opossum

Opossum laineux
Opossum laineux

Ce petit marsupial solitaire et agressif, qui a réussi à se perpétuer en toute quiétude, n'existerait sur terre que depuis quelques centaines de milliers d'années ; pourtant, ses lointains ancêtres côtoyaient les dinosaures.

Introduction

Issu d'une famille très ancienne de marsupiaux, les didelphidés, l'opossum, ou sarigue de Virginie, est un de ses plus récents représentants. L'origine des marsupiaux remonte à la fin de l'ère secondaire, au milieu du crétacé, mais le premier marsupial didelphidé connu, Peradectes, n'est apparu en Amérique du Sud qu'à la fin du crétacé, vers – 70 millions d'années. C'était un contemporain des dinosaures : les précieux restes (quelques fragments de dents) de ce lointain ancêtre accompagnaient des débris de coquilles d'œufs des grands reptiles. À la fin du secondaire, les mammifères, et notamment les marsupiaux, ont connu un développement explosif, sans doute à cause de la place laissée libre par la disparition de leurs concurrents reptiliens. En Amérique du Sud, au paléocène, c'est-à-dire au début de l'ère tertiaire (– 60 millions d'années), plus de douze espèces de marsupiaux didelphidés, qui ont toutes disparu aujourd'hui, coexistaient. À la fin du tertiaire, de – 10 à – 3 millions d'années environ, la diversité de ces marsupiaux était plus importante que de nos jours, mais déclina ensuite. D'aspect et de morphologie très semblables, ils différaient les uns des autres surtout par leur taille, petite à moyenne, et pouvaient être insectivores, carnivores ou omnivores, terrestres ou arboricoles. La plupart des didelphidés actuels sont apparus à cette époque.

Il y a environ 5 millions d'années, l'émersion de l'isthme de Panamá met en relation l'Amérique du Sud et du Nord et marque la fin de l'âge d'or pour les marsupiaux américains, en permettant le passage de nombreux mammifères placentaires nord-américains vers l'Amérique du Sud. La compétition alimentaire qui en résulta ainsi que les bouleversements climatiques entraînèrent l'élimination des deux tiers des espèces de marsupiaux.

L'opossum de Virginie, lui, est apparu très récemment. Ses restes les plus anciens, trouvés au sud des États-Unis, datent de quelques centaines de milliers d'années. L'espèce se serait différenciée à partir d'une population d'opossums communs (Didelphis marsupialis) du Mexique qui, après un assèchement du climat, se serait retrouvée isolée dans une région humide et aurait évolué en vase clos jusqu'à devenir une espèce distincte, l'opossum de Virginie actuel.

Aujourd'hui, l'espèce est largement implantée en Amérique du Nord et en Amérique centrale, et ses grandes capacités d'adaptation lui permettent d'être actuellement en expansion rapide.

La vie de l'opossum

Un bien piètre chasseur nocturne

Manger et dormir constituent les activités essentielles de l'opossum. Ce n'est qu'au coucher du soleil que cet animal strictement nocturne se met en quête de nourriture. Dès les premières lueurs du jour, il s'empresse de regagner un abri, peu importe lequel, avec toutefois une préférence pour des lieux situés sur ou sous le sol : terriers abandonnés, crevasses de rochers, buissons épais ou grosses racines. Il peut aussi se réfugier dans des trous d'arbres ou d'anciens nids d'écureuils. L'opossum ne construit pas son nid, il se contente de s'approprier ce qu'il trouve en chemin et utilise rarement deux fois de suite le même gîte. Quelques feuilles lui suffisent pour rendre confortable la cavité choisie et la transformer ainsi en nid plus ou moins douillet. Il fait preuve pour cette activité d'une habileté certaine. Il a suffi de dix minutes et de cinq allers et retours à un opossum observé par le naturaliste américain Luther Smith pour chercher des feuilles, les charger sur sa queue et les rapporter dans le terrier. Le placement des feuilles sur la queue s'effectue selon une technique très élaborée : l'opossum les fait glisser sous son ventre avec les pattes avant, les saisit avec les pattes arrière et les place dans une boucle formée par la queue, tout en maintenant la base de celle-ci sur le sol, de façon à garder l'arrière-train levé !

Fruits, chair fraîche ou charogne

Lorsque le crépuscule arrive, l'opossum part à la recherche de sa nourriture, activité qui occupe la plus grande partie de sa nuit. Il n'a pas vraiment de stratégie de chasse et ses déplacements semblent souvent désordonnés : plutôt que de suivre des pistes précises, il effectue des mouvements plus ou moins circulaires autour du gîte du moment. Il peut ainsi parcourir près de 3,5 km au cours d'une nuit, se déplaçant le plus souvent à terre mais grimpant, à l'occasion, dans les arbres s'il veut manger des fruits. Car l'opossum de Virginie est parfaitement omnivore. Tout est bon pour lui, surtout ce qui n'est pas trop difficile à attraper ! Insectes, vers de terre, fruits, graines, feuilles, grenouilles, petits rongeurs, serpents, écrevisses..., le menu varie au gré de ses rencontres. Parfois, il s'agit d'autres opossums, car les adultes se nourrissent volontiers des jeunes ! Ce marsupial ne dédaigne pas non plus les animaux morts, et les restes de petits vertébrés, trouvés dans des estomacs, sont souvent ingurgités sous cette forme. L'opossum est en effet un bien piètre chasseur ; les observations faites sur des animaux en captivité, par John McManus, confirment que les proies ont toutes les chances de survivre. Ainsi, une souris placée dans la cage d'un opossum parvient souvent à s'échapper ; quant aux écureuils, leur agilité leur garantit à coup sûr la vie sauve...

L'hiver est une très mauvaise saison pour l'opossum, qui, contrairement à d'autres mammifères, n'hiberne pas ; le froid et la rareté de la nourriture l'obligent à modifier ses habitudes. Il est souvent contraint de limiter ses déplacements ou de rester cantonné dans son abri plusieurs jours de suite.

Quand la température s'adoucit, il refait surface, même en plein jour, et il n'est pas rare alors de le surprendre à proximité des habitations en train de fouiller les poubelles !

Fuir ou faire le mort

Difficile de parler d'une vie sociale chez l'opossum ! Car, même s'il est bien obligé d'avoir quelques contacts avec ses congénères – au moins entre mâles et femelles ! –, ce marsupial solitaire et agressif a un comportement social réduit à sa plus simple expression. Ainsi, les femelles s'évitent généralement, et, lorsque deux mâles se rencontrent, dans un arbre en fruits ou autour d'une charogne, ils maintiennent prudemment une certaine distance entre eux. Si l'un d'eux fait mine d'avancer, la réaction de menace est immédiate : bouche ouverte, les lèvres tirées en arrière, montrant les dents, l'opossum se met à pousser des cris qui vont du grognement sourd au piaillement strident. La confrontation peut facilement dégénérer en combat, chacun essayant de mordre l'adversaire à la tête, aux épaules et de l'attraper à la gorge. Après deux ou trois minutes, l'un des protagonistes bat en retraite, le vainqueur pouvant alors exécuter une sorte de danse de victoire : pattes avant tendues, tête levée, il sautille pendant quelques secondes en fouettant l'air avec sa queue.

Cette agressivité de l'opossum n'est pas déclenchée par la défense d'un territoire. Car, à l'inverse de la plupart des mammifères, ce solitaire n'a pas un domaine vital bien précis et stable. Animal semi-nomade, il exploite un secteur pendant quelques mois puis s'en va, peut-être pour tenter sa chance dans une zone où la nourriture sera plus abondante. L'opossum ne se fixant pas à un endroit précis, la taille de son domaine vital est difficile à apprécier et les estimations varient fortement selon le milieu occupé : si celui-ci lui convient, il peut prospecter de petites surfaces. De 5 ha en moyenne dans un parc de New York, le domaine d'un mâle peut s'étendre sur 40 ha dans une zone de grande culture, dans l'Illinois ; la moyenne se situe plutôt aux alentours de 15 ha au Kansas, dans un habitat de bois et de prairies. Les domaines des femelles sont plus restreints.

N'ayant pas réellement de territoire à défendre, l'opossum n'utilise pas de techniques de marquage. Il peut apposer des sortes de « balises » avec sa salive en léchant les objets, par ses glandes anales en frottant l'arrière-train, ou par les glandes de la peau en frottant le cou et la tête ; mais ces signaux ne déclenchent pas la fuite chez ses voisins, tout au plus une réaction agressive. Ces messages odorants servent plutôt à indiquer sa présence et à lui permettre de reconnaître son propre secteur, car les domaines vitaux des opossums, mâles ou femelles, se chevauchent largement. Et, s'ils s'évitent généralement, il arrive qu'à force de se rencontrer deux opossums s'habituent l'un à l'autre et occupent le même gîte !

L'attitude agressive de l'opossum suffit parfois à impressionner un adversaire et à le faire fuir. Mais son moyen de défense le plus efficace reste la fuite, et il l'utilise souvent. Cependant, s'il est acculé ou saisi par un animal chasseur, l'opossum « fait le mort ». Il se laisse tomber sur le côté, immobile, le corps raide et arrondi, les yeux fixes. Les mâchoires sont entrouvertes, la langue pendante. Souvent, il se met à baver, défèque et décharge une substance verdâtre et nauséabonde... Surpris, le prédateur relâche son attention et finit par se désintéresser de ce qu'il croit être une charogne. Au bout de quelques minutes, l'opossum retrouve sa vivacité et s'éclipse prestement. Ce comportement caractéristique est stéréotypé ; probablement réflexe, il se met en place à l'âge où le jeune acquiert son indépendance, vers quatre mois. Cependant, même s'il préfère la fuite, réelle ou simulée, l'opossum sait aussi se défendre et se servir de ses fortes canines pour infliger de sérieuses morsures à qui tente de le saisir.

La « course » pour une tétine à 13 jours

S'il se montre particulièrement agressif lorsqu'il rencontre un de ses congénères, l'opossum mâle adopte une tout autre attitude quand il est en présence d'une femelle. Dès que le mâle reconnaît, à distance et par l'odorat, la femelle, il se met à pousser des petits cris ressemblant à des cliquetis, cherche à renifler la région génitale de celle-ci et à la monter. Si la femelle n'est pas sexuellement réceptive, elle le repousse par des cris stridents d'agression et essaie de le mordre. Le mâle, tournant alors son corps de côté, pousse de petits cris pour indiquer sa soumission, abandonne ses tentatives et s'éloigne. Mais, si la femelle est prête à être fécondée, elle reste passive. Le mâle en profite alors pour grimper sur son dos, lui saisit la nuque avec les dents et la maintient fermement en enserrant le thorax de ses pattes avant et en agrippant les pattes arrière avec ses pieds. Puis ils basculent tous les deux sur le côté et l'accouplement peut avoir lieu. Il ne dure pas moins de 15 à 20 minutes, au terme desquelles les deux animaux se séparent rapidement, la femelle redevenant aussitôt agressive vis-à-vis du mâle. Elle n'accepte d'ailleurs qu'un seul accouplement par cycle et repousse sans ménagement toute autre tentative.

Des petits bien à l'abri dans la poche de leur mère

Chez tous les marsupiaux, le temps de gestation est très court ; il est de treize jours seulement chez l'opossum. Les petits naissent en effet à un stade très précoce. Véritables petites larves, ils ne mesurent que 15 mm et pèsent 0,15 g. Pendant les trois mois où ils achèveront leur développement dans la poche ventrale de leur mère, ceux qui auront réussi à se saisir d'une des tétines y resteront solidement attachés. Cette poche, appelée marsupium ou poche marsupiale, qui protège les nouveau-nés pendant les premiers mois, est profonde et ouverte vers l'avant. Des muscles commandent sa fermeture, par exemple quand l'animal est dans l'eau. Le plus souvent, elle abrite treize tétines, douze disposées en arc de cercle et une centrale, mais leur nombre peut aller jusqu'à dix-sept.

La sex-ratio

La sex-ratio



La théorie de la sex-ratio (nombre de mâles sur nombre de femelles mis au monde), des chercheurs américains Robert Trivers et Dan Williard (années 1970), affirme que, chez l'opossum, la mère peut ajuster la proportion de mâles à naître, selon les circonstances. S. Austad et M. Sunquist ont vérifié que des femelles bien nourries donnaient effectivement naissance à plus de mâles que de femelles et que, à la seconde génération, la descendance de ces mâles forts survivait mieux que celle des mâles chétifs et peu nombreux nés de femelles mal nourries.

Les premiers pas

Le déroulement de la naissance est très similaire chez tous les marsupiaux, même s'ils sont aussi différents que le kangourou, le koala ou l'opossum. Quelques heures avant la sortie des petits, la mère opossum se lèche abondamment le ventre et l'intérieur de la poche. Puis elle s'assied, le dos voûté, la queue tendue en avant, et, en quelques minutes (de 2 à 12), elle expulse jusqu'à 25 minuscules opossums qui vont s'empresser de remonter seuls vers la poche, en « nageant » sur le ventre de leur mère.

Ils sont aidés en cela par le remarquable développement de leurs pattes antérieures, pourvues de griffes, et par la position courbée de la mère, qui diminue la distance à parcourir. Ils reconnaissent leur chemin grâce à leur sens olfactif et, quand ils approchent de la poche ventrale, rectifient le cap s'ils s'en sont éloignés. Les quatre à cinq centimètres qui les séparent du refuge salvateur sont parcourus en près de deux minutes. Mais il arrive que des petits se perdent ou tombent en cours de route. Leur existence s'achèvera là, car la mère ne fait rien pour les récupérer. La mère ne possédant en général pas plus de dix mamelles fonctionnelles, les premiers arrivés seront les seuls servis !

Trois mois de vie de famille

Les petits opossums, tout au moins ceux qui auront eu la chance d'atteindre la poche ventrale de leur mère, vont rester bien à l'abri, attachés aux tétines nourricières, jusqu'à leur huitième semaine. À cet âge, ils mesurent 8 cm, leurs yeux s'ouvrent et leur corps est entièrement recouvert d'un pelage juvénile constitué de courts poils noirs. Dès qu'ils ont atteint leur dixième semaine, ils commencent à se déplacer seuls et se risquent à de très courtes excursions hors de la poche maternelle. Ce n'est qu'à leur douzième semaine qu'ils pourront rester seuls dans le nid pendant que leur mère ira chercher de quoi s'alimenter. Le sevrage intervient à partir de trois mois, les jeunes opossums commencent alors à s'intéresser à de petites proies qu'ils trouvent aux alentours du nid. Ils continuent toutefois à boire le lait maternel et n'ont pas besoin pour cela de réintégrer la poche marsupiale car les tétines s'allongent au fur et à mesure de la croissance. C'est également à cet âge que les jeunes font de longues sorties hors du nid, toujours accompagnés de leur mère ; ils marchent à côté d'elle ou, plus souvent, se mettent sur son dos, agrippés à sa fourrure et leur queue enroulée autour de la sienne. Les neuf petits que la femelle opossum peut transporter représentent déjà près de la moitié de son poids. À trois mois et demi, âge de son émancipation, le jeune opossum est complètement sevré. Il mesure environ 180 mm, sans la queue, et pèse environ 125 g, soit de 10 à 30 fois moins que l'adulte.

Une mère très détachée

Bien que l'image traditionnelle de la mère opossum avec ses petits sur le dos soit très rassurante, elle ne correspond pas à une réalité, les relations entre mère et petits étant, comme celles entre adultes, assez frustes. Pendant les premières semaines, la mère a des réactions de protection, parfois violentes dès que l'on fait mine de toucher à sa poche ventrale. Mais, quand les petits commencent à sortir de la poche, elle prend déjà ses distances vis-à-vis d'eux. Le cri très particulier et strident que poussent les jeunes opossums âgés de deux mois dans toutes les situations d'inconfort a peu d'effet sur la mère et la fait rarement revenir près d'eux. Ils ont pourtant un langage pour communiquer, petits cris de contact, sorte de cliquetis ressemblant aux cris sexuels des adultes, qui leur sert surtout à se reconnaître. Il est abandonné dès que les jeunes deviennent indépendants.

Cette vie de famille réduite à sa plus simple expression prend donc fin à l'âge de trois mois et demi. Les jeunes partent à leur tour à l'aventure, solitaires et agressifs comme les adultes ! Il vaut d'ailleurs mieux qu'ils se séparent car ils finiraient par s'entre-dévorer. Ce n'est qu'un peu plus tard, vers six mois pour les femelles et huit mois et demi pour les mâles, que les petits opossums atteindront leur maturité sexuelle et pourront ainsi perpétuer l'espèce.

Pour tout savoir sur l'opossum

Opossum de Virginie (Didelphis virginiana)

L'opossum se reconnaît aisément à son pelage hirsute, dû à la présence des longs poils de jarre blancs, isolés dans une fourrure courte et sombre. Sa tête allongée se termine par un museau fin et pointu, comparable à celui de la souris. Les yeux, petits et noirs, sont souvent cernés par un anneau noir plus ou moins marqué. L'opportunisme qui caractérise si bien le mode de vie de l'opossum se retrouve également dans sa morphologie, son anatomie et sa physiologie. Les proportions de son corps sont intermédiaires entre celles d'un mammifère terrestre et celles d'un arboricole. Ainsi, l'opossum, qui vit principalement au sol, monte sans difficulté dans les arbres. Quand il marche, il déplace ses quatre pattes une par une et garde cette même allure en grimpant le long d'un tronc, s'aidant de ses griffes aiguisées qui se plantent dans l'écorce. Les petites granulations de la paume des mains et de la plante des pieds améliorent l'adhérence sur les surfaces lisses. Pour descendre, tête en bas, il effectue les mêmes mouvements et, malgré la prudence qu'il apporte à cette délicate opération, il lui arrive de se retrouver à terre plus vite que prévu ! Sa queue, nue et fine, presque aussi longue que son corps, est préhensile. Il utilise également le pouce de ses pattes arrière, qui est opposable, pour agripper les branches de petit diamètre.

Ce petit animal peut atteindre 7 km/h à la course. Il déplace alors alternativement les pattes deux à deux, en diagonale, la queue tendue en arrière et la tête se balançant de haut en bas à chaque pas, ce qui lui donne une démarche caractéristique. Bon marcheur et bon grimpeur, l'opossum est aussi un bon nageur. Dans l'eau, il nage comme un chien, avec une allure semblable à celle de la marche, et peut ainsi dépasser une vitesse de 1 km/h pendant 10 minutes.

Peu difficile sur le choix de sa nourriture, ce marsupial totalement omnivore possède un tube digestif simple avec un estomac à une seule poche, un intestin court et un cæcum peu développé, qui lui permet de tirer parti de toutes sortes d'aliments. Sa denture est de type primitif (c'est-à-dire ancien au sens évolutif).

Pour rechercher sa nourriture, comme pour communiquer avec ses congénères ou détecter des ennemis éventuels, l'opossum se fie principalement à son ouïe et à son odorat. Quand il est en activité, ses oreilles, très mobiles, se mettent en mouvement au moindre bruit. Animal nocturne, sa vue n'est pas très bonne ; il est pourtant capable de différencier les couleurs, comme l'a remarqué l'Américain H. Friedman en 1967, qui s'est aussi demandé à quoi cela pouvait bien servir à un individu vivant la nuit ! L'opossum de Virginie a un répertoire vocal limité. L'adulte utilise quatre cris distincts. Trois d'entre eux, un chuintement (ou sifflement), un grognement et un cri perçant, sont des cris agressifs ou défensifs, allant de la plus faible à la plus forte excitation. Les cris aigus, par exemple, sont fréquents dans les combats entre mâles. Le quatrième, appelé « click », est un petit cri sexuel que pousse le mâle quand il « courtise » la femelle, lorsque débute la saison de reproduction. Cette saison dure de huit à dix mois aux États-Unis, des premiers accouplements aux derniers sevrages.

Les femelles opossums n'allaitent jamais en hiver, même dans les régions plus clémentes comme en Floride, et n'ont que deux portées par an quelle que soit la latitude. En revanche, le nombre de petits par portée diminue quand on va du nord au sud : en moyenne de neuf dans l'État de New York à six en Floride. Sevrés vers 3 mois et demi, les jeunes atteignent leur maturité sexuelle vers 8 mois et demi pour les mâles et 6 mois pour les femelles. Ainsi, celles qui sont nées tôt dans la saison peuvent élever une portée dès leur première année de vie. La population se renouvelle donc très vite, ce qui est important pour cette espèce dont la longévité ne dépasse guère 2 ans.

Quatre sous-espèces

Didelphis virginiana virginiana, le plus souvent, poils de jarre, face, mains, une partie des oreilles et de la queue blancs (animal dit en phase blanche) ; États-Unis, sauf zone côtière sud, de la Floride au Texas.

Didelphis virginiana pigra, États-Unis, de la Floride au Texas exclusivement.

Didelphis virginiana californica, extrême sud des États-Unis, sauf en Californie ; Mexique, sauf dans la péninsule du Yucatan.

Didelphis virginiana yucatanensis, la plus petite des quatre ; péninsule du Yucatan, Mexique.

Plus on descend vers le sud, plus les animaux sont de petite taille et leur queue est proportionnellement plus longue. Les parties blanches chez la première sous-espèce sont souvent noires chez les autres (phase noire), mais la coloration n'est pas un critère absolu pour déterminer les sous-espèces.

          

OPOSSUM DE VIRGINIE

Nom (genre, espèce) :

Didelphis virginiana

Classe :

Mammifères (marsupiaux)

Ordre :

Didelphimorphes

Famille :

Didelphidés

Identification :

Tête allongée, museau pointu et rose ; face blanc crème, anneau noir autour des yeux, raie plus foncée au milieu du front ; fourrure hirsute, dense et sombre avec poils blancs (phase blanche) ou noirs (phase noire) ; queue nue, noire à la base

Taille :

Mâles : de 45 à 50 cm (tête et corps), de 35 à 40 cm (queue) ; les femelles ont environ 10 cm de moins

Poids :

Mâles : de 1,6 à 3,6 kg ; femelles : de 1,2 à 2,4 kg

Répartition :

Moitié est et côte ouest des États-Unis, Amérique centrale jusqu'au nord-ouest du Costa Rica, à l'exception du nord-ouest du Mexique

Habitat :

Tous types d'habitats, des prairies sèches aux forêts froides ; jusqu'à 3 000 m d'altitude au Mexique

Régime alimentaire :

Omnivore

Rythme d'activité :

Nocturne

Structure sociale :

Non territorial, semi-nomade, solitaire, agressif

Saison de reproduction :

De janvier-février à octobre

Maturité sexuelle :

Mâles, 8 mois et demi ; femelles, 6 mois

Nombre de jeunes par portée :

En moyenne de 6 à 9 (extrêmes, de 1 à 25), 2 fois par an

Gestation :

13 jours

Taille et poids à la naissance :

15 mm, 0,15 g

Longévité :

De 2 à 3 ans

Statut :

Commun, en expansion

 

Signes particuliers

Tête

La peau du museau est nue et rose à son extrémité. Chez les vieux mâles, les canines supérieures allongées sont parfois apparentes, même la gueule fermée.

Crâne

De forme allongée, avec un cerveau peu volumineux, le crâne est de type primitif. 50 dents au total permettent à l'animal de consommer une nourriture très variée.

Queue

Nue et couverte de petites écailles, elle est noire sur la première moitié et atteint presque la longueur du corps chez les sous-espèces d'Amérique centrale. Elle est plus courte (la moitié de la longueur du corps) et noire à la base chez les populations septentrionales. Mobile et préhensile, cette queue peut geler en hiver.

Poche marsupiale

Ouverte vers l'avant et profonde, elle comporte généralement 12 tétines en arc de cercle et 1 centrale, qui s'allongent au fur et à mesure de la croissance des petits.

Pattes

Les pattes antérieures et postérieures ont chacune cinq doigts. À l'avant, tous les doigts sont sensiblement de la même taille et portent des griffes aiguisées. À l'arrière, quatre doigts seulement sont munis de griffes. Le pouce, lui, en est dépourvu. Large et court, il est opposable aux autres doigts, ce qui permet à l'opossum de se servir de ses pattes arrière pour s'agripper à des branches de petit diamètre.

Les autres opossums

Les marsupiaux américains regroupés sous le nom général d'opossums – à ne pas confondre avec les possums océaniens (appelés parfois également opossums !) – sont répartis entre trois ordres comprenant chacun une famille et vivent sur la plus grande partie du continent américain, de la frontière canadienne à la Patagonie. La famille des didelphidés (ordre Didelphimorphia) comprend 2 sous-familles : les didelphinés (13 ou 14 genres et 74 espèces, intertropicales pour la plupart) et les caluromyinés (3 genres et 5 espèces). Les cænolestidés (ordre Paucituberculata), appelés en anglais shrew opossums, opossums-musaraignes, nom qui désigne aussi en français les opossums à queue courte (short-tailed opossum) du genre monodelphis de la famille des didelphidés, comprennent trois genres (Caenolestes, Lestoros, Rhyncolestes) et six espèces. Enfin, les microbiothériidés (ordre Microbiotheria), sud-américains et montagnards comme les cænolestidés, ne sont représentés que par une espèce, le « monito del monte » (Dromiciops australis) ou gliroides. La grande majorité des opossums est omnivore et nocturne. Ces espèces sont souvent discrètes, de petite taille et parfois rares, ce qui explique que la plupart soient mal connues des scientifiques et du grand public.

Quelques genres :

Les sarigues

Genre Didelphis

Six espèces, dont l'opossum de Virginie (Didelphis virginiana).

Les sarigues, ou opossums proprement dits, sont les plus gros marsupiaux américains. Outre la sarigue de Virginie, les deux espèces les plus communes sont les suivantes :

L'opossum commun ou opossum à oreilles noires, Didelphis marsupialis,

mesure de 60 à 90 cm (moitié tête et corps, moitié queue) ; son poids oscille entre 0,6 et 1,6 kg.

Identification : le dos et les pattes sont noirs, la face et les flancs jaune sale.

Répartition : forêt et savane de plaine ; du sud du Mexique à l'Amazonie, ainsi que la forêt atlantique du Sud-Est brésilien et du Nord-Est argentin.

L'opossum à oreilles blanches, Didelphis albiventris,

a la même taille et le même poids que l'opossum commun.

Identification : dos et flancs plus clairs ; poils de jarre blancs et non noirs ; face blanche avec une rayure noire médiane et des anneaux noirs autour des yeux.

Répartition : forêts humides subtropicales, savanes sèches et en altitude jusqu'à 4 000 m ; sud du Venezuela, de la Colombie au nord du Chili, est, centre et sud-ouest du Brésil jusqu'au nord de l'Argentine.

Les autres espèces sont la sarigue d'Azar (Didelphis aurita), l'opossum à oreilles blanches de Guyane (Didelphis imperfecta) et l'opossum à oreilles blanches des Andes (Didelphis pernigra).

Les opossums quatre-yeux

Le nom de ces animaux est dû aux deux taches blanches qu'ils portent au-dessus des yeux.

Les sept espèces sont réparties en deux genres, Philander et Metachirus.

L'opossum quatre-yeux gris, Philander opossum,

mesure de 20 à 30 cm (tête + corps) et autant pour la queue, pour un poids de 200 à 600 g.

Identification : dos et flancs gris, dessus de la tête noire. À la différence des autres opossums quatre-yeux, il possède un manchon de poil à la base de la queue.

Répartition : de préférence les bords de cours d'eau en grande forêt humide et les forêts dégradées ; plaines, du sud du Mexique au sud du Brésil.

Principalement terrestre et carnivore.

L'opossum quatre-yeux de MacIlhenny, ou opossum quatre-yeux noir, Philander mcilhennyi.

Sa taille et son aspect sont similaires à ceux de l'opossum quatre-yeux gris, sauf le dos et les pattes noirs.

Répartition : limitée au bassin supérieur de l'Amazone, du Venezuela au Brésil, en forêt de plaine.

Ses mœurs sont identiques à celles de l'autre espèce.

L'opossum quatre-yeux brun, Metachirus nudicaudatus.

Identification : partie supérieure du corps brun-roux, taches au-dessus des yeux moins marquées que chez les espèces du genre Philander ; pattes plus allongées, allure générale plus svelte ; queue entièrement nue et non préhensile. Strictement terrestre.

Répartition : surtout la grande forêt à sous-bois clair ; forêts humides de plaine, du sud du Costa Rica au nord-est de l'Argentine.

Les autres espèces sont l'opossum quatre-yeux d'Anderson ou opossum noir (Philander andersoni), dans les forêts du Brésil, de la Colombie, de l'Équateur, du Pérou et du Venezuela, Philander mondolfi (Colombie et Venezuela), Philander deltae (Venezuela) et l'opossum quatre-yeux du sud-est (Philander frenatus, de l'est du Brésil au Paraguay et à l'Argentine).

Opossum aquatique ou yapock (Chironectes minimus)

Un peu à part dans la grande famille des didelphidés, l'opossum aquatique, ou yapock, est le seul marsupial complètement aquatique.

Identification : longueur de la tête et du corps de 25 à 30 cm, queue de 30 à 40 cm ; poids de 600 à 700 g.

Pieds palmés, dos noir à rayures blanches transversales qui servent probablement de tenue de camouflage à l'animal quand il nage en surface.

Les mâles de cette espèce sont les seuls opossums qui, comme les femelles, ont une poche marsupiale dans laquelle ils abritent leur scrotum quand ils sont dans l'eau.

Répartition : petits cours d'eau forestiers ; Amérique centrale, à partir du sud du Mexique ; versant est des Andes, de la Colombie à la Bolivie ; Guyanes et sud-est du Brésil.

Alimentation : poissons et petits animaux aquatiques.

Les souris opossums

Ce vaste groupe, comprenant une cinquantaine d'espèces, ne regroupait qu'un seul genre, Marmosa, depuis peu séparé en Marmosa, Marmosops, Micoureus, Gracilinanus, Hyladelphys et Thylamys. Toutes ces espèces ont, comme leur nom l'indique, une allure de souris. L'opossum-souris cendré (Marmosa canescens) est mal connu et a été séparé dans un nouveau genre, Tlacuatzin.

Identification : de petite taille (longueur tête + corps de 7,5 à 20 cm, queue de 10 à 30 cm), poids de 20 à 150 g ; pas de poche marsupiale.

Répartition : des forêts tropicales humides et des steppes buissonnantes aux prairies d'altitude ; toute l'Amérique latine (sauf les hautes montagnes, les déserts arides et la Patagonie).

Alimentation : omnivores, avec une préférence pour les insectes.

Les opossums à queue courte ou opossums-musaraignes

Genre Monodelphis.

Vingt espèces, les moins arboricoles des opossums, surtout terrestres, dont 2 « vulnérables » : Monodelphis reigi, dans l'État de Bolívar au Venezuela, et Monodelphis umbristriata, dans les États de Goiás, São Paulo et Minas Gerais, au Brésil.

Identification : queue courte, non préhensile ; petits yeux ; longueur (tête et corps) de 10 à 30 cm ; queue de 4 à 11 cm ; poids de 15 à 150 g.

Alimentation : insectes.

Répartition : forêts et prairies d'Amérique du Sud, à l'est des Andes jusqu'en Argentine.

Les opossums laineux

Sous-famille des caluromynés.

Genre Caluromys.

Trois espèces très semblables, arboricoles et frugivores, qui mesurent de 20 à 30 cm (tête plus corps), de 30 à 45 cm (queue) ; poids de 250 à 400 g. Fourrure dense et soyeuse, brun-roux ; tête marquée d'une ligne brun foncé du front au museau.

L'opossum laineux d'Amérique centrale, ou opossum laineux de Derby, Caluromys derbianus,

a une tache grise au milieu du dos. Il vit dans les forêts et zones boisées du sud du Mexique et de l'ouest des Andes, en Colombie et en Équateur, jusqu'à 2 500 m d'altitude.

L'opossum laineux équatorien, Caluromys lanatus,

a une queue velue sur sa première moitié. Il vit jusqu'à 500 m d'altitude, dans l'est des Andes, de la Colombie à l'ouest du Venezuela et au nord de l'Argentine, dans les régions ouest, centre et sud du Brésil.

L'opossum laineux à queue nue, Caluromys philander,

a une queue nue, sauf à la base. Il se répartit dans la zone est du bassin amazonien, jusqu'à 2 000 m d'altitude ; est du Venezuela, Guyanes, nord et centre-sud du Brésil, forêt atlantique du Sud-Est brésilien.

Opossum à épaules noires, opossum à queue touffue (Caluromysops irrupta, glironia venusta)

Ces deux genres et espèces font également partie de la sous-famille des caluromynés.

Espèces arboricoles, rares.

Répartition : forêt humide de l'ouest du bassin amazonien : du sud-sud-est du Pérou à l'ouest du Brésil pour la première ; de l'Équateur à la Bolivie pour la seconde.

Opossum à crosse queue (Lutreolina crassicaudata)

Ressemble à une loutre ; bon nageur. Deux sous-espèces : L. c. crassicaudata et L. c. turneri)

Répartition : savanes de plaine ; Colombie, Venezuela et depuis le sud de l'Amazone jusqu'au nord de l'Argentine.

Opossum de Patagonie (Lestodelphys halli)

Ce petit animal (20 cm, dont la moitié pour la queue) ressemble à une grosse souris. Mal connu, c'est le plus méridional des marsupiaux américains.

Milieu naturel et écologie

Seul marsupial nord-américain, l'opossum de Virginie occupe une grande partie de l'Amérique du Nord et de l'Amérique centrale, du sud de l'Ontario au Nicaragua, à l'exception des régions les plus arides et les plus élevées de l'ouest des États-Unis et du nord-ouest du Mexique.

Ayant une partie de leurs aires de répartition commune, les autres espèces d'opossums du genre Didelphis, dont celui à oreilles noires et celui à oreilles blanches, sont plus méridionales et ne côtoient pas l'opossum de Virginie.

Une expansion étonnante

L'expansion de l'opossum de Virginie sur un territoire si vaste s'explique par sa stratégie de colonisateur : doué pour envahir les milieux nouveaux, aussi à l'aise à terre, dans l'eau ou dans les arbres, il a la faculté, grâce à son alimentation variée, à ses aptitudes à occuper des habitats divers et à ses habitudes itinérantes de s'adapter vite presque n'importe où.

Cette expansion est toutefois limitée au sud par l'excès de pluie et au nord par le froid (on le trouve tout de même jusqu'à 3 000 m sur les plateaux mexicains). Bien qu'il préfère les forêts décidues, on le rencontre aussi bien dans les marais que les prairies ou les zones de grande culture, et même dans les banlieues des grandes villes. Il ne s'éloigne cependant jamais de l'eau car il lui faut boire souvent.

L'opossum de Virginie constitue un des cas relativement rares d'espèces animales dont l'aire de répartition est actuellement en expansion. Au xvie siècle, les premiers Européens installés en Amérique du Nord ne trouvèrent pas d'opossums au nord d'une ligne délimitée par les États actuels de l'Arkansas, du Kentucky et de la Virginie. Depuis le xixe siècle, celle-ci s'est étendue vers le nord et vers l'est suivant la progression des colons. En 1870, après une introduction accidentelle près de San Francisco, en Californie, l'opossum a colonisé en moins d'un siècle la côte ouest des États-Unis, depuis la frontière mexicaine jusqu'à celle du Canada. Ce marsupial a ainsi augmenté son aire de répartition de plus de deux millions de kilomètres carrés en cinquante ans, sans que l'on sache très bien dans quelle mesure il a été aidé par l'homme. Quoi qu'il en soit, on peut imaginer que, à l'image des goélands qui se multiplient sur les côtes grâce aux dépôts d'ordures, l'opossum de Virginie a su profiter de son mode de vie éminemment adaptable pour tirer parti des situations nouvelles que l'homme lui a fournies.

Des causes de mortalité mal connues

De plus, les prédateurs de l'opossum, même s'ils sont nombreux, restent très occasionnels. Coyotes, renards, lynx, rapaces et gros serpents peuvent en faire leur repas. Mais, bien que de nombreux chercheurs, notamment américains, aient étudié l'opossum de Virginie dans la nature, aucun n'a su déterminer avec certitude s'il était mangé et par quelles espèces animales. La prédation n'est sans doute pas un facteur de mortalité important pour cette espèce.

L'autre cause possible de mortalité des opossums est la maladie : cœur, rein, ou problèmes respiratoires pouvant se terminer par une pneumonie... Cet animal est aussi sujet à des infections par des bactéries (salmonellose, leptospirose), des protozoaires (toxoplasmose), qu'il peut transmettre à l'homme. Mais on ne connaît pas l'importance réelle de ces maladies dans la nature car elles ont généralement été observées chez des animaux en captivité.

Sensibles au froid

Comme l'opossum de Virginie n'hiberne pas, il ne peut, comme l'ours ou la marmotte, passer plusieurs mois au fond de son refuge sans manger et paie un lourd tribut au froid. Un chercheur américain, F.W. Stuewer, a suivi pendant trois ans, de 1937 à 1940, une population d'opossums dans le Michigan, près de la frontière canadienne. Régulièrement piégés pour être marqués, les animaux étaient ensuite relâchés. En deux ans, à la suite d'hivers doux, la population fit plus que doubler. Malheureusement, durant le troisième hiver, très froid, 60 cm de neige recouvrirent le sol pendant trois mois. Les opossums eurent tant de mal à se nourrir que, au printemps suivant, un animal sur six seulement fut retrouvé vivant. Et, parmi ceux-ci, certains avaient des morceaux de queue ou d'oreilles qui avaient gelé et étaient tombés pendant l'hiver ; mais, pour ceux-là au moins, les plaies avaient cicatrisé rapidement.

L'opossum et l'homme

Un petit marsupial prolifique

Premier marsupial connu des Européens, l'opossum tient une place de choix dans le folklore nord-américain. Bien qu'il continue à être chassé pour sa fourrure, sa résistance et son caractère très adaptable lui assurent encore de beaux jours.

Un animal étrange

La première rencontre de l'opossum avec un Européen remonte à la découverte du Nouveau Monde. C'est en effet l'un des premiers explorateurs du Brésil, l'Espagnol Vicente Yanes Pinzon, qui découvrit le 1er janvier 1500 une femelle opossum avec des petits dans la poche. Il la ramena à la Cour d'Espagne, où cet animal étrange fit sensation. Une image célèbre représente la reine Isabelle introduisant son « royal doigt » dans la poche marsupiale et s'extasiant devant cette invention de la nature.

La première illustration de l'opossum paraît dans l'atlas de l'Allemand Waldseemüller, daté de 1516. Elle représente un animal de la « Terra Nova », à tête de chien, à grosses pattes d'ours, la poitrine (la poche !) gonflée, les mamelles pendant à l'extérieur, la queue tronquée ! Et, pendant deux siècles, c'est cette image farfelue qui sera reprise par les naturalistes. L'opossum de Virginie, quant à lui, est découvert en 1608 par un capitaine anglais, John Smith, qui participe à la fondation de la colonie de Jamestown, en Virginie. Il décrit une femelle comme un animal à tête de chien et queue de rat, de la taille d'un chat, portant sous son ventre un sac dans lequel elle abrite et allaite ses petits.

Les Indiens, eux, connaissaient l'opossum depuis longtemps puisque les appellations d'« opossum » et de« sarigue » sont dérivées des noms donnés à cet animal par les Indiens d'Amérique du Nord, pour le premier, et d'Amazonie, pour le second. C'est au grand naturaliste suédois Linné que l'on doit le nom latin de Didelphis. Il signifie « deux utérus » et fait référence à la poche marsupiale. Le nom d'espèce, virginiana, créé par un zoologiste anglais, Robert Kerr, en 1792, rappelle tout simplement la région où cet animal a été découvert.

La chasse à l'opossum

Chassé systématiquement par les fermiers qui l'accusent de manger leurs poulets, l'opossum est aussi le gibier de chasses traditionnelles dans le sud des États-Unis. Celles-ci se pratiquent la nuit, en groupe, avec des chiens. Après leur avoir fait sentir une peau d'opossum, les chasseurs lâchent les chiens et les suivent de loin, guidés par les aboiements. Dès qu'ils ont immobilisé un opossum, le plus souvent réfugié sur un arbre ou dans un terrier, les chiens avertissent les chasseurs en poussant un cri particulier pour lequel ils ont été tout spécialement dressés.

Une fois attrapé, l'opossum finit en pelisse ou en ragoût. Fort appréciée dans le sud des États-Unis, sa viande a la réputation d'avoir bon goût, à condition de ne pas oublier d'enlever les glandes à musc périanales avant de la cuisiner.

Mais, plus que pour leur viande, c'est surtout pour leur fourrure que les opossums sont poursuivis depuis toujours. Ils ont été chassés massivement, au fusil ou au piège, au point que, dans les années 1940, plus de deux millions de peaux étaient vendues !

Après un déclin jusqu'en 1970 (de 100 000 à 300 000 peaux commercialisées annuellement), cette activité connaît un regain rapide, parallèlement à l'augmentation du prix des peaux. Sans excès toutefois, car, n'étant pas considérées comme un produit de luxe, elles restent bon marché et sont souvent taillées et teintes pour imiter des fourrures plus chères. La plupart des espèces d'opossums ne sont pas menacées et la situation de certaines d'entre elles, considérées comme vulnérables dans les années 1990, s'est améliorée. Seule Marmosops handleyi, restreinte à la région d'Antioquia, en Colombie, est « en danger critique d'extinction ».