paon

Paon
Paon

Cousins éloignés des pintades et des dindons et parents plus proches des faisans, les paons peuplaient au tertiaire une bonne partie de l'Ancien et du Nouveau Monde. Depuis, en Europe et en Amérique, où le paon bleu a été introduit par l'homme, on ne peut admirer la longueur et l'extravagance de la queue des mâles qu'en captivité.

1. La vie du paon

1.1. Des arbres dortoirs pour dormir en groupe

Selon un rituel quasi immuable, au lever du jour, le paon s'envole de l'arbre où il a passé la nuit avec ses congénères pour gagner la terre ferme et chercher, seul, sa nourriture. Celle-ci se compose surtout de bourgeons, graines, fruits et pousses, que l'oiseau trouve dans les clairières, en lisière des forêts ou dans les sous-bois plus denses. De son bec puissant, il capture également les petits animaux qui passent à sa portée tels que vers, mollusques, gros insectes – notamment les coléoptères et leurs larves –, amphibiens et même des reptiles. Les serpents constituent un mets de choix, surtout dans certaines régions d'Inde. Pour limiter les risques de ce type de prise, le paon s'attaque plus volontiers à de jeunes sujets. Lorsqu'ils vivent à proximité, les paons arpentent les champs fraîchement labourés, de préférence quand la terre a été retournée, amenant ainsi à la surface larves, insectes ou même petits rongeurs. Les paons complètent ces ressources alimentaires terrestres en grimpant dans les frondaisons des arbres pour cueillir des fruits et des pousses et pour capturer des insectes et des petits animaux arboricoles.

Après avoir glané son alimentation, le paon s'octroie, en milieu de journée, une pause favorable à la digestion. Les aliments qu'il a emmagasinés dans son jabot sont triturés, dans le gésier, par des plaques cornées fonctionnant comme des meules et mues par de puissants muscles. Cette opération mécanique prépare l'action chimique de l'estomac. En fin de journée, quelques heures sont encore consacrées au fourrage, mais, dès le crépuscule, le paon regagne les grands arbres garants de sa protection.

Une cohabitation rassurante

Le soir venu, la cohésion du groupe se manifeste, tous les membres d'une bande se groupant sur les mêmes perchoirs pour plus de sécurité. En dehors de la saison de nidification (au cours de laquelle chaque mâle s'installe sur un territoire séparé des autres avec deux, ou plus, femelles), le paon vit la journée en groupes de taille variable, lâches et libres de toute hiérarchie, mais, la nuit, il privilégie les rassemblements. Chaque oiseau, mâle ou femelle, fait alors office de sentinelle : à l'approche d'un danger, le premier oiseau qui le remarque émet un puissant coup de trompe, aussitôt repris par les clameurs sonores de la dizaine d'oiseaux qui forment son clan familial.

Le signal d'alarme des paons, qui profite aux autres habitants du milieu, les incite à se réfugier sur les arbres « reposoirs », qui servent de dortoirs, non pas par la voie des airs, mais en les escaladant branche par branche.

1.2. Une alchimie de couleurs changeantes

Le plumage du paon, du moins celui du mâle, arbore des couleurs et des reflets multiples, parmi les plus belles que l'on puisse observer dans l'ordre des galliformes. Sa parade amoureuse lui fournit l'occasion d'exhiber les multiples éléments le composant. L'instrument principal de sa cour auprès d'une conquête éventuelle est, outre la livrée bleutée aux reflets métalliques qui couvre son cou et son corps, une longue traîne de quelque 100 à 150 plumes qu'il déploie en roue. Les noirs, les bruns et toutes les teintes dérivées dans la gamme du rouge, de l'orange, de l'ocre sont dus à la présence, en concentration variable, d'un pigment foncé, la mélanine (du grec melanos, noir). Les irisations, les teintes aux reflets métalliques, notamment les verts, les bleus et les dorés, proviennent de la diffraction des rayons lumineux. Cette décomposition de la lumière est elle-même assurée par la structure particulière et complexe des éléments constitutifs de la plume, qui agissent comme autant de prismes.

Des plumes très spéciales

Faire la roue est la phase essentielle de la parade nuptiale du mâle. Le succès de cette exhibition est possible grâce à la spécificité des longues plumes de la queue. Les plus longues (1,50 m en moyenne) sont celles qui sont implantées le plus en arrière sur le dos de l'oiseau. Elles sont pourvues latéralement de barbes qui, contrairement à la norme, ne sont pas liées entre elles, mais sont lâches sur la majeure partie du tuyau (ou rachis) qui, chez le paon, est particulièrement allongé. Les barbes qui se situent à l'extrémité des plumes forment une sorte de palette terminale où prend place un dessin en forme d'œil appelé ocelle, en raison de sa ressemblance avec un petit œil à pupille noire.

Lors de sa parade, le mâle, tournant sur lui-même, installe d'abord ses pennes parées des ocelles, puis relève en forme de roue les plumes situées à l'arrière de son long cou. Les modifications de nuance des dessins lumineux des grandes plumes dépendent de l'orientation de celle-ci. Leur légèreté permet au mâle de parader plusieurs minutes durant. Les bruyants « frissons » secouant les plumes participent au succès de cette entreprise de séduction.

1.3. La paonne protège seule ses petits

L'arrivée des pluies annonce le début de la saison des amours pour le paon. Chaque reproducteur potentiel s'isole alors et entreprend de défendre ses droits sur un territoire, vaste de 5 000 à 50 000 m2, qu'il s'est choisi dans une zone dégagée assurant une bonne visibilité. Sur cet espace, il privilégie de 1 à 4 sites, de quelques mètres de diamètre. C'est sur l'une de ces pistes d'exhibition que, dès le matin, le propriétaire des lieux attend ses partenaires potentielles ; le plus souvent, il parvient à attirer successivement de 2 à 5 paonnes.

Un rôle limité à la parade

Une cérémonie d'accueil est offerte par le paon à toute paonne qui s'approche ; pour l'attirer au centre de l'aire de parade, il relève sa longue traîne, la déploie en une roue géante et cherche à impressionner la femelle en lui tournant le dos pour bien lui montrer les touffes de duvet contrastées du dessous de sa queue. Puis, se retournant, il s'approche de sa congénère et ponctue sa démonstration de frissonnements des plumes, dont le son évoque le murmure des roseaux secs parcourus par le vent. Si la femelle est sensible à ce spectacle visuel et sonore offert à son intention, elle s'accroupit sur le sol, invitant ainsi le mâle à l'accouplement. La longue traîne se rabat alors sur elle.

De nombreux petits

Une fois fécondée, la femelle gagne un emplacement discret, souvent à l'orée d'un bois. À l'abri des broussailles, dans une dépression du sol sommairement aménagée, elle pond de 5 à 7 œufs de couleur crème, pesant chacun une centaine de grammes. Après 28 à 30 jours d'incubation éclosent les petits, couverts d'un duvet brunâtre mêlé de jaune qui les camoufle à leurs prédateurs potentiels. Très vite, les poussins quittent le nid pour picorer çà et là, s'abritant au besoin sous la queue de leur mère. Malgré l'attention vigilante de la femelle, les jeunes paons restent très vulnérables tant qu'ils ne sont pas capables d'atteindre des branches basses pour y dormir en toute quiétude, protégés par les ailes déployées de l'adulte. Au bout de 4 semaines, les aigrettes pointent sur le crâne, et, à 2 mois, toute la progéniture ressemble déjà à la femelle, avec une taille deux fois moindre. La taille adulte est acquise à l'âge d'un an, mais ce n'est qu'après une année supplémentaire que l'on peut nettement distinguer un mâle d'une femelle. Peu à peu, les liens familiaux se distendent et les jeunes se dispersent pour intégrer les bandes en formation.

1.4. Milieu naturel et écologie

Le paon bleu vit aujourd'hui à l'état sauvage en Asie : Inde, Sri Lanka, Népal, Bhoutan et Bangladesh ; on le rencontre aussi en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande) et aux Antilles (Bahamas), où il a été introduit. Ailleurs dans le monde, on le trouve en captivité, dans des zoos, des réserves ou des élevages.

Le paon recherche les milieux naturels où les paysages dégagés constituent l'essentiel de l'habitat. Toutefois, attentif à sa sécurité, il ne saurait se contenter de ces espaces ouverts sans que ceux-ci comportent, d'une part, des secteurs arborés – petits bois, bosquets, alignements –, d'autre part, des secteurs riches en arbustes et en broussailles. En fonction de son activité du moment, le paon bleu occupe tantôt une partie de son milieu vital, tantôt une autre.

Sa quête alimentaire quotidienne entraîne le paon dans divers endroits ; il arpente soit des sites couverts de graminées, soit des friches abandonnées à une végétation basse désordonnée, ou des clairières. Les champs cultivés sont également prospectés.

Souvent plus à l'aise en milieu ouvert, le paon est aussi tout à fait capable de se frayer avec adresse un passage au sein d'une végétation dense. Dans l'accomplissement de cet exercice, la femelle se montre plus performante que le mâle, n'étant pas gênée par sa traîne.

Les arbres, qui sont une autre composante de l'habitat typique du paon bleu, sont aussi mis à contribution lorsque l'oiseau s'octroie une sieste, au cours de la journée, ou à l'occasion du sommeil nocturne. Dans ces moments, le paon s'installe en hauteur afin de mettre la plus grande distance possible entre lui et les prédateurs potentiels.

Un élément indispensable : l'eau

Outre les espaces ouverts et les grands arbres, le confort du paon exige la proximité d'une source d'eau. L'oiseau doit en effet se désaltérer quotidiennement. De plus, c'est un adepte des bains, qui lui procurent de la fraîcheur, mais également apaisent les démangeaisons provoquées par des parasites de la peau ou du plumage. Cette attirance pour l'eau explique la répartition du paon bleu (de même que celle du paon spicifère, qui en est très proche biologiquement), fonction de l'organisation du réseau hydrographique. C'est, en effet, le long des cours d'eau que les paons aiment le plus s'établir et, donc, que leurs effectifs sont les plus importants. Les rives des étangs, les champs submergés par les inondations ou les mares temporaires qui succèdent aux pluies diluviennes de la mousson font aussi l'objet de visites assidues de la part des paons.

Prédateur ou proie

Consommateur de fruits et de graines, le paon est un agent de propagation de certaines plantes ; il fait partie des oiseaux dits « disperseurs de semences ». En effet, en avalant les fruits entiers, sans les « décortiquer », il ingère les appareils germinatifs de ces derniers : graines et noyaux. Ceux-ci ne subissent souvent aucune altération de leurs capacités reproductrices après avoir transité dans l'appareil digestif de l'oiseau. Déposés avec les fèces à distance de leur plante-mère, ils sont prêts à germer.

Par son alimentation omnivore, le paon contribue aussi à la régulation des populations de certains animaux prédateurs, tels des reptiles.

Le paon a aussi ses prédateurs. En fait, les paons adultes mâles n'ont guère vocation à constituer le repas d'un carnassier, tandis que les femelles et les jeunes en sont des victimes plus aisées. Retenues à terre durant près d'un mois, le temps de l'incubation des œufs, les paonnes sont nettement plus exposées que leurs partenaires. Quant aux jeunes, leur mortalité est beaucoup plus élevée. Cette vulnérabilité s'explique non seulement par leur taille moins imposante, mais également par leur incapacité, au cours de leurs premières années d'existence, à se hisser dans les branches des arbres pour y trouver refuge. Ils sont notamment la proie de petits carnivores comme les mangoustes. Les deux prédateurs des paons adultes sont le tigre et la panthère. Eux seuls ont la capacité de maîtriser un oiseau aussi grand, aussi méfiant et aussi dangereux lorsqu'il se défend en distribuant de vigoureux coups d'ailes. Un point d'eau, une lisière et plus souvent un terrain découvert servent de cadre à la capture de cette prise de choix : le félin, à l'affût, se tient camouflé dans les hautes herbes. Ces grands prédateurs ne dédaignent pas non plus les proies faciles que constituent les jeunes paons, surtout quand ils sont âgés de deux à trois semaines.

2. Zoom sur... le paon bleu

2.1. Paon bleu (Pavo cristatus)

Le paon bleu, comme les deux autres espèces de paons existant à l'heure actuelle, appartient à la sous-famille des phasianinés, elle-même s'insérant dans la famille des phasianidés et dans l'ordre des galliformes, comme ces autres oiseaux à longue queue que sont les faisans. Les points communs avec ces espèces forestières sont nombreux, mais le paon s'en distingue surtout par une taille bien supérieure. Il ne vole qu'en de rares occasions, notamment en cas de danger, battant vigoureusement l'air de ses courtes ailes pour prendre de l'altitude. Ces vols ne sont jamais longs. Sur la terre ferme, ses déplacements sont rapides grâce à la robustesse des doigts de ses pattes fortes et relativement longues. Le doigt postérieur n'est pas trop long, ne constituant donc pas une entrave à la marche, mais suffisamment développé pour que l'oiseau s'agrippe aux branches.

Contrairement à ce que l'on pourrait supposer, la longue traîne du mâle n'est en aucune façon une source d'embarras pour lui, puisque, en dépit de cet imposant ornement dont la nature l'a doté, le mâle parvient à se faufiler avec aisance dans la végétation.

Si l'oiseau acquiert sa taille adulte à un an, le dimorphisme sexuel n'apparaît que vers la deuxième année de vie. Il est très marqué, mais il est plus sensible dans l'aspect que dans la taille ; en effet, à peine plus petite que le mâle, la femelle s'en distingue principalement par son plumage nettement moins bigarré, où dominent les teintes brunâtres, et par sa queue beaucoup plus courte. La modestie de sa livrée est un avantage pour se dissimuler durant les quatre semaines d'incubation des œufs, qu'elle passe à même le sol.

Assez court, épais à la base, légèrement marqué, et pointu à l'extrémité, le bec remplit plusieurs fonctions : il permet aussi bien de cueillir une baie que de picorer une graine ou encore de maîtriser un insecte volumineux. À la base du bec sont situées des narines, partiellement protégées par un renflement corné qui en masque l'entrée. Rare chez la plupart des oiseaux, une telle protection ne s'observe également que parmi les rapaces, les pigeons et les tourterelles. Le long cou rend la nourriture aisément accessible.

Les sens – la vue et surtout l'ouï  – sont excellents. De ce fait, les prédateurs nocturnes n'ont pas la tâche facile : au moindre bruit suspect, le paon pousse un cri d'alarme qui déclenche dans l'instant une cacophonie de sons bruyants émis par les autres membres du groupe, clameur dont l'écho est amplifié par l'ambiance sereine de la nuit. Le cri du paon, audible à plus d'un kilomètre par vent favorable, fait songer au prénom « Léon » hurlé par une voix haut perchée. En Inde, il est transcrit par les mots minh-ao, littéralement : « la pluie va tomber ».

Les ailes, à l'instar de celles de la plupart des oiseaux de l'ordre des galliformes, les faisans ou les perdrix par exemple, sont plutôt courtes, larges et arrondies. Elles tranchent sur le reste du plumage par leur teinte cannelle. Leurs plumes principales, les rémiges, sont robustes et arquées vers le bas de façon à mieux supporter la résistance de l'air lors du vol battu. N'autorisant pas de performances voilières notables, elles sont suffisantes pour effectuer de brefs déplacements et de brusques décollages. À l'occasion, de vigoureux battements font d'elles un instrument de défense plus efficace que les courts ergots équipant le tarse, entre les doigts et le talon, et qui, en vérité, ne jouent pas un rôle déterminant lors d'éventuels affrontements entre mâles rivaux ou de territoires voisins.

          

PAON BLEU

Nom (genre, espèce) :

Pavo cristatus

Famille :

Phasianidés

Ordre :

Galliformes

Classe :

Oiseaux

Identification :

Grand oiseau terrestre ; longue traîne chez le mâle

Envergure :

Mâles : de 2 m à 2,30 m ; femelles : de 0,90 m à 1 m

Poids :

Mâles : 5 kg ; femelles : de 3,5 kg à 4 kg

Répartition :

Inde, Sri Lanka

Habitat :

Boisements clairs, souvent proches de l'eau

Organisation sociale :

Bandes lâches ; polygamie

Saison de reproduction :

Saison des pluies

Nombre d'œufs :

De 5 à 7

Durée d'incubation :

28 jours

Maturité sexuelle :

Vers 3 ans

Longévité :

18 ans (en captivité)

Effectifs :

Inconnus ; en diminution (populations sauvages)

Statut, protection :

Espèce non menacée

 

2.2. Signes particuliers

Dos

Le dos du paon porte des plumes caractérisées par des dessins complexes que l'on appelle des vermiculations. Ces taches font alterner les zones claires et les plages sombres, alternance susceptible de « casser » la silhouette de l'oiseau, notamment quand celui-ci évolue dans la lumière tamisée par le feuillage des arbres. Tapi au sol, dans une position immobile, le paon mâle parvient à passer inaperçu en dépit de son envergure imposante.

Œil

Assez petit, il est cerné de deux traits blancs qui le mettent en valeur et qui, à distance, le font paraître plus grand.

Aigrette

Composée d'un groupe de plumes érectiles, dont la base du tuyau axial est nue et l'extrémité ornée d'une sorte de pompon duveteux, l'aigrette, présente chez les deux sexes, évoque de longues épingles à chapeau fixées dans une pelote.

Traîne

La traîne du paon n'est pas à proprement parler sa queue : il s'agit en fait des plumes du dessus de la queue, dites « sus-caudales ». Leur rachis est épais afin de permettre un soutien efficace. Discrètes, mais utiles, elles servent de point d'appui à la roue épanouie. Au nombre de 20 chez le mâle, elles ne sont que 18 chez la femelle, qui n'en a pas le même usage.

Plumage

Au niveau de la queue, cinq sortes de plumes sont visibles. Ce sont les grandes sus-caudales multicolores, ensuite les courtes et robustes caudales de teinte brun-orangé et enfin le vaporeux duvet sous-caudal d'un blanc grisé. Les plumes courtes de la queue disparaissent sous les grandes plumes sus-caudales lorsque le mâle ne fait pas la roue. Pour ce qui est des ailes, les scapulaires (plumes à la jonction de l'aile et du corps) sont tachetées et masquent partiellement les rémiges unicolores soutenant le vol.

Pattes

Les pattes sont fortes, longues et munies de 4 doigts. Le doigt central est plus long d'environ un tiers que le doigt extérieur, assez court. Dirigé légèrement vers l'intérieur, l'ergot est conique et implanté au tiers inférieur du tarse.

3. Les autres espèces de galliformes

L'ordre des galliformes, auquel appartient le paon, rassemble environ 250 espèces d'oiseaux terrestres – réparties en 70 genres – de taille variable, petite ou grande, pourvus d'une courte queue presque invisible ou d'un appendice très long selon les espèces, mais qui tous nidifient au sol. Présents sur tous les continents, excepté l'Antarctique, les galliformes regroupent, selon les auteurs, un nombre variable de familles, d'importance numérique inégale. Les 19 espèces de mégapodes d'Asie et d'Australie (famille des mégapodiidés) et les 50 espèces de cracidés en Amérique tropicale et subtropicale sont très éloignées des paons. On admet généralement, à l'heure actuelle, que les autres galliformes rassemblent 3 autres familles : les colins et tocros (famille des odontophoridés), les pintades (famille des numinidés) et les dindons, tétras, lagopèdes et gélinottes, faisans, cailles et paons (famille des phasianidés). Il existe toutefois un débat quant à la position systématique des tétras, lagopèdes et gélinottes : sur la base d'études génétiques, certains auteurs considèrent que ces espèces forment une sous-famille de la famille des phasianidés (proposition retenue ici), tandis que d'autres estiment qu'il faut leur conserver le statut de famille à part, qu'ils détiennent dans les classifications traditionnelles : celle des tétraonidés. Les deux espèces de dindons, longtemps vues comme les seules représentantes de la famille des méléagrididés, sont à l'heure actuelle plus généralement considérées comme une sous-famille des phasianidés.

3.1. Les dindons

Famille des phasianidés.

2 espèces.

Habitant les forêts mixtes et les clairières herbeuses d'Amérique du Nord et d'Amérique centrale, ces oiseaux polygames ont de 8 à 15 petits par couvée.

Dindon sauvage (Meleagris gallopavo)

Identification : gros oiseau (mâle de 1,20 m) brun à reflets métalliques verts ou bronze ; tête dénudée vivement colorée de rouge et de bleu lors des parades, en raison d'un afflux sanguin accru ; excroissances charnues sur le cou, surtout à sa face inférieure ; front orné d'un appendice également charnu. Ces ornements se gonflent sous l'effet de l'excitation sexuelle. En haut de la poitrine pend une sorte de « cravate » de plumes filiformes semblable au crin de cheval.

Répartition : sud-est des États-Unis et Mexique ; élevages intensifs tant en Amérique du Nord qu'en Europe.

Dindon ocellé (Agriocharis ocellata ou meleagris ocellata)

Identification : plus petit (90 cm de long pour le mâle) mais plus coloré que le précédent ; plumes des ailes bleu-vert métallique, ou dorées tirant sur le pourpre. Certaines plumes de la queue portent, à leur extrémité, un ocelle (à l'origine du nom de l'oiseau). Tête nue de couleur bleue avec des caroncules rouges en boule sur le crâne ; cercle de peau rouge entourant l'œil.

Répartition : Amérique du Nord.

3.2. Les tétras, lagopèdes et gélinottes

Famille des phasianidés.

18 espèces ; entre 8 ou 9 genres, selon les auteurs.

Oiseaux de taille petite à grande, noirâtres ou brun moucheté.

Les tétras sont polygames. Les mâles se réunissent sur des arènes de parade. Les lagopèdes disposent d'un plumage blanc en hiver, qui se confond avec la neige des hauteurs et de la toundra que fréquentent ces oiseaux en Europe, Asie et Amérique du Nord. Les gelinottes sont des oiseaux forestiers très discrets.

Quelques espèces :

Grand tétras (Tetrao urogallus)

Identification : gros oiseau ; mâle (jusqu'à 86 cm de long) polygame ; plumage noir chez le mâle et la femelle ; queue en éventail pour la parade.

Répartition : montagnes d'Europe occidentale à la Sibérie centrale et au nord-ouest de la Mongolie.

Tétras lyre (Tetrao tetrix)

Identification : jusqu'à 55 cm (mâle) ; queue divisée en deux parties recourbées en forme de lyre.

Répartition : de l'Écosse et la France, jusqu'à la Mandchourie et au nord-est de la Corée.

Tétras des armoises (Centrocercus urophasianus)

Identification : jusqu'à 75 cm de long pour le mâle ; queue aux plumes effilées étalées en éventail pour la parade.

Répartition : ouest des États-Unis.

Lagopède alpin (Lagopus mutus)

Identification : oiseau de 39 cm de long en moyenne ; excroissance charnue rouge au-dessus de chaque œil, comme tous les lagopèdes. En hiver, queue noire ; plumage blanc ; plumage estival brun-gris moucheté.

Répartition : montagnes et toundras ; Europe, Asie, Amérique du Nord.

Gélinotte des bois (Bonasa bonasia)

Identification : environ 35 cm de long ; plumage brun et gris moucheté de noir ; courte huppe.

Répartition : forêts ; de l'est de la France au Japon.

3.3. Les perdrix et les cailles

Famille des phasianidés.

Une centaine d'espèces.

Les oiseaux du type « perdrix » comprennent les perdrix, les cailles et les francolins. Ces oiseaux à la silhouette arrondie et à la queue courte se trouvent partout dans l'Ancien Monde. Leur plumage combine le brun, le blanc, le gris et le noir.

Perdrix rouge (Alectoris rufa)

Identification : 34 cm de long ; plumage brun ; bavette blanche cernée de noir, flancs barrés de blanc, de noir et de roux.

Répartition : zones dégagées et ensoleillées ; introduite comme gibier dans toute l'Europe.

Caille des blés (Coturnix coturnix)

Identification : 18 cm de long. Les Coturnix sont les seuls galliformes migrateurs.

Répartition : nidification en Europe, hivernage en Afrique.

Caille peinte de Chine (Coturnix chinensis)

Identification : 15 cm de long, à peu près de la taille d'un moineau. C'est la plus petite espèce des galliformes.

Répartition : Chine.

3.4. Les faisans

Les faisans (une cinquantaine d'espèces) sont forestiers, et ont, en général, une longue queue et un plumage brillamment coloré. Ils sont asiatiques pour la plupart.

Faisan de Lady Amherst (Chrysolophus amherstiae)

Identification : 1,25 m de long ; très bel oiseau bleu, vert, rouge, jaune et blanc.

Répartition : du Tibet à la Birmanie.

Faisan prélat (Lophura diardi)

Identification : 65 cm de long ; large queue verte ; plumage gris et bleu ; houpette bleue.

Répartition : Thaïlande, Cambodge, Corée, péninsule Malaise...

Effectifs, statut : quasi-menacé, effectifs en diminution.

Argus géant (Argusianus argus)

Identification : de 1,80 à 2,10 m de long ; plumage brun ; rémiges secondaires très développées, presque aussi longues que la queue, chacune portant une série d'ocelles le long du rachis.

Répartition : Sud-Est asiatique (Malaisie, Sumatra et Bornéo).

Statut : quasi-menacé.

3.5. Les paons

Famille des phasianidés.

3 espèces en deux genres.

Le paon bleu, Pavo cristatus, constitue, avec le paon spicifère, la sous-famille des pavoninés, qui est asiatique. Le paon du Congo est la seule espèce de la sous-famille des afropavoninés.

Paon spicifère (Pavo muticus)

Identification : long de 2 à 3 m (mâle) ; femelle deux fois plus petite ; plumage vert métallique ; la traîne est plus courte que celle du paon bleu ; huppe verticale, mais pas d'aigrette.

Répartition : les bois ouverts, souvent le long des cours d'eau, et jusqu'à 1 500 m d'altitude ; Java, Malaisie et Birmanie.

Comportement : après la nidification, chaque mâle vit en compagnie de quelques femelles et de leur couvée. Ensuite, plusieurs bandes peuvent fusionner jusqu'à la prochaine saison de reproduction.

Espèce farouche, très délicate et peu répandue dans les collections.

Effectifs, statut : espèce vulnérable, effectifs en régression.

Paon du Congo (Afropavo congensis)

Identification : de 70 cm (mâle) à 60 cm (femelle) ; oiseau d'aspect volumineux, queue plutôt courte, sans longue traîne. Mâle bleu-vert à reflets irisés ; bavette rougeâtre ; double huppe blanche et noire sur la tête. Femelle roux doré, vert pâle métallique et brun.

Répartition : forêt tropicale du bassin du Congo.

Effectifs, statut : espèce vulnérable, effectifs en régression.

3.6. Les colins et tocros

Famille des odontophoridés.

Une trentaine d'espèces.

Ce groupe rassemble des oiseaux de taille petite à moyenne, au corps plutôt trapu évoquant celui des cailles européennes, et exclusivement américains. Certaines espèces sont plutôt montagnardes, à l'image du colin des montagnes (Oreortyx pictus), qui se rencontre sur la bordure occidentale des États-Unis ; d'autres habitent les plaines, comme le tocro de Guyane (Odontophorus gujanensis), qui vit en Amérique du Sud. Le colin de Californie (Callipepla [ou Lophortyx] californica) ou celui de Gambel (Callipepla [ou Lophortyx] gambelii) sont aisément reconnaissables à leur petit panache de plumes noires retombant sur le front.

3.7. Les pintades

Famille des numididés.

6 espèces.

Habitant toutes les régions herbeuses d'Afrique et, pour l'une d'elles, à Madagascar et en Arabie. En dehors de la saison de reproduction, elles se réunissent en bandes de quelques dizaines à plusieurs centaines d'individus.

Pintade de Numidie (Numida meleagris)

Identification : 55 cm de long ; casque osseux caractéristique sur la tête.

Répartition : Afrique.

Élevée en captivité pour sa chair.

4. Origine et évolution du paon

Grands oiseaux terrestres de la même famille que les cailles, les coqs sauvages et les faisans, les paons sont sans doute originaires d'Asie, où ils vivent toujours à l'état sauvage. Mais les restes fossiles retrouvés attestent la présence, à des époques anciennes, d'oiseaux très semblables en Amérique et en Europe.

Un ancêtre américain des paons, Parapavo californicus, était si répandu en Amérique du Nord au pléistocène supérieur, il y a environ 100 000 ans, que l'on a retrouvé des éléments de pattes ou des sternums incomplets dans des dépôts fluviatiles de plusieurs vallées, mais aussi dans de nombreux gisements fossilifères, notamment dans les nappes d'asphalte naturel de La Brea, un site près de Los Angeles, où sont venus se fossiliser toutes sortes d'animaux du pléistocène. D'autres restes de paon, découverts dans la grotte de Potter Creek (comté de Shasta, Californie), proviendraient de spécimens mangés par des mammifères carnassiers ou des hommes.

En Europe, les paons devaient être aussi assez largement répandus avant le quaternaire, puisque plusieurs gisements français ont révélé des restes de Pavo bravardi datant du pliocène, entre 4 et 1,4 millions d'années. À cette époque, l'Europe jouissait d'un climat chaud, et cet oiseau, d'abord considéré par les paléornithologues comme un coq imposant et non comme un paon, vivait au milieu d'une flore de type tropical. Des fossiles de paons datant de la même époque ont aussi été mis au jour en Afrique.

Actuellement, le paon bleu, Pavo cristatus, et le paon spicifère, Pavo muticus, vivent à l'état sauvage en Asie, tandis que le paon du Congo, Afropavo congensis, est le seul paon africain. En Europe et en Amérique, les paons n'existent que dans les parcs, les zoos et les fermes d'élevage, ainsi que dans les jardins de quelques particuliers.

5. Le paon et l'homme

Ornement coloré pour les temples hindous, mets prestigieux pour les tables des grands, symbole de la vanité et du luxe en Europe, représentation de l'immortalité et du Soleil ou synonyme de dignité en Orient, le mystérieux oiseau bleu, entouré de croyances et de superstitions, parfois méprisé mais souvent honoré, n'a jamais laissé les hommes indifférents.

5.1. Un rôle mythique

Un récit de la mythologie grecque donne l'origine des ocelles qui ornent la queue du paon. Selon cette légende, la déesse Héra – que les Romains appellent Junon – a semé sur les plumes du paon les cent yeux d'Argos (ou Argus), gardien de la vache Io, après que ce dernier a été tué par Hermès, le messager des dieux. Cette tradition explique que le paon soit appelé, par exemple par le fabuliste latin Phèdre (iersiècle) ou, bien après lui, par Jean de La Fontaine (xviiesiècle), l'« oiseau de Junon ». Pour ces deux auteurs, « se parer des plumes du paon » est signe de vanité.

Ainsi l'image du paon, dont le nom est à l'origine du verbe « se pavaner », n'est-elle pas toujours positive. Cependant, pour le naturaliste du xviiie siècle Buffon, le paon serait « le roi des oiseaux, si l'empire appartenait à la beauté et non à la force... »

La symbolique chrétienne assimile la queue du paon tantôt à l'astre solaire, tantôt à un ciel étoilé. Au Moyen-Orient, les deux paons entourant l'arbre de vie symbolisent la dualité psychique de l'homme.

Pour l'islam, le paon évoque le Soleil, la Lune parfois, voire l'Univers dans sa globalité. L'exégète Titus Burckhardt, dans son Introduction aux doctrines ésotériques de l'Islam (1969), rapporte une légende supposée d'origine persane : « Dieu créa l'Esprit sous forme d'un paon et lui montra sa propre image (...). Le paon fut saisi d'une crainte respectueuse et laissa tomber des gouttes de sueur dont tous les êtres furent créés. »

5.2. Un oiseau asiatique réputé invulnérable et immortel

En Inde, le paon bleu jouit d'une estime et d'une protection particulières fondées pour partie sur des principes religieux, pour partie sur des considérations pratiques. Sa réputation bien méritée de tueur de cobras n'est plus à faire. Toutefois, l'oiseau n'affronte pas les individus adultes. Seuls les jeunes de ces serpents, tout aussi venimeux mais plus aisément maîtrisables, peuvent faire l'objet des attaques du volatile. Selon la croyance, les riches couleurs du plumage de l'oiseau proviendraient de l'absorption du poison qui lui est transmis par le serpent et de l'action magique qui en résulte.

C'est en raison de cette insensibilité au redoutable venin des serpents que le paon symbolise la divinité et l'immortalité dans certains pays de l'Orient.

5.3. Symbolique et folklore

Dans les croyances hindoues, le paon Paravani sert de monture à Skanda (appelé aussi Kartikeya, Kumara, Murugan ou Subramanya), divinité de la Guerre et chef de l'armée des dieux, fils de Shiva et de Parvati. En témoignent de nombreuses représentations artistiques, parmi lesquelles un bas-relief ornant le temple d'Angkor-Vat (xiie siècle), au Cambodge.

C'est également un paon que représente le trône du Bouddha de la méditation Amitabha, peut-être pour rappeler que, selon la tradition bouddhique, Bouddha était né paon dans une de ses vies antérieures.

Le paon occupe également une place de choix dans les croyances du Viêt Nam et de la Chine. En effet, les Chinois considèrent l'oiseau bleu comme un messager bienveillant qui apporte prospérité et paix. À l'occasion des fêtes du Nouvel An chinois, les habitants de Lanzhou, capitale du Gansu, en Chine centrale, érigent la sculpture d'un paon déployant un superbe éventail de plumes. Pour ces riverains du « fleuve Jaune », le Huang He,  l'oiseau bleu est de bon augure. Dans plusieurs pays d'Asie, en Inde et au Viêt Nam notamment, la danse du paon symbolise le réveil de la nature à l'approche de la mousson. L'animal est ainsi étroitement associé à la fertilité.

Investi d'un symbolisme solaire qui s'explique aisément par la forme de son éventail nuptial de plumes, le paon est aussi synonyme de dignité dans une partie de l'Asie. La Chine impériale estimait et respectait le paon pour sa beauté et sa dignité. Les plumes de la queue de l'oiseau étaient alors utilisées pour désigner un grade officiel dans l'administration de l'empire. Selon le grade conféré, le dignitaire recevait une plume à un, deux ou trois ocelles. En Inde, où le paon est devenu l'oiseau national, l'aigrette et les plumes de l'animal figuraient parfois dans les parures vestimentaires des maharajas.

5.4. Le paon blanc ou les prouesses de la génétique

Au début du xixe siècle, il apparaît que les colorations des plumages de paons détenus en captivité par des collectionneurs britanniques présentent un certain nombre d'anomalies consécutives aux croisements multiples opérés au sein des populations captives.

Tout d'abord considérées comme regrettables, ces mutations fortuites sont finalement mises à profit par les éleveurs pour obtenir des plumages aux teintes originales. À partir de paons porteurs de taches de couleur blanche sur leur plumage sont alors créés des paons entièrement blancs, dits « leucistiques » (contrairement à l'albinisme, maladie génétique caractérisée par l'absence totale de pigmentation sur toutes les parties du corps, le leucistisme ne concerne que le plumage – ou, chez les mammifères, le pelage – ; les yeux des paons blancs sont donc de couleur normale, et non rouges comme ceux des animaux albinos).

Les progrès effectués ultérieurement en matière de génétique ont permis d'analyser et de comprendre le processus exploité de façon empirique par ces collectionneurs du siècle passé. À titre d'illustration, le croisement entre un paon bleu « normal » et un paon blanc crée une première génération de paons bleus possédant le facteur leucistique caché (il s'agit d'un gène récessif). Des croisements entre les oiseaux de cette première génération aboutissent à une seconde génération se composant d'un quart de paons blancs leucistiques, d'un quart de bleus et de la moitié de paons bleus porteurs du facteur leucistique caché.

Certains paons d'élevage sont partiellement leucistiques, ils sont appelés « panachés ». Une autre variété, dite « nigripenne », doit son nom à la teinte noire colorant les plumes des épaules (les scapulaires) et celles des ailes (les rémiges).

Outre ces croisements intra-spécifiques, les aviculteurs ont apparié avec succès des oiseaux appartenant aux deux espèces asiatiques, le paon bleu et le paon spicifère. Les hybrides nés de ces croisements sont capables de se reproduire. Ce résultat est l'une des exceptions à la règle selon laquelle le croisement d'espèces distinctes produit en général des individus stériles. L'union d'un paon bleu nigripenne et d'un paon spicifère produit un hybride appelé paon de Spalding, également fécond. En revanche, celle d'un paon et d'une volaille (une poule par exemple) aboutit à des nichées stériles, mêlant les caractères des parents. Pourtant, une poule peut couver des œufs de paon, ce qui facilite l'élevage de ce phasianidé qui s'avère prolifique en captivité.

5.5. Un mets de choix

L'intérêt que l'homme manifeste pour le paon bleu, tant pour ses qualités esthétiques que pour sa valeur gastronomique, remonte à l'histoire ancienne. À l'époque hellénistique, Alexandre le Grand rapporte même quelques spécimens d'Inde, avant que les navigateurs arabes n'en assurent un commerce régulier dans l'océan Indien. Déjà, la finesse de la chair de ces volatiles est recherchée pour parer les tables aisées, leur panache plumé rehaussant le prestige de ce mets raffiné. Aussi le paon ne bénéficie-t-il d'aucun répit, jusqu'à la découverte du Nouveau Monde ; en effet, à partir du xvie siècle, il est remplacé sur les tables par un autre oiseau imposant, capable également de faire la roue, mais plus modestement, la dinde, nom « culinaire » d'un autre phasianidé, le dindon sauvage (Meleagris gallopavo).

Lorsqu'il n'a plus été élevé pour sa chair, le paon a été conservé et « domestiqué » pour sa beauté. Aujourd'hui dans les parcs de nombreux châteaux et jardins zoologiques, il fait admirer aux visiteurs sa somptueuse traîne déployée en éventail.

5.6. Découverte récente d'une nouvelle espèce

L'histoire de la découverte du seul paon africain actuel, le paon du Congo, par la science occidentale commence au début du xxe siècle. En 1913, un jeune ornithologue, James D. Chapin, adjoint à la chaire d'ornithologie du musée américain d'Histoire naturelle (American Museum of Natural History, New York), effectue un voyage au Congo belge (aujourd'hui la République démocratique du Congo). Au cours de ses déplacements, il remarque, dans la coiffure d'un indigène, une plume qu'il n'avait jamais eu l'occasion de voir auparavant. Intrigué, il cherche à en connaître la provenance, mais personne sur place ne peut lui indiquer quelle espèce d'oiseau est parée de plumes identiques.

De retour aux États-Unis, les seules informations qu'il recueille sont que cette plume appartient sans doute à un oiseau de l'ordre des galliformes. James Chapin range sa plume et l'oublie pendant un quart de siècle. Mais, en 1936, au cours d'un voyage en Belgique, il visite le musée du Congo, à Tervueren, près de Bruxelles. Il remarque, enfermés dans une vitrine, deux gros oiseaux naturalisés ressemblant étrangement à des paons, mais qui n'en sont pas, en dépit des étiquettes portant toutes deux la mention « paon bleu, jeune, importé ». L'ornithologue, intrigué, examine les deux spécimens avec attention et remarque que la forme particulière des éperons du mâle et la silhouette de ces oiseaux ne sont en aucune façon celles de paons bleus ni même de paons spicifères.

Repensant à la plume qu'il avait trouvée au Congo, James Chapin la compare à celles de ces oiseaux. Il s'agit bien de la même espèce et les oiseaux de Tervueren sont dès lors baptisés « paons du Congo ».

Il ne reste plus au chercheur qu'à retourner dans le Kasaï, au Congo, d'où provenaient les paons du musée de Tervueren, afin d'y rechercher des spécimens vivants. Mais ce n'est qu'en 1938, grâce à l'aide d'un agent territorial qui en conserve trois dans une volière, que des scientifiques peuvent en observer.

5.7. Le paon du Congo, une espèce rare et protégée

Endémique de la République démocratique du Congo, le paon du Congo est une espèce vulnérable, dont les effectifs, réduits, sont en diminution. Il est par ailleurs très rare en captivité ; seuls quelques pays en possèdent. Ce n'est qu'en 1949 que les premiers paons du Congo sont sortis de leur territoire africain, à destination du zoo de New York ; il s'agissait d'une seule femelle accompagnée de six mâles, dont le dernier ne mourut qu'en 1968, après avoir supporté près d'une vingtaine d'années d'existence en captivité. En 1957, un mâle est parvenu au zoo d'Anvers, seul survivant d'un groupe de paons capturés dans la nature. En 1959, sur le plus important envoi jamais effectué de paons du Congo d'origine sauvage (cinq mâles et autant de femelles), deux pariades meurent à l'arrivée.

Au début des années 1960, il est décidé de mettre en place un programme de sauvegarde du paon du Congo reposant sur l'élevage en captivité de quelques spécimens de cette espèce. Le plan débute en 1962 au zoo d'Anvers. Ce programme, qui s'appuie notamment sur la connaissance des paramètres génétiques de chaque oiseau et fait largement appel à l'informatique pour examiner les meilleures solutions théoriques, est devenu une référence en matière de reproduction en captivité d'espèces délicates. D'autres zoos, tels ceux de Cologne, de Berlin et de Londres, ont ensuite démarré des programmes similaires. La population captive de paons du Congo dans les zoos européens est toutefois peu importante.

Le paon du Congo bénéficie par ailleurs de mesures de protection dans son pays d'origine, notamment sous la forme de réserves (tel le Maiko National Park, où évolue la plus importante population de ces oiseaux). Toutefois, l'espèce souffre de la destruction de son habitat, d'une part, et de la chasse, d'autre part (sa chair, commercialisée sur les marchés aux côtés de celle d'autres animaux sauvages, fait partie de ce qui est appelé la « viande de brousse »). La situation politique instable de la région augmente encore les menaces pesant sur le paon du Congo (groupes rebelles comme réfugiés, installés dans la forêt, contribuent à accroître la pression exercée par la chasse et la dégradation de l'habitat du paon).