moufette

Moufette
Moufette

Pour mettre en fuite leurs ennemis, il y a des milliers d'années, les ancêtres des moufettes devaient déjà les arroser du jet de liquide à l'odeur nauséabonde si caractéristique de ces élégants petits animaux à la fourrure noir et blanc.

Introduction

Aussi connues sous leur autre nom de sconses, les moufettes sont américaines. Pendant longtemps, elles ont été classées parmi les mustélidés (avec les putois, les loutres, les belettes, les blaireaux…), mais, depuis la fin des années 1990, elles sont considérées comme constituant une famille à part entière : les méphitidés. . L'histoire de cette lignée, totalement inconnue en Eurasie, est exclusivement américaine. C'est de la fin du miocène, il y a environ 10 millions d'années, que les paléontologues datent les plus anciens genres connus de moufettes, Pliogale et Martinogale. Celles-ci, aujourd'hui disparues, résultent elles-mêmes d'une évolution déjà longue, mais dont on ne sait rien encore. Elles ont été découvertes sur le site fossilifère d'Edson, au Kansas (États-Unis).

Aujourd'hui, les moufettes appartiennent à trois genres (Mephitis, Spilogale, Conepatus) qui existaient déjà au pliocène. Des restes plus récents de Mephitis et de Spilogale ont été retrouvés parmi l'extraordinaire faune fossile du site de Rancho La Brea, proche de Los Angeles, en Californie. Là, dans de vastes marais bitumineux, pièges inexorables, des millions d'animaux se sont noyés ou ont été ensevelis vivants durant le pléistocène et même à une époque plus récente encore. Le gisement pétrolifère de Salt Lake est vraisemblablement à l'origine de ces affleurements de bitume qui piégèrent aussi bien des mammouths que des moufettes. Plus de un milliard d'ossements de mammifères du quaternaire ont déjà été extraits de ce site prodigieux.

Mephitis et Spilogale comptent respectivement 2 et 4 espèces, présentes en Amérique du Nord et en Amérique centrale, du Canada au Costa Rica. Ce sont les moufettes tachetées (Spilogale putorius) et rayées (Mephitis mephitis) qui sont les mieux connues. En ce qui concerne le genre Conepatus, on admet 5 espèces, réparties depuis l'extrême sud des États-Unis jusqu'au détroit de Magellan. Ce sont les moufettes à nez de cochon. Toutes sont habillées de noir et de blanc et dissimulent sous le panache de leur queue un même système de défense dont l'odeur est inoubliable.

La vie de la moufette

Un animal nonchalant mais organisé

Plutôt casanières, les moufettes ne commencent à s'activer que peu avant le crépuscule. Elles se rendent directement sur les lieux où elles s'alimentent, à quelques centaines de mètres à peine du gîte où elles se sont reposées toute la journée. Des parcours de 400 à 800 m correspondent aux déplacements alimentaires normaux des mâles adultes. Les femelles font des trajets encore plus courts. À l'exception de la saison des amours, où le mâle peut faire l'effort de parcourir, en une nuit, jusqu'à 2,5 km à la recherche d'une partenaire, les moufettes arpentent peu leur territoire et y vivent en solitaires.

Un peu plus grand, un peu plus lourd que la femelle, le mâle occupe aussi un territoire un peu plus vaste. Le domaine moyen d'une femelle est de l'ordre de 200 ha. Le domaine habité par un mâle recouvre, en partie ou en totalité, les domaines de plusieurs femelles. Mais chaque mâle respecte l'espace du mâle ou des mâles voisins.

La densité en moufettes est rarement élevée, de 0,7 à 1,2 individu au km2, au Canada, dans la province de l'Alberta. Pour tout le continent américain, les extrêmes seraient compris entre 0,4 et 27 moufettes au kilomètre carré.

La défense du territoire

La défense du territoire



Se sentant menacée, la moufette fait d'abord face. La mimique de dissuasion débute par une série de signaux visuels et sonores. Elle fait le gros dos, dresse sa queue à la verticale, piétine sur ses pattes antérieures et avance parfois ainsi de quelques pas. En même temps, elle claque des dents, grogne ou siffle. Puis, elle se prépare à projeter son liquide défensif. Pour cela, elle oriente son arrière-train et sa tête vers l'ennemi en courbant son corps. Ensuite, elle vaporise sur l'intrus un nuage de fines gouttelettes qui dégage une odeur sans pareille. Jusqu'à 3 m de distance, elle rate rarement sa cible et le jet reste assez précis jusqu'à 5 m.

Le liquide est un alcool sulfuré qui, sur les yeux, provoque une brûlure intense. Cependant, le musc n'a pas d'effet permanent et ne laisse pas de séquelles.

Des horaires réguliers

Les rythmes de l'activité quotidienne sont réguliers. Les études du biologiste américain B. J. Verts, réalisées dès le milieu des années 1960 (The Biology of the Striped Skunk, 1967) dans l'Illinois, servent toujours de référence pour le comportement de la moufette rayée. Elles ont montré que les jeunes animaux commencent à sortir de leur gîte entre 18 et 19 h, d'août à octobre, et qu'ils y retournent entre 5 et 6 h du matin, mais que, pendant les nuits froides d'automne, ces sorties nocturnes n'excèdent pas une durée de quatre heures.

Durant le froid hivernal, les moufettes peuvent demeurer plusieurs jours d'affilée dans leur abri, mais, si le froid ralentit leur activité, il ne s'agit pas à proprement parler d'hibernation. Dans l'Iowa, on a vu des moufettes sortir en janvier par – 16,8 °C et en février par – 12,7 °C. Ce sont les femelles qui se maintiennent plus volontiers à l'abri l'hiver.

Mais la moufette n'aime pas non plus les grandes chaleurs.

Un rythme tranquille

La moufette se déplace toujours avec nonchalance. Apparemment sûre d'elle, elle ne se départit jamais de son calme, au point que certains observateurs la qualifient de « lymphatique ». À l'occasion, elle peut galoper à 14 km/h, mais cela lui arrive assez rarement et jamais sur de longues distances. De même, ce petit mammifère sait nager, mais ne se baigne pas souvent spontanément.

Un régime alimentaire adapté aux saisons

Les moufettes ne sont pas équipées pour maîtriser de grosses proies ou pour capturer à la course des animaux rapides comme les lièvres et les oiseaux. Aussi chasse-t-elle de petits invertébrés (vers de terre, insectes, escargots, araignées), des rongeurs, des musaraignes ou des grenouilles, des lézards, des écrevisses. À l'occasion, un levraut est capturé. Et la moufette ne dédaigne ni les œufs ni les cadavres d'animaux.

Son régime alimentaire n'est pas uniquement carnivore. La moufette apprécie, à partir de l'été, les baies et les fruits sauvages. Du printemps au début de l'été, son alimentation est surtout animale, puis elle passe aux végétaux. En automne, les fruits, les graines, les herbes et les feuilles remplacent en quantité les insectes, devenus plus rares avec le froid.

Dans le Maryland, aux États-Unis, le pourcentage des animaux dans le menu varie de 60 à 90 % selon la saison.

La moufette chasse le soir et la nuit, utilisant l'odorat et l'ouïe pour repérer ses proies. Du nez, elle fouille le sol et les feuilles mortes, retournant les pierres et les écorces de ses pattes avant. Pour surprendre un campagnol dont elle a détecté la présence, elle s'aplatit sur le sol avant de bondir sur le petit rongeur. Les nuits d'été, lorsqu'elle chasse les sauterelles et les coléoptères dans les prairies, elle saute et retombe des deux pattes antérieures sur ses victimes. Les chenilles urticantes et les crapauds à peau toxique sont roulés sur le sol pour en arracher les poils ou la peau, puis consommés aussitôt, comme les autres proies. La moufette visite aussi leurs excréments pour y capturer les insectes coprophages venus s'en nourrir.

Elle attaque les ruches, sauvages ou domestiques, consommant indifféremment le miel, les larves et les abeilles, sans que les piqûres des insectes dérangés semblent l'incommoder outre mesure.

La moufette rayée apprécie les œufs. Pour les ouvrir, elle les saisit avec ses pattes antérieures et les lance entre ses pattes postérieures dans l'espoir de les casser sur un objet dur. On retrouve ce geste chez des mangoustes africaines.

Un menu saisonnier

Un menu saisonnier



Une étude menée au Canada montre qu'en automne et en hiver, les baies et les fruits sauvages, les graines (noix, maïs), les herbes, les feuilles, les bourgeons représentent près de la moitié du menu : 48,8 %. Au printemps et en été, les insectes (sauterelles, hannetons) apparaissent. En y ajoutant les petits mammifères, le régime devient majoritairement carnivore pour près de 60 %.

Des terriers abandonnés pour ses quartiers d'hiver

Rayées ou tachetées, les moufettes utilisent régulièrement des terriers, soit pour le repos diurne, soit pour l'élevage des jeunes, en hiver ou pendant les phases d'inactivité des populations les plus septentrionales.

Elles les creusent rarement elles-mêmes. Le plus souvent, elles profitent des troncs creux, des anfractuosités sous les blocs rocheux, des tas de bois, des souches d'arbres renversés, des éboulis, des buses de drainage, des haies denses et des buissons épais. Elles savent aussi s'aménager des nids d'herbes sèches. Ou encore, elles occupent des terriers creusés par d'autres. La moufette rayée (Mephitis mephitis) s'approprie ainsi les terriers d'animaux assez gros comme les tatous à neuf bandes, les blaireaux, les marmottes monax ou les renards. En zone rurale, elle s'installe aussi bien dans les granges peu fréquentées que dans les caves, les souterrains, voire les soubassements des maisons.

La moufette tachetée (Spilogale putorius) se rencontre fréquemment dans des terriers habités par la belette à longue queue (Mustela frenata). Dans le nord de l'Iowa, aux États-Unis, ces deux espèces occupent le même milieu : la Prairie. Le plus souvent, les galeries ont été creusées par des rongeurs souterrains comme l'écureuil terrestre de Franklin ou le gaufre à poches, étonnante petite bête dont les abajoues valent bien celles des hamsters. Le domaine vital de la moufette tachetée comporte un certain nombre de cachettes que l'animal utilise au hasard de ses déplacements, seul ou en partageant les lieux avec des congénères. Cependant, les femelles et leur progéniture s'isolent pendant toute la durée d'élevage des petits.

Plusieurs femelles pour un seul mâle

Pour l'emplacement du terrier, la moufette choisit une pente bien drainée, de 5 à 10 % ou plus, mais elle évite soigneusement les zones inondables.

S'il faut creuser, elle le fera. Ses galeries, de 2 à 6 m de long, sont à 1 m de profondeur. Les terriers d'été, eux, ne descendent pas à plus de 50 cm. Les chambres de repos mesurent entre 30 et 40 cm de diamètre et les ouvertures des galeries, 20 cm. Pour un même terrier, il peut y avoir jusqu'à 5 ouvertures. Les chambres, au fond des galeries, sont garnies de feuilles mortes et d'herbes sèches. Si la température décroît et que les animaux s'apprêtent à rester à l'abri plusieurs jours de suite, cette litière est utilisée pour obturer le terrier de l'intérieur.

Seule la moufette rayée présente un comportement voisin de l'hibernation. Le phénomène est nettement plus marqué chez les femelles et les jeunes que chez les mâles adultes, il ne s'observe que parmi les populations les plus septentrionales, et son importance dépend de la rigueur de l'hiver. Pendant les grands froids, les moufettes tachetées du nord des États-Unis et du Canada peuvent rester quelques jours inactives, mais jamais aussi longtemps que les moufettes rayées, qui restent au nid et dorment parfois 75 ou 100 jours d'affilée.

C'est en hiver que les moufettes sont les plus sociables. Elles se rassemblent pour dormir. Ainsi, on trouve en moyenne 6 ou 7 moufettes par nid et un mâle adulte pour 5 à 8 femelles. Dans le même terrier, mais dans des chambres différentes, s'installent parfois des marmottes monax et des lapins à queue blanche.

Des bébés rose, noir et blanc

Près de onze mois par an, les mâles ne s'intéressent pas aux femelles. La saison des amours chez les moufettes s'échelonne de la mi-février à la mi-avril, mais la plupart des femelles sont fécondées avant la fin du mois de mars.

Les animaux sont matures dès l'âge de 9 mois. Toute la population se reproduit donc dès la première année. Au début de l'année, les mâles, assez excités, passent leurs nuits à arpenter leur domaine et à rechercher les femelles, inspectant tous les gîtes. Tant qu'elles ne sont pas fécondées,  les femelles acceptent les avances des mâles. Les comportements prénuptiaux semblent réduits et l'accouplement est simple. Toutefois, les moufettes sont discrètes et on les connaît mal dans la nature.

À la fin de mars, après les accouplements, les mâles ne se préoccupent plus de leurs compagnes. Pendant la gestation, qui peut durer de 59 à 77 jours et plus généralement de 62 à 66 jours, la femelle vit sur son territoire. Ses petits naissent dans un gîte en mai ou juin. La portée compte généralement de 5 à 7 nouveau-nés, et il semble qu'il n'y en ait qu'une par an dans la grande majorité des cas. Toutefois, on a observé, en captivité, une femelle qui a mis au monde deux portées la même année, l'une le 16 mai, l'autre le 28 juillet. Le phénomène existe probablement dans la nature sans être fréquent. Si la première portée disparaît, une portée de remplacement est possible, mais cela nécessite un retour des chaleurs chez la femelle et la présence de mâles sexuellement actifs.

Un développement rapide

À la naissance, les jeunes sont aveugles et roses. Déjà apparaît une fine fourrure sur laquelle se devinent des taches blanches et noires. Le nouveau-né pèse environ 30 g et mesure 13 cm en moyenne, et sa croissance est rapide. Ses yeux s'ouvrent entre 2 et 4 semaines, et ce n'est qu'à partir de ce moment-là que le jeune est apte à utiliser ses glandes anales pour se défendre.

Tous les deux ou trois jours, la femelle change ses petits de gîte en les transportant dans sa gueule, sans doute pour éviter l'accumulation des odeurs fortes à un moment où les jeunes sont très vulnérables.

La mère commence par allaiter ses jeunes en s'allongeant au-dessus d'eux. Plus tard, elle se couche sur le flanc. Elle porte de 10 à 14 mamelles, mais le nombre le plus courant est 12. Le sevrage intervient entre la 8e et la 10e semaine. Dès le 2e mois, les petits suivent la mère dans la recherche nocturne de nourriture. Très souvent, la famille circule en file indienne. À l'automne, les jeunes se dispersent et entament une vie solitaire, même s'ils se retrouvent quelques mois plus tard pour partager un terrier hivernal.

Pour tout savoir sur la moufette

Moufette rayée (Mephitis mephitis)

La moufette rayée peut faire penser à un chat domestique, dont elle a à peu près la taille. Mais sa tête est plus triangulaire, sa truffe plus proéminente et sa queue nettement touffue.

Son pelage comprend deux types de poils. Les poils de duvet sont très doux et mesurent de 25 à 30 mm. Les poils de jarre, brillants, nettement plus longs, mesurent de 38 à 76 mm. À la base, les poils noirs sont gris foncé, c'est leur extrémité qui est noire. Au contraire, les poils blancs le sont entièrement et, souvent, dépassent en longueur les poils noirs avoisinants.

La couleur de la peau est liée à la couleur des poils. Sous les poils blancs, la peau est rose. Sous les poils noirs, elle est grise.

La queue en panache est très caractéristique. Son attache se fait sur une croupe assez large. Sa couleur dépend du pourcentage variable de poils blancs dans les poils noirs. Le rôle de signal de la queue est bien connu. Quand la moufette la dresse, découvrant ainsi l'ouverture de son anus, le message est clair. Quelle que soit l'espèce, ce langage est universel chez les moufettes.

La mue a été décrite par le zoologiste américain B.J. Verts qui a étudié la moufette rayée dans l'Illinois. Elle a toujours lieu de l'avant du corps vers l'arrière et débute en avril. Les poils de duvet, ou bourre, se détachent par touffes à partir des épaules pour terminer au bas du dos. Les poils de jarre, eux, commencent à tomber en juillet. La mue est complètement achevée en septembre.

Essentiellement nocturne, la moufette n'a sans doute pas une vue excellente. Assez petits, ses yeux noirs et expressifs sont dépourvus de la 3e paupière commune aux carnivores, la membrane nictitante.

Inversement, l'odorat et l'ouïe sont mieux développés. Petites et arrondies, les oreilles se dissimulent dans le pelage noir de la tête. Mais l'ouïe est sûrement fine, car la recherche nocturne des proies s'effectue en partie à l'oreille.

La moufette rayée émet des sons variés : grognements, grondements, sifflements, roucoulements, soufflements, petits cris aigus. Les jeunes paraissent, en captivité tout au moins, plus bruyants que les adultes. Une femelle suitée ou en fin de gestation souffle et réagit vivement au moindre dérangement. Toutes les moufettes avertissent en grognant ou en claquant des dents avant d'envoyer leur jet de musc !

La marche est l'allure normale de la moufette qui se déplace tranquillement à 1,6 km/h. Elle est pourtant capable de courir assez vite. Ainsi, deux animaux chronométrés à la course ont respectivement atteint 9,7 km/h sur 132,20 m et entre 13 et 14,5 km/h sur 91,40 mètres.

Les adultes sont exclusivement terrestres, mais les jeunes semblent capables de grimper un peu, et, bien qu'elles n'apprécient pas le bain, les moufettes nagent correctement. L'une d'elles a nagé plus de 7 h dans une eau à 23 °C.

Pour évaluer l'âge des moufettes, on mesure la taille des tétines, chez les femelles. Elles atteignent moins de 1 mm de long chez les jeunes et 2,5 mm de long pour 2 mm de diamètre chez les adultes. Pour les mâles, on mesure, chez les animaux morts, le baculum, autrement dit l'os du pénis. Chez des sujets de moins de 1 an, il ne dépasse pas 1,9 cm, alors qu'il atteint chez les adultes 2,3 cm. Dans la nature, la moufette vit en moyenne de 2 à 4 ans. Elle peut atteindre 10 ans.

          

MOUFETTE RAYÉE

Nom (genre, espèce) :

Mephitis mephitis

Famille :

Méphitidés      

Ordre :

Carnivores

Classe :

Mammifères

Identification :

Plantigrade ; pelage noir, deux lignes parallèles blanches tout le long du dos ; tête triangulaire avec ligne blanche médiane ; queue noir et blanc ; 2 glandes anales sécrétant un liquide nauséabond

Taille :

De 28 à 40 cm – plus queue de 18 à 40 cm

Poids :

De 1,8 à 4,5 kg

Répartition :

États-Unis, Mexique, Canada

Habitat :

Pratiquement l'ensemble des milieux naturels d'Amérique du Nord, sauf les plus extrêmes, jusqu'à 2 000 m d'altitude, voire 4 000 m dans les montagnes Rocheuses

Régime alimentaire :

Presque omnivore : invertébrés, rongeurs, fruits, graines

Structure sociale :

Relativement solitaire ; mâles polygames

Maturité sexuelle :

De 8 à 10 mois

Saison de reproduction :

Février-avril

Durée de gestation :

De 62 à 66 jours

Nombre de jeunes par portée :

De 1 à 10 ; moyenne de 5 à 7 ; parfois 2 portées par an

Poids à la naissance :

30 g

Effectifs, tendances :

Inconnus ; encore bien représentée sur l'ensemble de son aire de répartition

Statut :

Espèce chassée pour sa fourrure, mais appréciée par les agriculteurs d'Amérique du Nord, pour sa consommation d'insectes et de rongeurs qui menacent les récoltes. Aucune mesure de conservation particulière

 

Signes particuliers

Dents

Les moufettes ont une denture peu spécialisée qui comporte 34 dents. À la mâchoire supérieure, l'unique molaire (par demi-mâchoire) est plus grande en volume que la carnassière (la dernière prémolaire). Cela correspond au régime généraliste de la moufette, qui a des dents plutôt massives. La formule dentaire est 3/3 1/1 3/3 1/2.

Couleur

Sur la partie antérieure du corps, on remarque quelques taches blanches caractéristiques de l'espèce. La tache occipitale commence en haut du front, derrière les oreilles, et se prolonge en 2 lignes blanches en arrière des épaules, sur les côtés du dos. La ligne blanche qui parcourt le front est également caractéristique. On peut observer une tache blanche sur la poitrine. Certains animaux présentent aussi une ligne blanche sur la partie extérieure de chaque patte avant. D'autres, parfois dépourvus de lignes blanches sur le dos, sont entièrement noirs. Les albinos sont rarissimes.

Glandes anales

Chez la moufette, les glandes anales sont spécialisées en organes défensifs perfectionnés. Phénomène unique dans le monde animal, du moins chez les mammifères ! Chaque glande se termine par un court canal excréteur. En cas d'attaque, le muscle qui enserre la glande se contracte. Il fait ressortir à l'extérieur de l'anus ce canal qui devient alors papille. C'est par là que passera le liquide. Si les deux glandes sont utilisées en même temps, les deux jets se rejoignent à 30 cm de l'animal pour ne donner qu'un jet unique qui peut atteindre sa cible jusqu'à 5 m de distance. Dans les glandes anales, le musc a un aspect huileux, jaunâtre, phosphorescent, et l'odeur en est désagréable. Par bon vent, elle porte jusqu'à 2,5 kilomètres.

Pattes

La moufette est plantigrade, elle marche sur la plante des pieds. Chacun des 5 doigts de ses quatre pattes est prolongé par une griffe recourbée et bien développée. Les griffes de ses pattes antérieures mesurent environ 10 mm, le double des griffes des pattes postérieures. Les empreintes d'une moufette qui court sont très nettes. Celles des pattes avant sont rapprochées et les griffes sont visibles. Les traces laissées par les pattes arrière, de part et d'autre de celles des pattes avant, forment avec elles une ligne oblique. Lorsqu'elles creusent, les moufettes laissent de petits cratères très reconnaissables là où elles ont recherché des larves d'insectes.

Les autres moufettes

Si le découpage de la famille des méphitidés en 3 genres est reconnu par tous, un quatrième genre asiatique, Mydaus, est incertain et le nombre d'espèces présentes dans chaque genre est encore discuté, sauf dans le cas de Mephitis où les deux espèces semblent bien admises : Mephitis mephitis (13 sous-espèces) et Mephitis macroura (4 sous-espèces). Pour Spilogale, selon les auteurs, on parle de 2 ou 4 espèces et jusqu'à 18 sous-espèces. Pour le genre Conepatus, ou moufette à nez de cochon, on considère généralement 4 ou 5 différentes espèces, et jusqu'à 19 sous-espèces, mais l'ensemble des espèces sud-américaines est mal connu, ce qui explique bien des divergences. La seule autre espèce relativement bien connue, à côté de la moufette rayée, est la moufette tachetée, Spilogale putorius.

Moufette à capuchon (Mephitis macroura)

Plus frêle que la moufette rayée.

Identification : poids, 1 kg ; queue aussi longue que le corps ; présence d'une touffe de poils assez longs sur la nuque et le cou ; ligne blanche sur le dos et la base de la queue, non divisée en V comme chez la moufette rayée ; le dos peut être noir.

Répartition : États-Unis (Texas, Nouveau-Mexique, Arizona), Mexique, Nicaragua. Elle vit dans les zones semi-désertiques où elle fréquente plutôt les fonds de vallées humides ou les forêts au bord des cours d'eau permanents ; peut atteindre 2 000 m d'altitude.

Structure sociale inconnue. Reproduction voisine de celle de la moufette rayée. On connaît 2 captures de femelles qui portaient 3 et 5 embryons. Nombre de mamelles : 10.

Alimentation : insectes, larves de coléoptères recherchées près des zones cultivées, petits rongeurs.

Moufette tachetée (Spilogale putorius)

La plus petite des moufettes.

Identification : poids, 700 g (mâle) ; 450 g (femelle). Silhouette qui rappelle l'hermine ou la belette ; pelage noir de jais, large tache frontale blanche et 4 à 6 lignes plus ou moins régulières de taches blanches qui courent sur le dos et les flancs ; diverses taches blanches transversales (chaque animal possède son dessin) ; queue noire à bout blanc.

Répartition : présente au sud-ouest et au sud du Canada ; aux États-Unis ; au Mexique ; au Costa Rica. Considérée par certains auteurs comme polyspécifique, avec des noms différents selon les régions : Spilogale putorius proprement dit (est des États-Unis) ; Spilogale gracilis (ouest des États-Unis, Canada) ; Spilogale interrupta (Prairie du centre des États-Unis) ; Spilogale angustifrons (Amérique centrale, Mexique, Costa Rica) ; Spilogale pygmaea (côte pacifique du Mexique, de l'État de Sinaloa à celui d'Oaxaca, et le long d'une étroite frange littorale) est menacée par le développement touristique et a été classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) en 2008.

Plus souple que les autres moufettes, elle donne une impression de légèreté dans ses mouvements. Capable de grimper aux arbres et de s'y réfugier en cas de besoin, elle chasse surtout au sol, apprécie les paysages agricoles et s'installe régulièrement près des fermes.

Relativement sociale, elle semble vivre en petits groupes. Le domaine hivernal atteint 80 ha au Canada, mais, au printemps, les mâles peuvent patrouiller sur des domaines de 6 à 11 km2. Quand le milieu est propice, la densité atteint 4,7 individus au km2 (8,8 dans l'Iowa).

Reproduction particulière : accouplements en septembre-octobre, naissances en mai : de 210 à 230 jours de gestation. En réalité, l'implantation dans l'utérus de l'ovule fécondé a lieu en avril, de 180 à 200 jours après l'accouplement. De 3 à 6 jeunes par portée avec une moyenne de 4. Les populations d'Amérique centrale peuvent avoir 2 portées par an et donc une gestation plus courte. Les jeunes sont sevrés à 54 jours et ont pratiquement leur taille adulte à 3 mois.

Alimentation : insectes, œufs, petits mammifères, fruits pendant l'été. En hiver, elle se nourrit à 90 % de petits mammifères. Au printemps, surtout d'invertébrés. En été, l'importance des insectes augmente encore. Dans l'Iowa, le chercheur L. Selka a établi que la moufette tachetée consommait 2 fois moins d'insectes et 4 fois plus de micromammifères que Mephitis mephitis.

Moufette à nez de cochon (Genre conepatus)

5 espèces de grandes moufettes.

Identification : poids de 1 à 5 kg. Colorations variables : les 2 espèces septentrionales ont le dos et la queue blancs, les flancs et le ventre sont noirs. Les espèces méridionales ont un dessin dorsal qui rappelle celui de la moufette rayée. Jamais de tache blanche sur le front ; truffe longue et nue.

Conepatus leuconotus, présent le long des rives du golfe du Mexique, du Texas à l'État mexicain de Veracruz.

Conepatus mesoleucus vit à l'ouest de la précédente, de l'Arizona, du Colorado et du Texas au Nicaragua. Habite les zones relativement sèches. Consomme des insectes et des petits mammifères en hiver. Griffes des pattes antérieures : 20 mm, 3 fois la taille des griffes des pattes postérieures. Corps et queue blancs, pattes et tête noires.

Conepatus semistriatus, du Mexique au Pérou ; une population isolée à l'est du Brésil. Fréquente les clairières, les zones défrichées ou dégradées. Omnivore, consomme beaucoup d'insectes.

Conepatus humboldtii, du nord-est de l'Argentine et du Paraguay au détroit de Magellan.

Conepatus chinga, Pérou, nord-est de l'Argentine, sud du Brésil, Uruguay, Bolivie, Chili.

Milieu naturel et écologie

Du Canada au nord du Mexique, la moufette rayée occupe de nombreux milieux. Dans les montagnes Rocheuses, elle monte jusqu'à 4 000 m d'altitude. Cependant, on la rencontre rarement au-dessus de 2 000 m. Elle paraît apprécier les paysages ruraux contemporains, les haies, les limites de zones cultivées et les lisières des bois, riches en ressources alimentaires et en abris potentiels. On la rencontre aussi aux abords des habitations humaines, car elle tolère bien la proximité de l'homme. Lors de ses explorations nocturnes, elle n'hésite pas à visiter les jardins, même en zones urbaines, si les clôtures le permettent. La mise en culture d'une grande partie du continent nord-américain, semble, au moins temporairement, être favorable à l'espèce.

Peu de prédateurs

Sûres de la protection que leur assure la sécrétion de leurs glandes anales, les moufettes sont peu farouches et n'ont guère d'ennemis, ceux-ci étant plus accidentels que systématiques. Les carnivores attaquent les moufettes de temps à autre, mais il s'agit le plus souvent d'animaux affamés ou affaiblis. Le coyote, le renard roux, le renard gris, le blaireau, le lynx, le puma ne capturent pas régulièrement les moufettes. Après une première expérience douloureuse, le chien domestique les évite, en principe, soigneusement. Cependant, certains chiens persistent à les attaquer, se spécialisant même dans leur chasse. On ignore si certaines espèces sauvages peuvent faire de même.

Deux espèces animales font exception, ce sont le grand duc d'Amérique et la chouette rayée, qui capturent régulièrement des moufettes. Cela est sans doute dû au fait que ces rapaces nocturnes ont le goût peu délicat, puisqu'ils consomment, par exemple, les musaraignes que les petits carnivores évitent à cause de leur forte odeur musquée. Comme les moufettes s'activent la nuit, leur rencontre avec les hiboux et les chouettes est fréquente. Cette prédation reste, néanmoins, globalement faible. Pourtant, une femelle adulte tuée au printemps signe l'arrêt de mort de toute une portée ! L'hiver est également une période difficile.

Des variations de poids considérables

Si la neige se prolonge trop, les animaux meurent d'inanition au fond des terriers. Si un radoucissement précoce de la température les a chassés trop tôt de leurs abris profonds, ils sont à la merci d'un subit refroidissement dans leurs terriers d'été, plus superficiels. En automne, toutes les moufettes accumulent des réserves de graisse. La perte de poids entre l'été et le printemps suivant est nettement supérieure chez la femelle, au moins dans certaines régions. Le mâle, en effet, continue à s'alimenter une bonne partie de l'hiver.

En automne, une moufette bien grasse peut peser 5,5 kg, le poids normal dépassant rarement 4 kg et le poids moyen étant plutôt de 2,5 kg. On a enregistré les chutes de poids de moufettes habitant différents États. Dans l'État de New York, elles ont été de 13,8 % pour les mâles et de 38 % pour les femelles. Dans le Michigan, les pourcentages relevés ont été de 36,3 % et de 31,6 % ; dans l'Illinois de 47,7 % et de 55,1 % ; dans le Minnesota de 55 et de 65 %. Ces variations importantes s'expliquent par le climat propre à chaque région. Là où le froid est très rigoureux, les mâles maigrissent presque autant que les femelles. Les réserves de graisse accumulées doivent être importantes pour pouvoir perdre plus de la moitié de leur poids !

En revanche, dans le sud de leur aire de répartition, les moufettes rayées s'activent toute l'année. Au Texas, c'est plutôt la chaleur et la sécheresse estivales qui ralentissent leur rythme.

Un prédateur raisonnable

Dans l'ensemble, la prédation des moufettes sur les populations d'insectes et de rongeurs dont elles se nourrissent est bien acceptée, voire encouragée par les exploitants agricoles qui leur pardonnent aisément leurs rares visites dans les poulaillers et les ruchers. On sait qu'à l'occasion les moufettes consomment des levrauts et des nichées d'oiseaux comme les colins de Virginie et les faisans. Cependant, leur impact sur ces espèces est certainement bien inférieur à celui des intempéries. On a aussi décrit quelques attaques de moufettes dirigées contre les chats domestiques. C'est exceptionnel. Les moufettes se font plutôt remarquer en retournant consciencieusement les pelouses à la recherche des larves d'insectes cachées dessous.

Cette consommation importante d'insectes n'est pas sans danger pour les moufettes. L'agriculture utilise massivement des produits chimiques qui s'accumulent dans les tissus des proies. Les études de T. Scott sur les effets de la dieldrine sur la faune sauvage nord-américaine ont montré que les moufettes sont sensibles à ce produit. On ne connaît pas encore exactement l'impact des pesticides sur leurs populations, mais il contrebalance sans doute les conséquences positives de l'aménagement du paysage.

De nombreux parasites

Poux, puces et tiques semblent profiter de la phase de repos hivernal pour réaliser leurs cycles biologiques. La réunion de plusieurs moufettes dans le même terrier favorise certainement les échanges. À l'opposé, les parasites internes du tube digestif meurent de faim dans l'intestin vide des moufettes pendant la mauvaise saison. B. J. Verts a remarqué que, chez les moufettes de l'Illinois, le nombre de parasites continue à baisser en été et ne remonte qu'en automne. On explique mal ce phénomène, mais l'écologie des parasites est liée à celle de la moufette hôte. Les parasites déploient des stratégies pour se maintenir pendant que leurs hôtes ont des comportements qui font diminuer le taux d'infestation.

Les maladies bactériennes et virales des moufettes sont assez comparables à celles du chien domestique. La moufette est susceptible de contracter la maladie de Carré, due à un virus, la leptospirose, causée par une bactérie, et l'aspergillose, transmise par un champignon. Cette dernière maladie a été détectée sur des animaux qui avaient dû séjourner dans un silo à grains. Or, souvent les grains sont souillés par des spores d'Aspergillus. Le germe s'implante dans les poumons. On ignore encore les conséquences sur les populations de moufettes, mais par temps humide, celles-ci, nichant près des réserves de grains dans les fermes, ont toutes chances d'être contaminées, l'humidité étant un facteur favorable.

Des animaux plutôt appréciés

Les moufettes rayées interfèrent finalement assez peu avec les autres représentants de la faune nord-américaine.

Elles ont une écologie et une éthologie qui les font apprécier en Amérique du Nord. L'épi de maïs consommé, la couvée de faisans détruite sont peu de chose eu égard aux milliers de larves d'insectes éliminées. Dans pratiquement tous les États nord-américains, les moufettes rayées sont bien tolérées mais n'ont aucun statut officiel. Les habitants recherchent leur présence dès lors que la cohabitation permet de les voir… sans les sentir et certains même les élèvent bien que cela soit interdit car elles sont un vecteur de la rage !

Les autres moufettes

La moufette tachetée, plus petite et plus sauvage que sa grande cousine, lui ressemble cependant sur bon nombre de points. Quant à l'écologie des moufettes à nez de cochon, elle est peu connue. Les deux espèces qui atteignent le sud des États-Unis semblent actuellement étendre leur aire de répartition vers le nord. Leur long nez mobile paraît adapté à la recherche des insectes et de leurs larves dans les sols meubles. En zone tropicale, Conepatus semistriatus fouille le sol avec son nez et ses griffes, à la recherche des petits invertébrés. Se déplaçant, il consomme aussi des fruits et des petits vertébrés.

La moufette des Andes, Conepatus chinga, est très résistante aux venins de serpents. Elle supporte des doses de 50 à 100 fois supérieures à celles qui tueraient un chien. On observe la même résistance vis-à-vis des serpents indigènes chez tous les Conepatus sud-américains.

La moufette et l'homme

Un gentil animal célèbre pour son odeur

Source de nourriture pour les premiers occupants de l'Amérique, traquée pour sa fourrure, vecteur de la rage, la moufette est tout cela, mais cet affreux voisin qui empeste l'air de son odeur peut aussi s'apprivoiser pour devenir un charmant animal de compagnie.

Mythes et légendes autour de la moufette

La moufette joue un rôle important dans plusieurs mythes ou légendes des Indiens d'Amérique du Nord. Les Indiens Ojibwés du Canada racontent, par exemple, que c'est la moufette qui enseigna aux hommes la chasse, elle leur apprit à siffler pour attirer le gibier et leur montra comment construire des enclos et des pièges.

Un autre mythe des Ojibwés met en scène une moufette géante qui persécutait les autres animaux. Ces derniers se coalisèrent contre elle et réussirent à la terrasser. Mais, avant de mourir, la grande moufette lança un dernier jet maléfique qui aveugla le lynx Pejo.

Pour se désinfecter et retrouver la vue, Pejo dut aller jusqu'aux confins de la baie d'Hudson, voire même jusqu'au lac Winnipeg, selon une autre version. Les eaux du Canada auraient été ainsi définitivement polluées et seraient devenues impropres à la consommation. D'autres légendes tentent d'expliquer pourquoi ce si joli petit animal répand de si désagréables odeurs : vengeance d'un ennemi, malédiction ou accident ?

Un nom qui dit tout

Les Américains l'appellent skunk. Le mot existe aussi en français et peut s'écrire sconse. Il vient de l'algonquin segankw qui signifie « fourrure de moufette ». Les Canadiens français la nomment « bête puante », ce qui est à la fois précis et péjoratif, mais aussi moufette ou mouffette. Le mot, d'origine italienne, remonte au xviiie siècle et vient de mofette qui désigne un gaz nocif. En Amérique du Nord, les sconses sont aussi appelés polecats, autrement dit « putois ».

Une « vedette » de cinéma chassée pour sa fourrure

La fourrure des moufettes est utilisée depuis longtemps. Plusieurs milliers d'animaux sont capturés chaque année, au moment où leur fourrure est la plus dense. Les industriels distinguent plusieurs catégories. La catégorie 1, ou star (étoile), correspond aux animaux sans blanc sur le dos ou chez lesquels le blanc est limité à la tête et au cou. La catégorie 2 englobe les animaux chez lesquels le blanc ne dépasse pas la moitié de la longueur du corps. Elle s'appelle « ligne courte ». La catégorie 3, ou « ligne étroite », et la catégorie 4, ou « ligne large », sont nettement plus bicolores, mais les pelletiers soit en retirent les parties blanches, soit les teignent en noir. Solide, épaisse, soyeuse, la fourrure sert en confection. Les queues font des brosses. Ce commerce, difficile à chiffrer, est certainement une source de revenus non négligeable pour les populations vivant dans les parties les plus septentrionales de l'aire de répartition des moufettes, là où leur fourrure est la plus dense à cause du froid. Les colonies de moufettes sont gérées à ce titre pour assurer leur survie, tout en permettant des prélèvements raisonnables.

Au début du xxe siècle, des fermiers se lancèrent dans l'élevage des moufettes pour leur fourrure. Tous les essais furent réalisés avec la moufette rayée. La moufette tachetée est trop petite et le pelage des moufettes à nez de cochon est grossier et peu recherché. Cependant, ces tentatives avortèrent à cause du coût des investissements, de la valeur inférieure de la fourrure comparée à celles du castor et de la martre. La moufette a aussi joué un rôle dans l'alimentation humaine. Ce phénomène est fort ancien puisque l'étude des campements des premiers Amérindiens montre que ses restes y sont fréquents. Aujourd'hui, il arrive encore aux populations autochtones comme aux trappeurs de la manger. Sa chair est, paraît-il, savoureuse, quand elle est bien cuisinée ! Dans le célèbre dessin animé Bambi, de Walt Disney, le petit animal noir et blanc que le jeune faon appelle, en toute innocence « Fleur », et qui en rougit, est une moufette. Ce n'est pas le seul passage à l'écran du sconse si familier aux Américains. Tex Avery l'a utilisé plusieurs fois et de façon pertinente. La silhouette de la moufette et son pelage très graphique la rendent très photogénique et les particularités de ses glandes anales offrent quantités de scénarios possibles.

Sous le vent des moufettes

Dès 1929, le naturaliste canadien E.T. Seton cherche à décrire l'odeur des moufettes. « Réunissez de l'ammoniac fort, de l'essence d'ail et du soufre en combustion, ajoutez une partie de gaz d'égouts, un jet de vitriol et un soupçon d'essence de musc, mélangez le tout et concentrez-le mille fois. »

Comment se débarrasser d'un tel produit et de son odeur ? Pour les yeux, il faut les laver abondamment à l'eau tiède. La brûlure et la cécité ne sont que passagères et durent une quinzaine de minutes. Certains disent même que l'acuité visuelle s'en trouve renforcée. Pour la peau, il faut la laver avec une solution de chlore diluée. Restent les vêtements et les objets souillés. Un lavage à l'ammoniac ou à l'essence serait efficace. En forêt, il faut faire sécher les vêtements au-dessus d'un feu de genévrier ou de thuya. Au Canada, on prétend que le remède souverain serait un bain dans du jus de tomate. On croit aussi qu'une moufette capturée et soulevée par la queue ne peut lâcher son liquide, ce qui est faux.

Les travaux récents d'un chercheur californien, W. Wood, ont permis de mettre en évidence sept molécules dans le liquide émis par la moufette et de proposer une méthode scientifique de nettoyage. Certaines de ces molécules ont un effet retard. Le liquide se fixe fortement sur les fibres – cheveux, vêtements, fourrure – du sujet arrosé. Le coton est un excellent capteur et il est fortement déconseillé de porter des cotonnades si l'on veut taquiner des moufettes. Mieux que le jus de tomate, un savon légèrement alcalin serait de nature à séparer les molécules soufrées nauséabondes des cheveux ou des poils.

Aujourd'hui, on reconnaît un rôle positif aux moufettes. Les problèmes surgissent lorsqu'elles s'installent trop près des habitations ou directement dans les maisons. L'odeur s'accumule et les voisins commencent à se plaindre. La prévention est simple. Il suffit de construire sans laisser de passages sous les maisons. Si cela n'a pas été prévu, on bouche peu à peu tous les orifices et on ferme le dernier après la sortie des animaux. Au printemps, il faut attendre le sevrage des jeunes. Pour s'assurer du départ des indésirables, on répand de la farine devant la sortie et on guette l'apparition de traces révélant un départ. Les moufettes, paraît-il, n'apprécient pas les odeurs fortes ! En déposant 2 kg de boules de naphtaline ou de paradichlorobenzène dans leur terrier, on a des chances de les voir déménager. Cette méthode est pratiquée avec succès contre les fouines.

Il est possible, également, de déplacer soi-même les moufettes. Elles se laissent piéger assez facilement. Il suffit alors d'aller les relâcher dans une zone rurale où elles pourront exercer leurs talents de chasseresses de hannetons et de souris. Libérées à plus de 4 km de leur point de capture, elles n'y reviennent jamais.

Enfin, on peut prévoir des barrières anti-moufettes, notamment pour empêcher que celles-ci accèdent aux poulaillers.

Pour protéger sa pelouse, le plus simple est de l'entretenir afin d'éviter d'en faire des repaires à larves d'insectes dont se nourrissent les moufettes.

Les moufettes et la rage

La rage est une redoutable maladie virale transmise d'animal à animal ou d'animal à homme, par morsure. Le vecteur rabique varie. En Afrique et en Asie, c'est le chien ; en Europe, le renard ; en Amérique du Nord, la moufette.

Aux États-Unis, plus de la moitié des animaux sauvages répertoriés annuellement comme atteints de la rage sont des moufettes rayées. La moufette tachetée est moins souvent contaminée. La biologie des moufettes rayées explique en partie la propagation de la maladie. Au printemps, lors des accouplements, mâles et femelles se mordillent, et le virus peut se transmettre. La femelle risque de contaminer ses jeunes. En hiver, l'habitude de se rassembler dans des terriers communs favorise aussi la maladie. L'incubation dure plusieurs mois. La phase finale, dangereuse pour les autres, où le virus est présent dans la salive, peut s'étaler sur deux semaines avant la mort de l'animal malade. Cela explique la persistance de la rage dans la nature.

Les cas de contamination humaine directe par les moufettes sont rares. Les animaux domestiques sont contaminés, puis l'homme à son tour est atteint. Au début de la maladie, le comportement des animaux sauvages se modifie. La moufette oublie de vider ses glandes anales sur qui vient l'importuner. Une telle mansuétude est mauvais signe !