Viñales

Ville de Cuba (22° 37'N, 83° 42'W, province de Pinar del Río), au centre de la vallée des Mogotes, inscrite en 1999 par l'Unesco sur la liste du Patrimoine mondial.

LA VALLÉE DES MOGOTES

À l'ouest de La Havane s'étire une langue de terre entre golfe du Mexique et mer des Caraïbes, la province de Pinar del Río. Dans le nord de celle-ci s'étend la vallée de Viñales, où l'intervention humaine - agriculture - a apporté sa touche à des plaines hérissées d'étranges formations calcaires. Mêlées aux tons sombres de ces curiosités géologiques et à l'ocre rouge des sols, les nuances vertes des cultures et les gris et blancs des modestes habitations traditionnelles créent un « paysage culturel » unique. Des siècles avant l'arrivée des conquistadores, des tribus caribéennes s'étaient établies dans les nombreuses cavernes dont sont percées les buttes de calcaire qui s'élèvent dans la vallée de Viñales. Les Espagnols y développèrent l'élevage et la culture de fourrage et de plantes vivrières. Les populations indigènes ayant disparu de Cuba au cours des xvie et xviie siècles, décimées par les épidémies de maladies apportées d'Europe, le travail forcé ou la répression, les colons eurent recours au travail des esclaves importés d'Afrique. Les cimarrones (« marrons » ou esclaves fugitifs) trouvèrent maintes fois refuge dans les innombrables grottes de la vallée. Les esclaves étaient « dressés » et formés à différents métiers dans des haciendas spéciales, dont la plus importante, en ruine, se trouve sur le site du Pan de Azúcar.

Introduite à Cuba dès le xvie siècle, la culture du tabac, dont l'Espagne se réserva le monopole jusqu'en 1816, se développa considérablement au xixe siècle, tout particulièrement dans la vallée de Viñales, qui s'y prêtait remarquablement grâce à ses limons rouges fertiles et à son ensoleillement entrecoupé de pluies abondantes et régulières. C'est ainsi que le village de Viñales fut fondé, dès 1875, le long de la route menant de Pinar del Río, capitale de la province homonyme, à Puerto Esperanza, principal accès à la mer, sur la côte nord. Le développement de la région s'accompagna de la construction, en 1882, du Ferrocarril del Oeste, ou chemin de fer de l'Ouest, dont il subsiste aujourd'hui quelques vestiges.

Au cours de la guerre contre l'Espagne, qui mena à l'indépendance (1895-1898), différentes opérations militaires furent menées dans la région. Il en fut de même lors de la révolution cubaine. De nos jours, la vallée abrite essentiellement des activités agricoles.

Le site se trouve à la conjonction de deux massifs montagneux, la Sierra de Los Órganos et la Sierra del Rosario, et se présente comme une série de plaines de terres arables, les hoyos, où s'élèvent des formations karstiques pouvant atteindre 300 m de hauteur, les mogotes. Leur lente formation remonte au Crétacé : pendant des millions d'années, des rivières souterraines ont rongé le soubassement calcaire, y creusant de vastes dédales de grottes, dont les toits ont fini par s'effondrer, tandis que subsistaient leurs parois érodées, elles-mêmes encore percées de cavernes. Celles-ci renferment de nombreux fossiles, notamment d'ammonites, et certaines, comme celles de Santo Tomás et de Los Portales, s'étendent sur plusieurs kilomètres et abritent des lacs et des rivières souterraines. Les fissures et le sommet des mogotes sont verdis par une flore caractéristique : palmiers de sierra, kapokiers, chênes caïmans ou encore le Microcycas calocoma, véritable fossile vivant de la flore phanérogame du Crétacé.

La plaine est tout entière vouée à l'agriculture traditionnelle : maïs, patates douces, et surtout tabac. La province de Pinar del Río produit environ 80 % du tabac cubain, et celui de la meilleure qualité provient de la vallée de Viñales. Des expériences récentes ayant démontré une baisse de la qualité liée à l'exploitation mécanique, les méthodes traditionnelles ont été maintenues. C'est ainsi que les champs de tabac sont entretenus à la main, ou à l'aide de charrues tirées par des attelages de bœufs. De nombreux paysans se déplacent encore à cheval. Leur habitat est assez rudimentaire : il s'agit de simples cabanes de bois, généralement chaulées et recouvertes de toitures de palmes. Parfois, on rencontre sur le bord de la route quelque demeure un peu plus ambitieuse, au toit de tuiles débordant sur une véranda et aux murs de bois peints de couleurs pastel. Quant à la rue principale du petit bourg de Viñales, bordée de pins, elle présente de beaux exemples d'architecture coloniale, la plupart de ses maisons à colonnades ayant été bâties entre 1875 et 1910.

Dans la vallée de Viñales s'est développée une culture originale, synthèse des apports des indigènes, des colons espagnols et des esclaves noirs. Sa manifestation la plus touchante est sans doute l'expression musicale du veguero, le travailleur de la plantation de tabac (vega), dont le plus célèbre interprète fut Benito Hernández Cabrera, justement surnommé le Viñalero (« habitant de Viñales »). La splendeur de ce site proche de La Havane et souvent peint par les artistes de Cuba, mais aussi sa charge historique et culturelle ainsi que son haut degré d'authenticité en ont fait un lieu d'identification de grande importance pour les Cubains.