Bruges

en néerlandais Brugge

Bruges
Bruges

Ville de Belgique, chef-lieu de la Flandre-Occidentale.

  • Population : 117 577 hab. (recensement de 2013)
  • Nom des habitants : Brugeois

Centre commercial et touristique, dont Zeebrugge constitue le port.

L'HISTOIRE DE BRUGES

Les origines, l'ascension

Née au pied d'une forteresse (castrum) servant de résidence au comte de Flandre Baudouin Ier (866-879), dotée aussitôt d'un atelier monétaire, Bruges est sans doute dès l'origine un centre commercial. En témoignent son nom « Brugge », synonyme de débarcadère, et sa localisation à l'extrémité du golfe « Sincfal », en un point où les voies navigables recoupent les voies terrestres menant à Gand, à Courtrai et à Ypres depuis la seconde transgression dunkerquienne (ive-viiie s. après J.-C.). En fait, le recul, dès le ixe s. ou le xe s., de la mer, mal compensé par la concentration des eaux de l'ancien golfe « Sincfal » dans les deux chenaux canalisés de la Reie à l'est (entre Bruges et Damme), puis du « Vieux Zwin » à l'ouest, diminue très rapidement la valeur du site portuaire, que complète heureusement la rade étendue et profonde du golfe de Zwin, créé par le raz de marée de 1134.

À cette date, la fusion en une seule agglomération du castrum comtal (le Bourg) et du portus marchand (castellum forinsecum, le « Faubourg ») est concrétisée par la construction, au plus tard en 1127, d'une enceinte enserrant une superficie de 86 ha.

À la suite de l'assassinat du comte de Flandre Charles le Bon (1127), dont elle condamne les auteurs, Bruges intervient dans la désignation de ses successeurs, Guillaume III Cliton, puis (1128) Thierry d'Alsace. Elle arrache à ce dernier de nombreux privilèges financiers (exemption de cens), économiques (suppression du péage grevant son commerce) et juridiques (liberté de choisir le droit applicable à ses habitants). Il existe donc dès cette époque un échevinage particulier à la ville, dont les membres viagers (annuels en 1241) assurent son administration.

Bien que Philippe d'Alsace (1168-1191) tente de limiter leurs droits en les précisant, vers 1190, dans une charte (keure) qui leur interdit de modifier leurs institutions sans son consentement, les riches Brugeois restent maîtres de leurs destinées économiques. Aussi prennent-ils en charge les travaux réalisés à la fin du xiie s. pour prévenir l'ensablement de leur port : endiguement de la Reie ; création, par Philippe d'Alsace, de l'avant-port de Damme (1180), qui doit son nom au barrage (dam) établi au débouché de cette rivière dans le Zwin ; construction, enfin, d'une écluse à double système de portes verticales, permettant, depuis 1180, aux navires à faible tirant d'eau (moins de 6 pieds) d'accéder à Bruges, où la grue, immortalisée par Memling, facilite leur déchargement et celui des allèges, qui chargent à Damme les cargaisons des navires de fort tonnage.

Une grande ville marchande

Techniquement bien équipée, dotée, par ailleurs, en 1200, de foires s'insérant du 23 avril au 22 mai dans un cycle annuel auquel participent Torhout, Lille et Messines, Bruges bénéficie en outre de l'annexion au domaine royal capétien de l'Artois (1180) : cela lui permet d'enlever à Saint-Omer le marché des laines anglaises, que ses marchands revendent avec bénéfice aux drapiers flamands, d'Ypres et de Gand en particulier. Les liens noués avec l'Angleterre favorisent également leur pénétration dans la France de l'Ouest ; dès le xiiie s., les Brugeois participent au transport des vins de Gascogne avant de gagner les ports de la Seine, où ils achètent le blé, les fromages normands ou les vins français. En revanche, ils trafiquent peu avec l'Allemagne du Nord (marché réservé à Gand), et leur présence est rarement mentionnée en Italie, en Espagne et aux foires de Champagne. Aussi, leur rôle au sein de la Hanse des dix-sept villes est-il très effacé, alors qu'ils s'assurent le contrôle de la Hanse flamande de Londres, dont le « comte de la Hanse » (« hanzegraaf ») doit être obligatoirement choisi parmi des membres brugeois ; ceux-ci se font accorder en outre l'exclusivité de l'accès à l'échevinage de leur ville (1241).

Mais, à l'heure même de son double triomphe économique et politique, l'oligarchie marchande de Bruges se heurte à l'hostilité des rivales étrangères, qui entendent se réserver le monopole du trafic sur leur propre territoire. Ne pouvant bientôt plus y accéder, ses membres se sédentarisent, se transformant en courtiers, en hôteliers pour recevoir dans leur propre ville leurs concurrents, dont ils soumettent les activités à quelques règles précises : interdiction de revendre sur place les denrées qu'ils y ont acquises et d'y pratiquer un commerce de détail ; mais autorisation du « gasthandel » (commerce de forain à forain), expressément reconnu en 1309 et auquel Bruges doit d'être devenue au xive s. sinon le « marché mondial » du Moyen Âge, tout au moins le plus grand marché de l'Occident chrétien, ne serait-ce qu'en raison de la richesse humaine et financière des Pays-Bas, qui absorbent l'essentiel de ses importations.

Les avantages du mouillage de Damme, les facilités de logement et de stockage offertes par Bruges, l'assurance de pouvoir y acheter des draps flamands, le fret de retour de qualité et relativement bon marché en l'absence d'intermédiaires, tous ces facteurs contribuent à expliquer l'affluence des marchands étrangers.

Dès 1270, les Anglais s'assurent à Bruges une place prépondérante, qu'ils renforcent en 1294 lorsqu'ils instituent l'étape des laines : celle-ci est confiée à deux reprises à Bruges (1325-1326 et 1340-1350), où sont conclus de toute façon les contrats unissant marchands flamands et marchands d'outre-Manche. Ceux-ci y sont bientôt rejoints par leurs collègues allemands de la Hanse teutonique, qui empruntent soit la voie terrestre Cologne-Bruges, soit la voie maritime Lübeck-Hambourg-Bruges, par laquelle arrivent les produits de la Baltique (ambre, blé, bois de Prusse, fer et cuivre de Suède), de la Russie (fourrures de Novgorod) et de la mer du Nord (bière de Brême et de Hambourg, morue de Norvège) en échange des produits du Midi atlantique (sel de Bourgneuf et de Brouage, puis de Setúbal, vins gascons, fer ibérique), transportés par les marins des ports aquitains, portugais (première mention en 1212) ou basques (depuis 1230). Enfin, depuis 1277 et l'arrivée à Damme des premières galères génoises, bientôt suivies par les navires vénitiens, réunis en un convoi annuel dès 1315-1316, les marchands italiens font affluer à Bruges les produits de leur péninsule (velours de Gênes, brocarts de Venise et, au xve s., alun de Tolfa) comme ceux de l'Orient (épices, sucre de canne, tissus précieux byzantins, vins grecs, etc.).

Tout naturellement, ces colonies étrangères se constituent en « nations », ou « consulats », dotés d'une administration interne qui se réserve le jugement de ses membres, l'échevinage de Bruges ne connaissant que les causes opposant des marchands de nationalités différentes. La compagnie anglaise des « marchands de l'Étape » (exportateurs de laine), celle des « marchands aventuriers » (exportateurs de drap depuis le début du xve s.) et le « comptoir » des marchands hanséates représentent les plus puissantes de ces nations, la deuxième utilisant, si nécessaire, contre Bruges l'arme efficace du blocus économique par transfert de son siège dans une autre ville (Aardenburg, 1307-1309 ; Dordrecht, 1358-1360 ; Utrecht, 1388-1392 ; Anvers, 1436-1438 ; Deventer, 1451-1457).

Disposant en général de « loges » fondées dans la seconde moitié du xive s., les Italiens se sont rarement constitués en nations, à l'exception des Génois (dirigés par un massier depuis 1395) et des Vénitiens.

Il n'en est pas de même des Catalans, ainsi regroupés dès 1330, et des Castillans, privilégiés dès 1348 et pourvus de consuls depuis 1428. Moins nombreux et plus tardivement établis à Bruges, les Portugais ne sont représentés par un facteur royal qu'à partir de 1456, tandis que les intérêts des Écossais ne sont défendus que par un Conservateur de leurs privilèges (1407), choisi par leur roi parfois en dehors de leur nation, tel le Brugeois Anselme Adornes (1472).

Place financière, ville industrielle

Grande place marchande de l'Europe au xive s., Bruges en devient naturellement l'une des principales places financières : cette primauté est soulignée par le fait que c'est dans cette ville que naît le mot « Bourse ». Se réservant les opérations de change manuel qui se déroulent dans cinq « comptoirs fieffés » et « francs » (trois dès 1224) et dans de nombreux comptoirs non francs (quinze au maximum en 1346), les financiers brugeois se livrent peu à peu à des activités de type bancaire en faveur de leurs clients : dépôts, virements de compte à compte, avances, d'autant plus dangereuses que l'essentiel de leurs liquidités est constitué par des dépôts remboursables à vue.

Pourtant, les Brugeois n'accordent jamais de prêts à la consommation, dont ils abandonnent la pratique à des prêteurs sur gages spécialisés, les Cahorsins ou les Lombards, qui sont en fait, pour la plupart, des Piémontais originaires d'Asti ou de Chieri. Mentionnés pour la première fois en 1244, détenteurs au xve s. de quatre tables de prêts, la première ayant été autorisée en 1281, ces financiers prélèvent officiellement des intérêts considérables (43,33 % par an) malgré les interdits ecclésiastiques.

Mais ce sont d'autres Italiens, les marchands banquiers de Lucques et de Florence, qui dominent le marché de Bruges, sur lequel ils introduisent au xive s. la lettre de change.

Disposant de moyens financiers considérables, ces marchands banquiers contrôlent le marché européen des capitaux, alimentent en particulier en argent frais le trésor des comtés de Flandre, puis celui des ducs de Bourgogne. Il en est ainsi des succursales brugeoises des compagnies financières des Bardi et de Peruzzi, ces derniers ayant pour facteur le chroniqueur Giovanni Villani (vers 1280-1348) ; il en est de même du Lucquois Dino Rapondi (avant 1350-vers 1414), qui avance à Philippe le Hardi, en 1396, la rançon de 200 000 florins de son fils Jean sans Peur, fait prisonnier par les Turcs à Nicopolis. Enfin et surtout, ce rôle financier est tenu au xve s. par la compagnie des Médicis. Fondée en 1439, sa filiale de Bruges est dirigée d'abord par Bernardo Portinari, puis par Angelo Tani et finalement par Tommaso Portinari (1465-1480), dont les prêts excessifs à Charles le Téméraire entraînent l'abandon à son profit de cet établissement par Laurent le Magnifique, désireux d'éviter que sa faillite n'entraîne celle de ses autres filiales (1480).

L'industrie brugeoise est toujours restée étroitement subordonnée au commerce et à la finance, dont elle est issue. Ne visant pour l'essentiel qu'à assurer les besoins vitaux de sa population, ne fabriquant que de rares articles spécialisés (vêtements de confection, habits en peaux ou en fourrures, chapelets d'ambre), elle n'exporte que les seuls produits de la draperie, dont l'essor, datant de la fin du xiiie s., fait de Bruges le troisième centre producteur de Flandre, loin derrière Gand et Ypres.

Provoquant au sein de Bruges la formation d'un important prolétariat ouvrier dominé par les tisserands, rendant en outre la ville dépendante de l'Angleterre pour ses importations de laine, cette industrie favorise l'extension à Bruges des troubles que connaît la Flandre à partir de 1280.

Le conflit oppose d'abord les ouvriers du textile, surchargés d'impôts, à la bourgeoisie locale (les poorters) lors des insurrections de 1280 et de 1281 ; puis les troubles sociaux prennent une coloration politique lorsque les dirigeants de Bruges font appel, en 1301, à Philippe IV le Bel, qui nomme Jacques de Châtillon gouverneur. Au parti des poorters leliaerts (partisans des fleurs de lis) s'oppose dès lors le parti clauwaert, au moins théoriquement soutenu par le comte Gui de Dampierre (1280-1305). Dirigé par un tisserand, Pierre de Coninck († vers 1333), ce dernier parti se révolte contre l'alourdissement des charges fiscales. Ayant massacré les chevaliers français présents dans la ville dans la nuit du 17 au 18 mai 1302 (Matines de Bruges) et ayant contribué de façon décisive à la victoire remportée par les villes flamandes sur les forces royales à Courtrai le 11 juillet 1302, il se refuse à appliquer la clause du traité d'Athis-sur-Orne de 1305, qui prescrit le démantèlement de l'enceinte de Bruges, construite depuis 1297 et qui porte sa superficie à 430 ha. Il arrache au fils du comte Gui de Dampierre de nombreux privilèges, dont certains sont bientôt révoqués, mais dont le plus durable est la keure de 1304. Base du droit municipal jusqu'en 1399, cette charte contraint en effet les comtes à respecter les privilèges d'un magistrat annuel, qui doit comporter désormais une majorité de gens de métiers (9 sur 13) tant dans le collège des échevins que dans celui des conseillers. Pour faciliter ce choix, les corporations brugeoises (une cinquantaine) sont regroupées en neuf membres.

Incapables de maîtriser les tensions sociales nées de la crise du xive s. et du chômage, qui en est la conséquence, désireux de maintenir leurs biens avec l'Angleterre, exportatrice de laine, les Brugeois soutiennent dès lors tous les adversaires des rois de France. Affaiblis par les querelles internes qui opposent les tisserands aux autres travailleurs du textile (1345-1348, 1359, 1379), les gens de métier doivent finalement accepter l'autorité du comte Louis de Mâle après la défaite des milices gantoises à Rozebeke (novembre 1382).

Soumise au droit commun par son successeur Philippe le Hardi (1384-1404), qui élimine en partie, en 1399, les gens de métier du magistrat urbain au profit des milieux favorables à l'ordre établi (bourgeoisie marchande, hommes de loi, petite noblesse citadine), Bruges doit renoncer à ses rêves de république marchande, à l'heure même où elle assume le rôle de capitale de l'art flamand.

Prolongeant le rôle civilisateur de Bruges, Lodewijk Van Gruuthuse († 1492) et la famille Lavrin font de cette ville l'un des principaux foyers de l'humanisme européen, en y attirant notamment Érasme (entre 1517 et 1521), Juan Louis Vivès (1528-1540), Thomas More, Konrad Peutinger ainsi que l'imprimeur Hubert Goltzius (ou Goltz), qui y transfère en 1558 son atelier anversois. En même temps se multiplient à Bruges les chambres de rhétorique, qui animent le mouvement littéraire de langue flamande.

La décadence

Malheureusement, l'éclat des arts et des lettres, qui s'atténue dans la seconde moitié du xvie s., cache mal un déclin économique beaucoup plus ancien et irrémédiable, déclin qui se traduit par une diminution irrégulière de la population brugeoise entre les apogées de 1346 (entre 29 000 et 36 000 habitants) et de 1696-1705 (37 900 habitants) et les étiages de 1616-1625 (27 300 habitants) et de 1746-1755 (27 900 habitants).

Parmi les multiples causes du déclin, la plus grave n'est pas l'ensablement du Zwin, qui rend inaccessible dès la fin du xiiie s. la rade de Damme et les rades des avant-ports secondaires de Bruges (Hoeke, Muide et Monnikrede) avant d'étouffer, vers 1360, celle de Sluis (l'Ecluse), qui leur a été substituée depuis 1290. D'autres facteurs sont plus déterminants : concurrence des draperies brabançonnes et surtout anglaises ; essor d'Anvers, où les ducs de Brabant attirent les marchands étrangers par l'octroi de nombreuses facilités commerciales ; lourdeur des contraintes et cherté des services qui, à Bruges, sont imposés à ces marchands ; guerre de Cent Ans, qui déplace, au profit du port rival, vers les Alpes et la vallée du Rhin les grandes routes terrestres unissant l'Italie aux Pays-Bas ; montée d'Amsterdam, à laquelle les Hollandais tendent à réserver le monopole des produits de la Baltique ; troubles politiques, enfin, qui opposent Bruges à Maximilien d'Autriche (1484-1490), lequel rétablit la Constitution de 1399 et invite avec succès les marchands étrangers à quitter cette ville pour Anvers (1484 et 1485).

Accueillante aux luthériens (dès 1527), aux anabaptistes (à partir de 1530) et surtout aux calvinistes, Bruges participe au mouvement anti-espagnol animé par les Gantois, qui l'occupent le 20 mars 1578 ; elle adhère le 1er février 1580 à l'Union d'Utrecht. Mais elle se soumet sans combat, le 20 mai 1584, à Alexandre Farnèse, qui y facilite la reprise de la politique de Contre-Réforme : celle-ci est inaugurée en 1559 par l'érection de Bruges en siège épiscopal et poursuivie en 1567 par l'établissement d'une résidence de la Compagnie de Jésus.

Ces événements aggravent une situation économique désastreuse, à laquelle les Brugeois tentent en vain de remédier entre le xvie et le xviiie s. par la création de nouvelles industries textiles (draps façon de Leyde puis serges façon d'Hondschoote et façon de Verviers) et par l'ouverture d'une voie d'eau donnant à Bruges un accès direct à la mer du Nord par Ostende (1613-1622), car l'occupation de l'Écluse par les Néerlandais a privé cette ville de son débouché maritime naturel en 1604.

Bruges est démantelée par Joseph II (1782). Révoltée contre les Autrichiens (1er novembre 1789), elle est occupée à deux reprises par les Français (novembre 1792 et juin 1794) ; elle devient chef-lieu du département de la Lys (1795), puis de la province de Flandre-Orientale, tour à tour néerlandaise (1815), puis belge (1830).

BRUGES, VILLE D'ART

Architecture

La ville offre un remarquable aperçu de l'architecture flamande, religieuse et profane, du xiie au xviiie s.

La cathédrale Sint-Salvator, en brique, possède une massive tour romane (couronnement du xixe s.) ; nef, transept et chœur datent du xive s. et sont de style gothique scaldien (chapelles, 1480-1530), comme la monumentale tour de l'église Notre-Dame (122 m ; majeure partie vers 1280-1335).

Sur le Markt (Grand-Place) s'élèvent les halles, construites à partir de 1248 et remaniées au xvie s., quadrilatère de 84 m sur 43, dominé par un des plus beaux beffrois de Belgique (84 m ; deux étages de section carrée des xiiie et xive s. ; un troisième, octogonal, de 1482).

Tout à côté, la place du Burg est le cœur architectural du vieux Bruges. Au sud, l'élégant hôtel de ville (1376-1420) est encadré par la basilique du Saint-Sang (vers 1480 ; escalier de 1529-1534 ; restaurations du xixe s.), bâtie au-dessus de l'église romane Sint-Basilius (xiie s.), et par le greffe du Franc, édifice de style Renaissance construit en 1535-1537. La partie orientale de la place est occupée par le palais de justice, bâtiment qui s'inspire du style Louis XIV (1722-1727) et englobe la chambre échevinale de l'édifice primitif du xvie s. Dans l'angle nord-ouest se trouve la prévôté, exemple d'architecture baroque flamande (1665-1666).

Le palais Gruuthuse (xve s.) communique par une tribune en bois sculptée avec le chœur de l'église Notre-Dame. L'ensemble constitue le musée Gruuthuse d'archéologie et d'art appliqué. L'église des Jésuites, Sint-Walburga, a été élevée de 1619 à 1642 par le grand architecte de la Compagnie, Peter Huyssens (1577-1637), originaire de Bruges. Enfin, parmi les monuments disparus, il faut citer l'église carolingienne Saint-Donatien sur le Burg, détruite à la fin du xviiie s.

L'architecture « mineure » qui accompagne ces monuments, de tranquilles quartiers traversés de canaux donnent à la ville son charme et son unité. Il existe un style brugeois particulier, que définissent l'élan vertical des sobres façades de brique, les fenêtres à croisée de pierre séparées par des trumeaux étroits, les hauts pignons droits ou redentés, puis animés de volutes au xviie s.

Peinture

Deux peintres enlumineurs originaires de Bruges travaillent à Paris au xive s. : Jean de Bruges (ou Jean Bandol), qui dessine les cartons de la Tenture de l'Apocalypse d'Angers, et Jakob Coene, sans doute identifiable avec le Maître de Boucicaut. De la même époque datent quelques fragments de fresques de l'église Notre-Dame.

Le premier panneau connu est le retable des Pelletiers (vers 1400, cathédrale). Au xve s., Bruges devient le berceau de la peinture flamande grâce aux artistes qui s'y installent sans être, le plus souvent, originaires de la ville. C'est en 1431 que Jan Van Eyck se fixe à Bruges ; la valeur révolutionnaire de son art trouve un reflet chez Petrus Christus (1420-1472). À la fin du xve s., une nouvelle perfection picturale est atteinte par Hans Memling et Gérard David. Des œuvres majeures de ces maîtres sont conservées au musée Grœninge (musée municipal) et au musée de l'hôpital Sint-Jans (musée Memling). Des miniaturistes, également venus de l'extérieur, contribuent à l'éclat de l'art brugeois du xve s. : Willem Vrelant († 1481), Loyset Liédet († vers 1478), Philippe de Mazerolles († après 1478), identifiable à Lieven Van Lathem), suivis de la famille des Bening dans la première moitié du xvie s.

Adriaen Isenbrant († 1551), Jan Provost (1462-1529) et Ambrosius Benson (vers 1495-1550) sont des épigones de Gérard David, mais sensibles au courant maniériste. Maniériste aussi est l'art de Lanceloot Blondeel (1498-1561), peintre, décorateur et architecte, principal représentant, avec Marcus Geerarts (vers 1510-1590) et la famille des Claeissens, de la Renaissance flamande à Bruges. Mais c'est avec Pieter Pourbus (1523-1584), surtout réputé comme portraitiste, que culmine sans doute le xvie s. Au xviie s., seule est significative l'œuvre de Jakob Van Oost (vers 1601-1671), qui séjourne à Rome et résiste au courant rubénien.

Sculpture et arts appliqués

La plus ancienne sculpture brugeoise (xiie s.) est sans doute le tympan de l'église Sint-Basilius. Un important chaînon dans l'évolution vers la plastique réaliste telle que Sluter la réalisera à Dijon est représenté par les sculptures exécutées pour l'hôtel de ville, de 1378 à 1386, sous la direction de Jean de Valenciennes († 1401) : celles-ci sont aujourd'hui au musée Gruuthuse, comme les fragments de vitraux du même édifice et de la même époque, attribués à Christiaan Van de Voorde. L'art du vitrail est encore représenté par le saint Georges et le saint Michel (vers 1500, musée Gruuthuse) de la chapelle des peintres (détruite) et par quelques verrières (xve-xvie s.) de l'église de Jérusalem.

La sculpture et l'ornementation de la Renaissance déploient toute leur exubérance dans la monumentale cheminée de la chambre échevinale du palais de justice, exécutée d'après les esquisses de L. Blondeel (1531). Au xvie s. débute une production de faïences, dont le réel épanouissement ne se produira qu'au xviiie s., sous l'impulsion de Hendrik Pulinx (1698-vers 1781), qui fut, avec Pieter Pepers (vers 1730-vers 1785), le principal sculpteur de la période rococo.

Le chef-d'œuvre de l'orfèvrerie à Bruges est le reliquaire du Saint-Sang, exécuté en 1614-1617 par Jan III Crabbe. Les décorations tombales en cuivre jaune gravé sont une production typique de la ville et se rencontrent dans la plupart des églises.

On a une connaissance de la tapisserie brugeoise à partir de la fin du xve s. Quelques pièces importantes du xviie s., tissées d'après les cartons de l'Anversois Cornelis Schut (1597-1655), sont conservées au musée Gruuthuse. La production, réputée, de dentelles aux fuseaux ne peut être attribuée à une tradition ancienne : elle a débuté à la fin du xixe s.