souvent des « chapelles rayonnantes » s’ouvrent sur celui-ci (Saint-Benoît-sur-Loire). La Normandie* élève de nombreuses églises et abbayes avec des chœurs profonds, des tribunes, des tours-lanternes à la croisée et des façades déjà « harmoniques » (Jumièges, Caen*).

Dans de nombreuses régions, les influences des pays voisins ou des ordres religieux s’entrecroisent. La Lombardie est à la fois latine et « impériale » ; l’ancienne Lotharingie est soumise aux influences bourguignonnes, rhénanes, voire normandes ; l’Espagne continue le premier art roman avec des apports clunisiens. Enfin, les routes de pèlerinages suscitent un modèle conçu pour la circulation des foules (Sainte-Foy de Conques).


L’architecture gothique

Toute l’architecture gothique* découle d’une invention technique, la croisée d’ogives, d’où procède un système constructif complet. On peut discuter de ses origines, mais les expériences qui eurent des résultats se déroulèrent dans un territoire restreint entre l’Oise et l’Aisne (où l’architecture romane était pauvre), et la fortune de l’architecture gothique suivit celle des Capétiens.

Le point essentiel est la localisation des poussées : la voûte sur croisée d’ogives apparaît comme une voûte d’arêtes, avec, sous chaque arête, une nervure supportant des fragments de voûte (les voûtains, dont l’appareillage diffère en réalité de celui des voûtes d’arêtes), nervures et voûtains devenant très vite indépendants. En plus des deux arcs diagonaux, la voûte sur croisée d’ogives comporta très tôt les doubleaux, séparant les voûtes, et les formerets, liant le voûtain au mur. C’est donc un cadre appareillé où les nervures prennent la majeure partie de la charge.

Il s’ensuit une facilité de contrebutement de la poussée, la nécessité d’avoir des organes pour contenir celle-ci et une diminution de la fonction portante du mur, qui permet de l’ouvrir largement. La concentration des efforts dans les nervures posera le problème des retombées, que l’on résoudra par le « tas de charge », surhaussement du support, avant de constater que l’on peut supprimer la colonne et la remplacer par un corbeau. Les poussées étaient reçues par le contrefort, hérité du roman, qui se modifiera fonctionnellement (culée à retraits), mais qui, dès le début, fera perdre au mur sa valeur de butée. Les collatéraux étant de plus en plus importants et la dimension des nefs de plus en plus grande, on en viendra à décoller le contrefort massif du mur et à lui transmettre les poussées par des arcs-boutants (à partir de 1160 environ, l’arc-boutant sort du toit).