Santa Cruz de Mompox
Ville de Colombie.
- Superficie : 2 832 km2
- Population : 43 805 hab. (estimation pour 2014)
Site classé par l'Unesco sur la liste du patrimoine mondial.
HISTOIRE
Avec le développement urbain de la période coloniale espagnole dans la partie septentrionale de l'Amérique du Sud, alors appelée Terre Firme, plusieurs chefs-d'œuvre architecturaux virent le jour.
C'est le cas de Mompox, ville de bord de rivière qui n'a pas été construite suivant le quadrillage traditionnel appliqué à presque toutes les villes de la Nouvelle-Grenade.
La cité a été fondée en 1540, soit seulement sept ans après Carthagène et deux ans après Santa Fe de Bogotá, capitale du nouveau royaume de Grenade, par Juan de Santa Cruz, gouverneur de Carthagène, qui a donné son nom au site. Mompox est installée sur les rives de la Magdalena, principal cours d'eau du pays et accès aux hautes terres de l'intérieur, à proximité de son confluent avec la rivière Cauco, autre importante voie de communication fluviale. La ville a été à l'origine implantée dans une zone légèrement en altitude (33 m au-dessus du niveau de la mer), plate, marécageuse et inondable.
La ville se développa le long des rives, et des murs furent construits pour la protéger en période de crue. Au lieu d'une seule place sur laquelle auraient été construits les bâtiments du gouvernement, la ville fut dotée de trois places en enfilade, avec chacune son église, correspondant à trois anciens villages indiens. Mompox a une grande importance logistique et commerciale : les échanges fluviaux entre le port de Carthagène et les territoires de l'intérieur ainsi que les voies terrestres y convergeaient tous.
La croissance de la ville a été favorisée par l'émergence d'une classe dirigeante de colons, qui avaient le privilège de pouvoir posséder de la terre, que les Indiens travaillaient pour eux comme de véritables esclaves (système de l'encomienda). Néanmoins, cette situation, à laquelle venait s'ajouter la rudesse du climat et de la topographie, rendait difficiles les cultures et l'élevage, ce qui ne permit pas la constitution d'une solide base socio-économique. En outre, une population hétéroclite vivant de la contrebande s'installa dans la cité. La croissance reposait sur un nombre relativement restreint de très riches bourgeois, dont plusieurs vinrent de Carthagène, amenant avec eux des artisans qui leur permettaient d'assouvir leur besoin de luxe. Les membres du clergé et des communautés religieuses formaient un autre élément de la classe dirigeante de la ville. Les églises et couvents des augustins, des dominicains, des franciscains et, plus tard, des jésuites participèrent à l'aspect monumental de Mompox.
La conception urbaine de Mompox est née de sa relation avec la rivière, dont on peut dire qu'elle a été sa rue principale pendant une grande partie de son histoire. Les albarradas (digues) sont coupées à intervalles réguliers par des marches qui servent de jetées ; ces escaliers sont situés à l'extrémité des allées ou encore constituent des pontons pour les riches propriétés. Les digues sont en brique et datent pour la majorité du début du xviiie siècle.
Ces digues donnèrent leur nom à la rue calle de la Albarrada longeant la rivière qui relie les trois grandes places : San Francisco, Santa Barbara et la Concepción. Chaque place a sa propre église qui, dans les premières années de la fondation de Mompox, servait de fort. L'église de la Concepción, dont la mise en chantier commença en 1537, est l'église mère de la ville. L'église San Francisco est un peu plus récente et sa construction date de 1564. La plus intéressante est Santa Barbara, qui remonte à la fin du xvie siècle ; sa structure délicate et son intérieur spacieux complétés par une tour en font le plus exceptionnel élément architectural de Mompox. Les bâtiments du port et quelques maisons privées, comme celle de Los Portales de la Marquesa, sont également situés sur ces places. À partir du xviie siècle, des maisons furent édifiées dans la calle de la Albarrada, avec de petites boutiques au rez-de-chaussée.
Les plus belles maisons de la ville bordent la rue principale, la calle del Medio. Sur le côté nord de celle-ci, on trouve l'église et l'hôpital de San Juan de Dios (commencés en 1555), tandis que sur le côté sud s'élèvent l'église et le couvent San Agustin (à peu près de la même époque). Des pâtés de maisons d'habitation apparurent entre les deux grandes artères, mais avec le développement de la ville il fut nécessaire de créer une nouvelle grande rue, la calle de Atras. Les maisons de cette partie de la ville sont plus modestes. Elles ont une structure en bois et en torchis, selon la technique connue sous le nom de Bahareque.
Les rues transversales reliant entre elles les rues principales comptent quelques bâtiments importants. La calle 18, ou rue de l'Auditeur, divise la ville en deux moitiés. Elle est agrémentée d'un certain nombre d'espaces publics, parmi lesquels la place de la Concepción (principale place de la ville de par sa fondation et son marché central), et la place El Tamarindo. On y trouve aussi des bâtiments publics, comme l'église Santo Domingo, l'école des Pinillos, qui datent toutes deux du début du xviiie siècle, et le cimetière.
L'organisation spatiale des églises de Mompox est simple : des murs extérieurs en brique et un intérieur divisé en trois nefs séparées par des colonnes ou des poteaux en bois, ce qui représentait une adaptation par le Nouveau Monde de la construction traditionnelle espagnole, basée sur les arcs en brique soutenus par des colonnes ou des contreforts de pierre, telle qu'on la trouve en Andalousie. Les plafonds de bois sont de style mauresque auquel il a été apporté de petites modifications.
Les maisons familiales de la période allant du xviie siècle au début du xixe siècle sont disposées autour d'un espace ouvert central, ou latéral, créant un environnement en chapelet, adapté au climat et aux habitudes locales. Le plus ancien style de maison habitée par les marchands ou les agents de la Couronne comporte un patio central et souvent un deuxième patio pour les services, groupés à l'arrière du bâtiment.
Le type de maison construite autour d'un patio latéral est plus récent et est appliqué sur des parcelles de terrain plus petites ou résultant de la division d'une ancienne grande propriété avec patio central. L'autre sous-catégorie a été créée par la séparation d'une partie d'une grande maison avec patio central donnant naissance à un bâtiment en longueur divisé en petites pièces ayant vue sur un patio lui aussi en longueur. Un grand nombre de très vieilles maisons avec patio central restées intactes, ou bien divisées en plus petits logements, a survécu en conservant certaines de leurs caractéristiques, leurs portails et leurs intérieurs décorés, leurs balcons et leurs coursives.
Les maisons-magasins firent leur apparition au xviie siècle : elles se présentent alignées par séries de trois à dix unités. Elles constituent un élément fort du paysage urbain, dans la mesure où leurs entrées, ouvertes sur le devant, partagent un seul et même toit. Beaucoup d'entre elles sont maintenant devenues des résidences.