martre

Martre
Martre

Appartenant à une longue lignée de petits mammifères, les martres ont conservé plusieurs caractères primitifs de leurs ancêtres mustélidés. Leurs habitudes solitaires, leur faculté d'adaptation et leurs rares qualités de chasseurs ont sans doute contribué à les préserver de l'homme qu'attire la beauté de leur fourrure.

Introduction

La martre américaine est un des plus récents représentants d'une très vieille famille de mustélidés. Elle fait partie du genre Martes, comme ses cousines la martre européenne, la fouine, la zibeline, la martre à gorge jaune, la martre du Japon et le pékan. Les recherches paléontologiques ont montré que ce genre a hérité de nombreux caractères primitifs de certains mustélidés les plus anciens, très proches de la souche ancestrale des carnivores et qu'il remonte au miocène inférieur.

La plus ancienne espèce retrouvée qui appartienne à ce genre, Martes vetus, occupait déjà il y a quelque 2,5 millions d'années les vastes forêts du Gondwana, le continent primitif. Sa filiation directe avec la plupart des martres contemporaines est établie. En revanche, sa parenté avec la fouine est beaucoup moins sûre.

Habitant, elle aussi, les régions forestières, Martes martes, la martre européenne, apparut en Europe centrale au milieu du pléistocène, il y a environ un million d'années, et peu à peu étendit son aire de répartition vers l'Europe de l'Ouest et l'Angleterre. Vers l'est, elle dut s'adapter à de nouvelles conditions de vie et devint Martes zibellina, la zibeline, au-delà des monts de l'Oural, puis Martes melampus au Japon.

Il semble que cette martre du Japon soit à l'origine de l'espèce américaine. Quittant l'Asie, elle arriva, par le détroit de Béring, en Amérique du Nord, au début de la phase glaciaire (environ 60 000 ans). Les premières populations de Martes americana vivaient dans l'ouest du continent nord-américain à la fin du pléistocène, il y a 40 000 ans. Au cours de migrations, l'espèce peupla d'abord le Canada et progressa vers la côte est, puis, après la dernière glaciation, s'étendit vers le sud, par la côte atlantique, d'une part, et occupa le nord des États-Unis, les montagnes Rocheuses et la sierra Nevada, d'autre part.

Au cours de ces colonisations successives, le genre Martes est resté très homogène, les diverses espèces présentant un aspect et une morphologie semblables. Toutes ont été recherchées par l'homme pour leur fourrure. Ces prélèvements et la dégradation de leur environnement de prédilection, les forêts, ont conduit les populations de martres vers le déclin, en particulier au nord des États-Unis, partie la plus méridionale de leur aire de répartition.

La vie des martres

Un petit carnivore qui aime aussi les fruits

Malgré son apparence, la martre américaine, comme la martre européenne, est un redoutable prédateur, au menu diversifié. En hiver, les rongeurs constituent l'essentiel de ses repas. Dès que le jour décline, la martre explore intensivement son domaine à la recherche de campagnols, de souris et de mulots. Nocturne et solitaire, elle suit leurs traces, se place à l'affût près de leur gîte ou sur un « perchoir d'attaque », et n'hésite pas à creuser le sol pour agrandir leur terrier et les saisir.

S'adaptant aux circonstances, elle choisit ses proies parmi les espèces faciles à attraper et qui se trouvent en assez grand nombre pour satisfaire son appétit. Le campagnol à dos roux, Clethrionomys gapperi, espèce dont les populations sont les plus stables, reste son aliment de base. Les lapins et les écureuils, bien que dans des proportions plus modestes, sont aussi fort appréciés par la martre, qui capture également, à l'occasion, des chauves-souris.

Le petit mustélidé ne dédaigne pas non plus les charognes, comme en témoignent les poils de chevreuil ou de renard ainsi que ceux d'autres grands mammifères retrouvés dans ses fèces. Les oiseaux et leurs œufs entrent pour une bonne part dans le régime de la martre à la fin de l'hiver et au début du printemps, au moment où ils sont le plus accessibles et quand les campagnols sont moins abondants sur les zones explorées.

Pommes et baies en été

En été, les phases de repos se font plus rares et la martre s'active aussi durant la journée. Mais les rongeurs sont moins faciles à attraper, et la martre se tourne donc vers les végétaux. Là encore, elle s'adapte et se nourrit en grande partie de fruits, de baies, de plantes forestières, au fur et à mesure qu'ils apparaissent, partant à la cueillette des pommes sauvages, mûres, cerises et autres prunelles charnues. Ses crottes, plus abondantes, contiennent alors des noyaux ou des pelures de fruits et dégagent une odeur fruitée qui les distingue de celles des autres mammifères.

Des gîtes précaires et peu aménagés

Animal solitaire, la martre organise son activité sur un territoire dont la superficie varie dans le temps et selon le sexe. Le domaine vital annuel, de 200 à 500 ha pour la femelle, peut atteindre 2 000 ha pour le mâle. De telles étendues sont difficiles à défendre pour un animal qui vit seul. Aussi, il en matérialise les limites et marque bien sa propriété, en y déposant régulièrement des traces odorantes (fèces, émissions d'urine et sécrétions glandulaires). Ces « balises » sont autant de cartes d'identité de l'occupant des lieux, laissées en manière d'avertissements envers ses congénères de même sexe.

L'organisation territoriale des populations de martres semble en effet très précise : les territoires de mâles présentent peu de zones de recouvrement. En revanche, ils peuvent englober plusieurs territoires de femelles, qui, elles, possèdent souvent des domaines juxtaposés, dont le chevauchement peut même être important. Dans ce cas, les zones communes sont explorées à des moments différents, chaque femelle résidant sur une portion de territoire dont l'emplacement varie.

Une organisation rythmée par les saisons

L'aire d'exploitation est la zone où l'activité de l'animal est concentrée pendant une courte période. Le domaine vital annuel d'une martre regroupe plusieurs aires d'exploitation ; il est très étendu dans les régions où l'animal doit effectuer de longs déplacements pour trouver une nourriture rare.

De la même façon que la martre exploite son milieu différemment selon les saisons, elle adapte également son rythme d'activité. Celle-ci est minimale en hiver, s'adaptant ainsi à une réduction du métabolisme, puis augmente progressivement jusqu'en été. Ainsi, la martre, qui chasse habituellement de nuit et au crépuscule pendant toute la saison froide, présente une activité diurne de juin à octobre. La disponibilité des proies est, ici aussi, un des facteurs qui influent le plus sur le rythme d'activité de l'animal ; celui-ci va même jusqu'à calquer ses horaires sur celui des sorties de ses victimes.

Des abris pour se reposer

Sur leur vaste domaine, les martres disposent de plusieurs gîtes, qu'elles choisissent de préférence un peu en hauteur, dans les arbres : quelques-uns sont ainsi destinés à les protéger des intempéries pendant leurs phases de repos qui, si les conditions climatiques sont très mauvaises, peuvent durer plusieurs jours. Le gîte de mise-bas est choisi également en fonction de la protection qu'il offre contre d'éventuels prédateurs. Situé dans une zone où la nourriture est abondante, il est aménagé et occupé pendant plusieurs semaines. La femelle y retourne de nombreuses fois au cours de ses phases d'activité.

Mais la plupart des gîtes de la martre sont précaires et sans aménagement. Ces lieux de repos ne sont occupés qu'une seule fois et pour quelques heures. Ils présentent peu de caractéristiques communes et sont établis le plus souvent dans la cavité d'un tronc d'arbre, sur un amas de lierre, dans un nid d'oiseaux abandonné (ou pillé !). En hiver, dans les régions enneigées, les martres gîtent au sol dans des pierriers, sous des petits arbres ou sous la neige.

Une agilité remarquable

Parfaitement à l'aise dans les forêts où elle vit, la martre est, de tous les membres de la famille des mustélidés, celui qui fait preuve de la plus grande agilité dans les arbres. Son corps élancé et ses larges pattes munies de griffes semi-rétractiles sont des atouts essentiels pour un grimpeur et lui permettent de se déplacer avec une habileté remarquable. Sautant de branche en branche, la martre se déplace avec grâce et utilise sa longue queue touffue comme balancier. Un tel comportement arboricole naturel est déterminant dans les habitudes alimentaires et sociales de ce chasseur. Ses talents d'équilibriste font merveille lors de la poursuite des proies ou pour la cueillette des fruits et des baies.

La martre se déplace aussi beaucoup plus rapidement d'un point à l'autre de son domaine lorsqu'elle choisit d'emprunter des trajets dans les arbres ; ceux-ci lui offrent également de nombreuses possibilités de gîte. Cette rapidité et cette habileté lui permettent aussi d'échapper à ses propres prédateurs, terrestres pour la plupart, tels que renard, lynx ou coyote... Toutefois, en hiver, elle délaisse les lieux de repos élevés et les voies dans les arbres, préférant chasser au sol. Elle ne craint pas le froid grâce aux paumes très velues de ses pattes.

Environ trois mois pour devenir adultes

En juillet, au plus fort de l'été, le caractère plutôt agressif des martres s'adoucit très nettement. Ces animaux d'ordinaire solitaires et territoriaux deviennent, pour quelques semaines, plus sociables, et le marquage est plus fréquent. Faisant preuve d'une agitation certaine, les mâles augmentent considérablement leurs déplacements et prospectent les moindres recoins de leur domaine. À cette même période, les femelles ont leurs uniques chaleurs de l'année. Cette période de rut dure entre un mois et un mois et demi. La parade nuptiale qui précède tout accouplement peut se dérouler pendant presque 15 jours. Mais mâles et femelles sont polygames, et la femelle peut s'accoupler plusieurs fois dans la même journée, ou plusieurs fois pendant la période de reproduction, éventuellement avec des mâles différents. Ce sera d'ailleurs l'unique contribution des mâles à la reproduction, car la femelle restera seule pour mener à terme la gestation comme pour élever les petits.

Une longue attente

La durée de cette gestation s'étend sur huit à neuf mois. Mais l'embryon ne se développe pas durant toute cette période. En fait, les œufs, fécondés juste après le coït, sont, pendant six à sept mois, en phase de léthargie embryonnaire. Avec l'arrivée des beaux jours, les mécanismes physiologiques internes réactivent leur croissance ; les embryons se fixent alors à la muqueuse utérine : c'est le phénomène de nidation différée.

De un à sept petits (trois en moyenne) naissent environ 30 jours plus tard, en mars-avril, dans un gîte spécifique, souvent situé dans un arbre. Un mois et demi plus tard, quelques jours après la fin de l'allaitement, la femelle présente de nouveau un cycle de reproduction et peut s'accoupler l'été suivant.

Élevés en toute sécurité

Lorsqu'ils naissent, les petits sont aveugles et partiellement couverts de poils. Ils ne pèsent pas plus de 30 g, mais leur croissance ne tarde pas, grâce au lait maternel. À la fin du premier mois, leur système auditif et visuel est totalement fonctionnel, tandis que leurs dents de lait sont déjà toutes en place. La croissance est très rapide ; les jeunes mâles grossissent plus que les femelles. Dès qu'ils sont âgés de six semaines, les petits commencent à être actifs à l'entrée du gîte. Mais la coordination de leurs mouvements reste imparfaite. Pour éviter les accidents, leur mère préfère alors changer d'abri et les transporte, parfois sur plusieurs centaines de mètres, jusqu'à un gîte au sol.

À trois mois, les jeunes ont atteint leur taille d'adultes et se débrouillent seuls. Ils quitteront d'ailleurs leur mère à la fin de l'été ou au début de l'automne. Ils n'ont alors pas de domaine fixe et, quel que soit leur sexe, ils sont tolérés sur le territoire des autres martres adultes. Une fois matures, ils devront s'émanciper totalement et choisir leur domaine sur une zone non encore occupée, parfois distante de plusieurs dizaines de kilomètres. Là, les femelles pourront se reproduire dès leur deuxième année, la majorité des mâles n'atteignant la maturité sexuelle qu'à l'âge de trois ans.

La nidation différée

La nidation différée



À la suite de l'accouplement estival, les œufs fécondés commencent à se segmenter avant d'entrer en « sommeil ». Ce n'est qu'après six à sept longs mois, sous l'influence de mécanismes physiologiques internes, qu'ils vont se fixer dans l'utérus (nidation). L'embryon a ensuite une croissance rapide : 30 jours, en moyenne. Du point de vue écologique, la nidation différée est un avantage sélectif. Les jeunes, en venant au monde dès les premiers jours du printemps, sont mieux armés pour faire face aux rigueurs de l'hiver.

Pour tout savoir sur les martres

Martre américaine (Martes americana)

De la même taille qu'un petit chat domestique, la martre américaine arbore un corps plus allongé et un museau plus fin, qui accentuent sa silhouette élancée. Sa fourrure dense est composée d'un sous-poil long et de poils de jarre très fins. La teinte du pelage la plus fréquente est le « brun doré », avec les pattes et la queue plus foncées. Mais elle peut varier, passant pratiquement du noir au jaune, selon la région, les individus et les saisons. Ainsi, le manteau estival est souvent plus clair, à cause de la chute abondante des poils de jarre et du sous-poil. Cette chute démarre dès le mois de mars et donne un aspect rêche au pelage. La martre arbore sa plus belle fourrure au mois d'octobre, lorsque la repousse est complète.

Le pelage permet également de différencier le sexe des jeunes à la naissance. En effet, les mâles sont reconnaissables grâce à une petite arête de poils qui court du pénis à l'anus, et qui est absente chez les femelles. Par ailleurs, toutes les martres présentent, au niveau de la gorge et de la poitrine, une tache de teinte orangée, communément appelée « bavette ». Son dessin, d'une seule pièce parfois mouchetée, est spécifique à chaque individu. Ce signe distinctif permet aux biologistes de repérer et d'identifier chaque animal, à distance.

La martre américaine est également facilement reconnaissable à ses oreilles toutes rondes, placées haut sur la tête et bordées d'un fin liseré de fourrure blanche ; ces oreilles sont plus développées que chez les autres mustélidés. Et, avec ses yeux brun foncé aux pupilles rondes, qui encadrent son fin museau, elles donnent à la martre l'air d'être constamment en éveil. Chasseur très efficace, l'animal possède, dans une mâchoire puissante, une dentition de type carnivore : des canines pointues et des carnassières acérées. Dernier atout de ce redoutable prédateur, ses pattes musclées, munies de cinq doigts aux griffes semi-rétractiles, qui lui permettent de s'agripper aux branches ou de maintenir ses proies.

La martre se déplace avec rapidité, souplesse et agilité, d'une démarche de digitigrade (en appui sur les doigts), sa queue touffue lui servant de balancier lorsqu'elle saute de branche en branche. Elle montre aussi beaucoup d'adresse avec ses pattes, ainsi lorsqu'elle gobe un œuf en le maintenant délicatement entre ses membres antérieurs après l'avoir auparavant percé, avec ses dents, de deux orifices.

Chassant à l'affût, la martre se sert avant tout de la vue et de l'ouïe pour localiser mulots ou campagnols... L'odorat est utilisé préalablement pour dénicher les terriers et suivre les traces ou les pistes empruntées par les proies, ce qui permet de choisir la meilleure stratégie pour les capturer (affût, pillage de nids...). Ce sens joue aussi un rôle très important lors des activités de marquage et de balisage du domaine vital par défécation, émission d'urine et sécrétions de glandes. Pour ce faire, la martre possède notamment une zone glandulaire ventrale, dont l'action semble prédominante. Les dépôts olfactifs sont en fait un subtil mélange d'odeurs, caractéristiques de l'espèce et de l'individu, qui indiquent aux autres les limites à ne pas franchir. C'est pourquoi, après de fortes pluies ou des chutes de neige, on assiste à un marquage plus intense aux frontières du domaine. Ce rite est observé aussi bien par les mâles que par les femelles.

Mais, si les deux sexes se rejoignent ici par leur comportement, ils présentent de grandes différences morphologiques, qui peuvent être observées très tôt : dès la troisième semaine, les jeunes femelles ont un poids moindre de 15 à 20 %, écart qui se maintient jusqu'à l'âge adulte. De plus, au début de l'hiver, les mâles emmagasinent plus de réserves graisseuses que les femelles.

Mâles et femelles vivent séparément. Leurs retrouvailles, éphémères, ne durent que le temps de l'accouplement, mais suffisent à assurer la prospérité de l'espèce, dont les représentants peuvent rarement vivre plus de 15 ans dans la nature.

          

MARTRE AMÉRICAINE

Nom (genre, espèce) :

Martes americana

Famille :

Mustélidés

Ordre :

Carnivores

Classe :

Mammifères

Identification :

Silhouette élancée, pelage brun foncé ; larges oreilles rondes bordées de blanc, museau très fin ; gorge ornée de poils plus clairs en forme de bavette

Taille :

Mâles : tête et corps de 35 à 50 cm, queue de 10 à 20 cm ; les femelles ont entre 5 et 10 cm de moins

Poids :

De 0,7 kg à 1,4 kg (mâles) ; de 0,4 kg à 0,9 kg (femelles)

Répartition :

Amérique du Nord : d'ouest en est, de l'Alaska au Québec et au Maine  ; du nord au sud, de l'Alaska au nord de la Californie

Habitat :

Forêts de conifères, de préférence, ou mixtes (conifères et feuillus)

Régime alimentaire :

Omnivore

Structure sociale :

Solitaire et territoriale

Maturité sexuelle :

3 ans (mâles) ; 2 ans (femelles)

Saison de reproduction :

De fin juin à fin août

Durée de gestation :

De 8 à 9 mois (nidation différée de 6 à 7 mois)

Nombre de jeunes par portée :

De 1 à 6 ou 7 ; moyenne de 3

Poids à la naissance :

30 g

Durée de l'allaitement :

Environ 45 jours

Longévité :

De 12 à 15 ans dans la nature

Statut :

Chasse réglementée ; effectifs en régression aux États-Unis au sud et dans l'est de son aire de répartition

 

Signes particuliers

Glandes de marquage

Pour bien marquer son territoire, la martre dispose d'une paire de glandes anales et d'une zone glandulaire abdominale de 8 mm de diamètre située, antérieurement, à une dizaine de centimètres de l'anus. Les sécrétions ventrales odorantes semblent jouer un rôle prédominant lors du marquage. La martre a été fréquemment observée en train de frotter son ventre sur le site à baliser, les pattes repliées pour faciliter l'opération.

Pattes

D'une largeur de 3 à 4 cm, les pattes ont des paumes très velues, qui laissent dans la neige une trace informe surmontée des empreintes des cinq doigts et de celles, très peu marquées, des griffes semi-rétractiles.

Crâne et dentition

Le squelette de la tête est équilibré. L'arrière du crâne a un aspect globuleux. L'orbite est large, ce qui signifie que les muscles de la mâchoire sont très développés. Celle-ci est puissante ; elle présente des canines proéminentes et des carnassières acérées. La dentition, de 38 dents, se répartit en : I 3/3 ; C 1/1 ; PM 4/4 ; M 2/2. La présence de 4 prémolaires permet de différencier le genre Martes des autres mustélidés, comme le vison, qui n'en dispose que de trois.

Tête

La martre présente une tête très caractéristique : oreilles larges et arrondies, bordées de blanc, petits yeux ronds et museau fin terminé par des narines sombres, qui contrastent avec la teinte plus claire de la tête. L'ouïe et la vue sont prépondérantes chez ce prédateur nocturne : les oreilles sont nettement plus développées que chez les autres mustélidés et les yeux possèdent une rétine sensible aux basses lumières.

Les autres martres

La martre américaine est un des huit représentants du genre Martes, qui se rencontre sur tous les continents de l'hémisphère Nord. La martre américaine et la martre européenne colonisent même des régions proches du pôle, n'ayant comme limites que celles des forêts.

Le genre Martes est un genre homogène morphologiquement. La couleur du pelage diffère selon les espèces, les régions, les saisons et même les individus. Ces différences sont, en fait, les conséquences de la fragmentation de leur habitat due aux activités humaines, mais aussi celles de la compétition que se livrent les espèces dans les zones de recouvrement des aires de répartition.

Toutes les femelles de ce genre présentent au cours de leur gestation le phénomène de nidation différée.

Martre européenne (Martes martes)

Aussi appelée « martre commune ».

Identification : corps de 40 à 55 cm ; queue de 20 à 28 cm ; poids de 0,9 à 2 kg. Fourrure brune uniforme. Bavette bien marquée allant du beige clair au blanc-orangé. Museau fin, truffe noire. Pattes larges et velues. Gestation de 230 à 270 jours.

Répartition : massifs forestiers à dominante de conifères ou mixtes (conifères et feuillus). Dans toute l'Europe, îles Britanniques et Russie de l'Ouest comprises ; au sud, sur les pourtours de la Méditerranée et, au nord, jusqu'à la limite des zones forestières.

Comportement : semblable à celui de sa cousine américaine.

Alimentation : omnivore.

Effectifs : après avoir fortement décliné entre les années 1950 et les années 1980, la population s'est stabilisée et a augmenté dans certaines parties de son aire de répartition grâce au contrôle de la chasse. En Russie, on l'estime à 170 000 individus..

Statut : inscrite à l'annexe III de la Convention de Berne (espèces partiellement protégées) et à l'annexe V de la Directive Habitat (espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont le prélèvement dans la nature et l'exploitation sont susceptibles de faire l'objet de mesures de gestion)..

Fouine (Martes foina)

Identification : aspect plus trapu que celui de la martre européenne : corps de 43 à 55 cm et queue de 20 à 30 cm ; poids de 0,9 à 2,5 kg. Pelage gris terne (poils de jarre très dispersés, sous-poil gris). Petites oreilles plaquées sur la tête. Bavette bifide d'un « blanc sale », tombant largement sur les pattes antérieures. Dessous des pattes non velu. Gestation de 236 à 274 jours.

Répartition : milieux ouverts de préférence, forêt décidue, lisières, endroits ouverts rocheux, de préférence dans les zones de non-recouvrement avec la martre européenne. Péninsule ibérique, Italie jusqu'en Sicile, Grèce, France, Europe  centrale (de l'Allemagne au sud-ouest de la Russie), Balkans jusqu'en Turquie  avec des avancées jusqu'en Asie centrale, en Iran, en Inde, au Népal et en Chine. Absente de la Scandinavie, des îles Britanniques et de la plupart des îles de la Méditerranée.

Alimentation : omnivore à tendance carnivore.

Effectif : populations stables, voire croissantes dans certaines régions.

Statut : inscrite à l'annexe III de la Convention de Berne ; la population indienne est inscrite à l'annexe III de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) ; chassée pour sa fourrure en Inde et en Russie ; également pour sa chair dans certains pays ;  parfois classée « nuisible » comme vecteur de la rage.

Martre de Pennant, ou pékan (Martes pennanti)

Le plus grand des représentants du genre Martes.

Identification : corps de 47 à 78 cm de long et queue de 30 à 45 cm ; poids de 2 à 5 kg. Pelage brun foncé ; duvet doré sur la tête et les épaules. Tache variable de couleur crème au niveau de la gorge. Queue longue et touffue. Membres courts avec de larges pattes. Oreilles petites et rondes. Gestation de 327 à 358 jours.

Répartition : forêts denses de conifères et forêts mixtes. Amérique du Nord, surtout au Canada, d'est en ouest, sur une bande assez large du Québec à la Colombie britannique. Plus au sud : ouest des États-Unis, de l'Idaho à la Californie.

Comportement : concurrente de la martre américaine. Plus grande adaptabilité face aux dégradations du milieu. Chasse essentiellement au sol. Sensible aux baisses de disponibilité alimentaire, car son régime varie peu, quelle que soit la saison.

Alimentation : carnivore.

Effectifs : inconnus ; densité d'un individu pour 2,6 à 7,5 km2. Action de réintroduction et de restructuration de l'habitat dans le sud de son aire d'origine, le long de la côte pacifique à partir de la population de Colombie britannique.

Statut : espèce totalement protégée dans certaines régions à faible densité. Piégeage réglementé ailleurs.

Martre à gorge jaune (Martes flavigula)

Identification : aspect assez trapu : corps de 48 à 70 cm ; queue de 35 à 45 cm ; poids de 1 à 4,5 kg. Membres vigoureux au pelage foncé comme celui de la queue. Fourrure brun-jaune à brun-noir. Bavette claire. Tête très foncée avec le pelage qui forme comme un masque aux contours descendant légèrement en bordure de la bavette. Gestation de 172 à 190 jours.

Répartition : zones forestières de l'Asie centrale (de l'Inde à la Chine jusqu'au Shanxi) et du Sud-Est (de la Birmanie jusqu'aux îles de la Sonde, en Indonésie). Péninsule coréenne et nord-est de la Chine jusqu'au fleuve Amour.

Comportement : animal forestier aux mœurs terrestres.

Alimentation : omnivore.

Effectifs, statut : populations stables. Espèce en danger sur certaines îles ; espèce officiellement protégée en Birmanie, en Malaisie et en Chine (classée « quasi menacée » dans ce pays), inscrite à l'annexe III de la Cites pour les populations d'Inde et du Tibet.

Martre de l'Inde du Sud ou martre des monts Nilgiri (Martes gwatkinsii)

Auparavant considérée comme une sous-espèce de Martes flavigula

Répartition et statut : endémique des Ghats occidentaux (monts Nilgiri en particulier) ; forêts tropicales, décidues et de feuillus. Protégée dans des réserves. Habitat très fragmenté. Classée par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) dans la catégorie « vulnérable » depuis 1996 et inscrite à l'annexe III de la Cites.

Martre du Japon (Martes melampus)

Identification : semblable à la martre américaine : corps de 30 à 45 cm ; queue de 16 à 23 cm ; poids de 500 à 1 500 g. Pelage de brun-jaune à brun foncé. Bavette crème bien marquée.

Répartition : forêts de feuillus ; Japon et Corée.

Effectifs : inconnus. Populations stables mais menacées par le piégeage,  la déforestation et la pollution.

Zibeline (Martes zibellina)

Identification : corps de 33 à 40 cm de long et queue assez courte de 10 à 16 cm ; poids de 800 à 1 200 g. Bavette aux contours mal définis. Fourrure souvent brun foncé, longue et douce. Pattes très velues. Gestation de 253 à 297 jours.

Répartition : taïga (pins, sapins, mélèzes) et forêts de feuillus ; parfois marais boisés ; de la Russie à la Chine, des monts de l'Oural à travers la Sibérie jusqu'à la mer d'Okhotsk ; Mongolie, Japon (île de Hokkaido).

Comportement : chasse fréquemment le jour. Par grands froids, ne quitte pas son gîte.

Alimentation : omnivore ; poisson (saumon en particulier) vivant ou à l'état de cadavre.

Effectifs : abondantes au xviie siècle, les zibelines furent piégées à outrance. En 1917, il ne restait qu'une vingtaine de représentants regroupés dans la réserve du lac Baïkal. Grâce aux mesures draconiennes du gouvernement et aux campagnes de réintroduction, les populations auraient retrouvé, dans certaines régions, des densités permettant de nouveau les prélèvements. Population estimée à 6 000 individus en Chine.

Statut : chasse réglementée ; classée « en danger » en Chine.

Milieu naturel et écologie

Les vastes forêts de l'Amérique du Nord ont depuis toujours abrité les populations de martres américaines. L'aire de répartition de celles-ci s'étend, au nord, de l'Alaska au Labrador, sur toute l'étendue du territoire canadien et, au sud, vers la Californie, la sierra Nevada et les montagnes Rocheuses. Les grandes campagnes de piégeage et la destruction de leur habitat pour l'exploitation du bois et des forêts, menées entre 1800 et 1940, ont conduit à une régression importante des populations. Aujourd'hui, les mesures de protection, la réhabilitation de leur habitat et les programmes de réintroduction devraient permettre aux martres de recoloniser quelques zones du sud de leur aire d'origine.

Une préférence pour les forêts de sapins

L'environnement préféré de la martre est la forêt de conifères adultes ; c'est là qu'on l'observe encore le plus souvent. Cependant, la superficie des terres forestières non exploitées diminue sans cesse, et la martre doit s'adapter à d'autres milieux. Mais il s'agit toujours de forêts. Elle colonise ainsi de larges étendues de forêts mixtes (conifères et feuillus) à dominance de bois tendres (sapins, épicéas), alors que les plantations d'érables, de hêtres et de bouleaux (bois durs) ne sont fréquentées que lors de phases d'inspection. La martre montre bien une « préférence » pour les forêts de conifères, car, quelle que soit la superficie de celles-ci, leur fréquentation est élevée. Il existe cependant des variations saisonnières : ces zones sont plus peuplées en été et en hiver.

Deux raisons principales expliquent ce comportement : la grande diversité spécifique des rongeurs qui habitent ces sites et les multiples possibilités de gîtes protecteurs. La martre évite systématiquement tous les milieux ouverts, où elle n'effectue que de courts déplacements, sans s'y attarder, pour des phases de repos ou des actions de chasse. On ne la rencontre donc que très rarement à proximité des habitations, si ce n'est aux alentours des camps de bûcherons, des terrains de pique-nique ou... des dépotoirs.

Les déforestations fragmentent l'habitat des martres. Les études de E.C. Soutière, par radio pistage ont montré, par exemple, que les martres ont déserté pendant plus de un an une parcelle de forêt qui venait d'être exploitée par l'homme. S'il s'agit d'une « coupe à blanc », la zone déboisée devient un milieu ouvert, que les martres ne recoloniseront qu'une quinzaine d'années plus tard. Les observations de M. Grakovdémontrent que le nombre d'animaux se stabilise avec la régénération et le vieillissement des plantations. Il se pourrait également que certaines pratiques d'exploitation forestière se prêtent à la présence des martres. Ainsi, l'exploitation d'une région par petites coupes d'une vingtaine d'hectares, dans la mesure où demeure, autour des coupes, un habitat convenable, peut permettre à la martre de subsister.

Peu d'ennemis naturels

L'impact de ces diverses activités humaines et des campagnes de piégeage fait de l'homme le plus grand des dangers pour la martre. Celle-ci n'a pourtant que peu d'ennemis naturels. Son adresse pour grimper aux arbres lui permet souvent d'échapper aux prédateurs qui la guettent au sol. Le coyote (Canis latrans), le lynx (Lynx canadensis), le renard (Vulpes vulpes), le cougar (Puma concolor) sont friands de sa chair... lorsqu'ils peuvent s'en saisir ! D'autres dangers menacent aussi les martres et, cette fois, viennent des airs : il s'agit des rapaces, comme l'aigle royal (Aquila chrysaetos) ou le hibou (Bubo virginianus). Leur impact sur les populations de martres reste toutefois très faible, et les proies désignées sont le plus souvent des animaux âgés, malades, blessés, ou des jeunes.

Une âpre compétition pour la nourriture

Les populations de martres se régulent principalement en fonction de l'importance des ressources alimentaires. Leur quantité plus ou moins grande peut avoir une influence directe sur le nombre d'animaux, car elle entraîne une compétition acharnée au sein des populations de martres, mais aussi entre espèces différentes. Le pékan (Martes pennanti) peut ainsi être non seulement un prédateur occasionnel de la martre américaine mais aussi un redoutable concurrent par sa stratégie d'exploitation d'un habitat commun. Le manque de ressources alimentaires, surtout à la fin de l'hiver, entraîne naturellement la domination d'une espèce sur l'autre dans un milieu donné.

Ce problème alimentaire a également un impact à long terme sur les populations de martres américaines. En période de disette, les populations qui présentent habituellement un sex-ratio  équilibré, montrent ainsi une prédominance de mâles. Le nombre de femelles se réduit, car, d'un poids inférieur à celui des mâles, elles sont plus fragiles et subissent une forte mortalité. La capacité de reproduction se trouve ainsi affectée sur plusieurs années, les martres devant s'accommoder d'un âge de maturité élevé, d'un nombre de portées limité et d'une fécondité modeste.

De plus, sur une zone donnée, les densités de martres subissent des variations saisonnières, dues aux mouvements conjoints des animaux résidants et des migrants. Dans l'Ontario, selon une étude de Francis et Stephenson, les martres résidantes sont en moyenne de 0,6 animal par km2. En août, l'arrivée de migrants adultes et de jeunes dans la même zone fait doubler ou tripler ces densités.

Enfin, la maladie peut être aussi un facteur de régulation des populations de martres. Également dans l'Ontario, Strickland note un faible pourcentage d'animaux atteints d'infections parasitaires à l'origine de toxoplasmoses et de leptospiroses. La martre peut aussi abriter parfois des ectoparasites, tiques et puces, et des endoparasites, helminthes, mais aucun de ces parasites ou de ces maladies n'est un facteur de mortalité significatif pour l'espèce.

Les martres et l'homme

Piégées pour leur fourrure exceptionnelle

Persécutées plusieurs siècles durant pour leur fourrure, les martres sont aujourd'hui l'objet de toutes les protections. Pour mieux les connaître, l'homme va jusqu'à parcourir les forêts enneigées, sur les traces de celles qui ont trouvé refuge dans cet environnement plutôt hostile.

La fourrure des martres : une matière précieuse

Dès le xviie siècle, en Russie, la fourrure des martres, et de la zibeline en particulier, eut un énorme succès à la cour. Elle fut même instituée comme monnaie par un tsar ! Cet engouement pour une matière aussi précieuse eut des conséquences désastreuses sur les populations de martres, qui furent alors persécutées de par le monde. Le continent nord-américain fut atteint par cette fièvre au cours du xixe siècle. La plupart des prises s'effectuaient au Canada. La surexploitation d'avant 1914 (plus de 200 000 peaux par an), s'ajoutant à la dégradation de l'habitat, décima les populations de martres américaines. Puis le piégeage connut un certain déclin avec la baisse des prix ; peu avant 1950, il ne se vendait plus qu'une dizaine de milliers de peaux par an. Peu à peu, une réglementation stricte du piégeage, une gestion efficace des populations, des programmes de réintroduction et des actions de réhabilitation de l'habitat ont permis aux diverses populations de martres de se stabiliser et même de progresser dans certaines régions. Estimée à plusieurs centaines de milliers d'individus, la population globale tend toutefois à décliner, en particulier dans la partie orientale de son aire de répartition où l'espèce survit sur des territoires exigus dans les États du Maine, de New York et du Minnesota.

Un suivi pas à pattes

Les nouvelles techniques de radiopistage permettent aux scientifiques de connaître l'étendue des zones explorées par les martres et leur rythme d'activité. Toutefois, seul le suivi des traces permet de révéler les vraies facettes de la biologie de ces mustélidés. Le travail des éthologues est alors digne de celui des meilleurs détectives. Ainsi, Robert Raine, du département de zoologie de Winnipeg, au Canada, a suivi les martres, durant l'hiver, dans les forêts de conifères du sud-est du Manitoba. L'animal peut parcourir jusqu'à 30 km dans la nuit, ses larges pattes, à la plante très velue, laissant dans la neige une trace bien reconnaissable.

De tels suivis permettent d'identifier exactement les proies de la martre, ses comportements alimentaires mais aussi de localiser des sites de marquage et donc de délimiter des zones explorées. Sur plusieurs jours de suivi, les parcours nocturnes de l'animal matérialisent avec précision son domaine, avec ses zones d'activité intense et ses lieux de repos.

Animaux nettoyeurs et fossoyeurs

Les martres font partie de l'imaginaire de nombreuses populations de l'hémisphère Nord. Les histoires effrayantes sur un animal sanguinaire, pilleur de basses-cours et prédateur de gibier hantent encore bien des esprits. Les affabulations et les légendes sont certainement plus nombreuses que les connaissances réelles acquises sur ces mustélidés. Pourtant, les Romains, déjà, avaient compris le rôle fondamental de ces prédateurs qui, domestiqués, « nettoyaient » leurs cités des rats et des souris.

Plus proche de nous, dans la littérature enfantine russe, une martre, appelée Blanche-Gorge, est le porte-parole des valeurs naturelles de la famille et de la vie.

La fouine, Martes foina, se distingue de ses congénères par un comportement beaucoup moins sauvage vis-à-vis de l'homme. On la rencontre ainsi régulièrement dans les grandes villes européennes, où elle fait office de fossoyeur et de prédateur de souris et de rats. Cette cohabitation ne va pas sans poser quelques problèmes. Ainsi, en Allemagne, les fouines investissent les garages et, plutôt que de pourchasser les petits rongeurs, s'attaquent aux voitures ! Toutes les parties non métalliques peuvent être « goûtées » et gravement endommagées.