crotale

Crotale
Crotale

Lointain descendant des lézards, comme tous les autres serpents, le crotale est un reptile américain d'origine asiatique. Il utilise le bruiteur qui le caractérise et qui lui a valu son autre nom de « serpent à sonnette », non pour attaquer, mais pour signaler sa présence et impressionner les intrus.

Introduction

Les tout premiers serpents sont apparus il y a plus de 100 millions d'années, au milieu du crétacé, et sont, selon toute probabilité, issus du groupe des lézards. Les plus anciens vestiges fossiles de squelettes complets datent d'il y a 90 et 100 millions d'années (étage du cénomanien). Tous ont été mis au jour sur le pourtour méditerranéen. Parmi les diverses espèces identifiées figurent notamment Pachyrhachis problematicus, Haasiophis terrasanctus, Mesophis, Simoliophis. Ils possèdent une ceinture pelvienne et une paire de membres postérieurs bien formés, quoique courts ; ils n'ont pas en revanche de membres antérieurs. Ainsi, les premiers serpents avaient le corps allongé et cylindrique des serpents actuels, mais deux pattes postérieures. On retrouve une trace de cette caractéristique chez les serpents primitifs actuels, notamment les boïdés, qui possèdent des vestiges de pattes sous la forme de deux petits os rigides.

Les fossiles de serpents à deux pattes du cénomanien ont par ailleurs été retrouvés dans des terrains marins : ils étaient donc aquatiques ; ils devaient vivre près des côtes, en eau peu profonde. Ainsi, les premiers serpents seraient apparus dans la mer, sans doute dans la partie de la Téthys qui a donné la Méditerranée actuelle. On ignore à quoi leur servaient leurs pattes postérieures.

Les serpents ancestraux ne possédaient pas d'appareil à venin. Les serpents venimeux seraient apparus à l'éocène, il y a environ 40 à 54 millions d'années. Les scientifiques ont regroupé ces serpents évolués dans la superfamille des colubroides.Leurs plus anciens fossiles connus, reconnaissables à leurs vertèbres caractéristiques, appartiennent à la famille des cobras et des mambas (élapidés) et à celle des crotales et des vipères (vipéridés). C'est de la superfamille des colubroides que descend la grande majorité des serpents actuels (les autres appartenant à deux superfamilles primitives, restreintes numériquement parlant : les booides [boas] et les typhlopoides [typhlops]).

Au sein de la famille des vipéridés, dans la sous-famille des crotalinés, seuls les crotales stricto sensu possèdent une sonnette au bout de la queue, ce qui les a fait surnommer « serpents à sonnette ».Ces serpents sont typiquement américains, mais leur origine est sans doute asiatique. Leurs ancêtres seraient passés en Amérique en traversant le détroit de Bering à l'éocène, lorsque celui-ci bénéficiait des conditions climatiques subtropicales nécessaires à la survie de ces serpents. Au cours du miocène, il y a 20 millions d'années, des crotales vivaient déjà là où se trouve aujourd'hui le Texas.

Les crotales vivent surtout dans les zones désertiques et subdésertiques. Comme tous les crotalinés, ils sont équipés d'un appareil sensoriel particulier pour la détection de leurs proies, sous la forme de deux fossettes thermosensibles situées de part et d'autre du museau, qui assurent la perception de variations de chaleur infimes.

La vie du crotale

Rassemblés par centaines pour dormir en hiver

Tout au long de sa période d'activité, qui varie de cinq mois, au nord des États-Unis et en altitude, à neuf et dix mois ou plus le long des frontières sud du pays, le crotale vit en solitaire, regagnant, dès la fin de l'hibernation, son domaine vital, souvent le même année après année. Peu lui importe que son voisin (mâle ou femelle) empiète sur ses terres, il ne défend pas, à proprement parler, de territoire. Pendant la saison estivale d'ailleurs, il est très peu gêné par ses congénères, son domaine s'étendant sur 1 ha en moyenne.

Hors des périodes d'accouplement, les rencontres occasionnelles le laissent souvent indifférent. Toutefois, pendant les périodes de reproduction, les mâles, lorsqu'ils se rencontrent, exécutent des combats ritualisés, la partie antérieure du corps à la verticale.

La danse des mâles

La danse des mâles



Pendant la « danse de combat », les deux mâles se font face et leurs corps sont tour à tour légèrement enlacés, puis dressés à la verticale sur près de la moitié de leur longueur. Les têtes, souvent placées presque à l'horizontale, se positionnent côte à côte ou face à face. La langue rentre et sort de façon très active. Pendant la durée de ce « combat », aucun des deux protagonistes n'essaie de pousser l'autre pour le jeter à terre, et les morsures sont rares.

Une sonnette signal d'alarme

Plutôt peu agressif, le crotale n'attaque que pour se nourrir ou si un grave danger le menace. Choisissant généralement d'éviter son agresseur, il fuit rapidement ou se dissimule dans le sable ou dans la végétation, grâce à la coloration cryptique de sa peau, qui lui assure un parfait camouflage. S'il ne peut faire autrement, il tente d'impressionner l'agresseur en agitant son bruiteur et, éventuellement, en expulsant violemment l'air par la bouche. Si la manœuvre ne réussit pas, le crotale attaque.

Pour les serpents à sonnette des régions tempérées, la fin des beaux jours marque le signal du repos hivernal. De septembre à décembre, selon son habitat, chaque animal rejoint le site d'hibernation, l'hibernaculum, qu'il partage avec des dizaines ou des centaines de congénères.

Un accouplement assez long

L'accouplement se produit dès la sortie de l'hibernation, souvent aux alentours de l'hibernaculum. Pour s'accoupler, le mâle place sa queue sous la partie postérieure du corps de la femelle, que celle-ci déplace vers l'avant de façon convulsive. Par des mouvements incessants de la tête, le mâle explore les alentours, mais également le corps de sa partenaire, qui reste calme et passive. Puis, il enroule en partie sa queue autour de la femelle, introduit un de ses deux hémipénis, puis agite sa queue de haut en bas.

La copulation dure rarement moins de 2 heures et souvent de 6 à 12 heures, les deux serpents passant de longs moments côte à côte, très calmes, leurs corps séparés, seules les parties terminales des queues étant maintenues rassemblées. L'accouplement peut également avoir lieu en automne ; les spermatozoïdes sont alors stockés par la femelle durant tout l'hiver, dans des sacs spermatiques, et ne sont utilisés qu'au printemps suivant.

Immobile au soleil presque tout le jour

Comme celle de tous les autres serpents, l'activité du crotale est directement liée aux conditions climatiques. Animal à sang froid (poïkilotherme, ou hétérotherme), il a besoin de la chaleur directe du soleil sur son corps pour être actif et pour pouvoir digérer ses proies. Théoriquement, le serpent à sonnette devrait donc bouger durant la journée, lorsque les températures sont optimales. En fait, paradoxalement, la plupart des espèces préfèrent se déplacer la nuit pour rechercher un site de chasse favorable, bien que les températures soient moins clémentes. Les dangers que représentent les prédateurs sont alors moins pesants et les petits mammifères, qui constituent souvent l'essentiel de leur menu, sont plus nombreux. Le crotale repérant ses proies à la chaleur qu'elles dégagent, la chasse est également plus facile la nuit,  puisque les différences thermiques entre les proies à sang chaud et le milieu environnant sont plus marquées.

Dès le matin, en revanche, il n'est pas rare de voir le serpent prendre des bains de soleil et digérer tranquillement son repas. C'est à peu près le seul moment où il est possible de le surprendre, car le crotale est discret. Vivant à l'abri de la végétation, sous des pierres ou des souches, il reste le plus souvent caché. Sa coloration cryptique, imitant la roche ou la végétation, est très efficace pour le soustraire aux éventuels dangers.

Limitant ses déplacements à la chasse, à la recherche d'un habitat favorable ou à celle d'une partenaire lors de la reproduction, le crotale ne parcourt pas plus de 4 à 5 km/h et son rayon d'action ne dépasse pas 1 ou 2 km.

Des reptations diverses

Pour avancer, les serpents utilisent quatre modes de locomotion. Le plus souvent, ils progressent par ondulations latérales, étirant leur corps en ligne droite, en un mouvement sinueux et rapide.

Les serpents au corps large, tels les boas, se déplacent plutôt de façon rectilinéaire, un peu à la façon des chenilles, ne se servant que de leurs côtes et de leurs écailles ventrales élargies, en étirant leur corps vers l'avant en ligne droite. Les crotales et les vipères peuvent aussi se mouvoir de cette manière.

Lorsqu'un serpent replie et détend alternativement la partie centrale de son corps en deux boucles horizontales sinueuses (ou plus), c'est la locomotion en accordéon.  D'abord, il fixe solidement au sol sa tête et sa nuque pour que le raccourcissement de son corps entraîne l'avancement de sa queue, puis il détend la partie centrale de son corps, tout en ancrant solidement sa queue dans le sol, afin de faire progresser la partie antérieure vers l'avant.

Quelques espèces des déserts de sable, comme le crotale cornu, Crotalus cerastes, d'Amérique du Nord (mais aussi la vipère à cornes, Cerastes cerastes, d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient), utilisent fréquemment le déroulement latéral, mode de locomotion caractéristique des serpents vivant dans les déserts.  L'animal prend appui sur une faible partie de son corps, en deux points différents, évitant ainsi de mettre en contact l'ensemble de son corps avec le sable brûlant. En faisant glisser latéralement les deux seules parties en contact, il entraîne les anneaux formés par le reste de son corps et peut ainsi avancer, dans une trajectoire oblique par rapport à l'orientation de son corps. La tête laissera une marque en forme de J dans le sable, tandis que la queue laissera une forme de T.

Quelques secondes pour paralyser une proie

Tous les mammifères sont des proies potentielles pour les crotales, qui apprécient surtout les souris, les rats, les écureuils et les chiens de prairie, mais se gardent généralement de s'attaquer à plus gros qu'eux, choisissant des victimes d'une taille en rapport avec la leur. Ils peuvent également, à l'occasion, se nourrir d'oiseaux, notamment des espèces qui nichent au sol. Les jeunes crotales ou les espèces de petite taille, comme celles du genre Sistrurus, préfèrent les lézards ou les grenouilles, plus petits donc plus faciles à tuer et à ingérer. La fréquence des repas n'est pas très rapprochée : tous les 14 à 18 jours semble leur suffire en captivité. Dans la nature, ses besoins doivent être supérieurs, car les animaux sont plus actifs, mais la fréquence des repas doit être plus irrégulière, puisqu'elle varie en fonction de la disponibilité des proies.

Le crotale traque plutôt la nuit. Les petits mammifères qui ont sa préférence sont alors plus nombreux ; la différence entre la température plus fraîche de la nuit et celle de ses futures victimes à sang chaud, alors plus nette, lui permet de mieux repérer ses proies. La proie est localisée grâce à deux fossettes situées de chaque côté du museau (sous et en arrière de la narine). Ces fossettes sont des  récepteurs qui captent les radiations infrarouges sensibles à une variation de chaleur de un millième dedegré,  qui donnent au serpent une image réelle, bien que thermique, de sa proie, et lui permettent même d'en différencier la partie antérieure, plus vulnérable.

Pour capturer sa proie, le serpent reste immobile sur un lieu de passage ; dès qu'il l'a repérée, il se met en position d'attaque, le corps enroulé sur lui-même, avec la tête et le cou nettement soulevés au-dessus du sol.

L'attaque est foudroyante et silencieuse. S'il s'agit d'un mammifère, le crotale plante rapidement ses crocs, puis relâche sa prise. Celle-ci continue son chemin, mais ne va généralement pas très loin. Le venin, que la circulation sanguine de la proie diffuse rapidement dans tout le corps, prépare déjà la digestion du crotale. En effet, il contient des enzymes qui liquéfient les tissus et commencent à digérer la proie de l'intérieur.

Si la proie est un oiseau, un lézard ou une grenouille, le crotale laisse ses crochets plantés, car l'oiseau peut s'envoler loin, et le lézard comme la grenouille sont des animaux « à sang froid » sur lesquels le venin des serpents est moins actif.

De l'envenimation jusqu'à la mort, quelques secondes suffisent ; l'animal vacille puis s'effondre, paralysé, après quelques brèves convulsions. Suit une courte pause, et le serpent se met à la poursuite de sa proie, qu'il localise facilement grâce à ses organes des sens performants. Puis il l'avale entièrement, avançant en quelque sorte sur elle au fur et à mesure qu'il la fait pénétrer dans son œsophage. La durée de la digestion dépend de la taille de la proie et de la température externe.

Des petits autonomes dès leur naissance

Toute l'activité des crotales dépend étroitement de la chaleur extérieure, et leur reproduction n'échappe pas à cette règle. La naissance des jeunes serpents est donc liée aux conditions climatiques. Dans les régions où le climat est favorable, les femelles ont une portée par an ; ailleurs, elles n'en ont qu'une tous les deux ans. Ainsi, dans la partie le plus au nord de l'aire de distribution du crotale des prairies (Crotalus viridis), le développement des jeunes est tellement ralenti par les basses températures qu'il faut deux ans pour qu'ils parviennent à terme. Au sud des États-Unis, la même espèce a, en revanche, une portée chaque année.

Tous les serpents à bruiteur caudal sont ovovivipares, c'est-à-dire que les femelles donnent naissance à des petits entièrement formés. À la naissance, ils sont enveloppés de la membrane fœtale, qui se déchire rapidement, quelques minutes après. Les naissances se font entre le début du mois d'août et la mi-octobre, avec un pic très net à la mi-septembre. La durée de gestation étant elle aussi influencée par les températures ambiantes, les jeunes des espèces vivant dans des régions désertiques très chaudes naissent dès les mois de juin et juillet, avec des chances de survie beaucoup plus élevées, car ils pourront s'alimenter suffisamment et stocker les réserves adipeuses nécessaires pour survivre au jeûne de leur première hibernation.

Plus les températures extérieures sont fortes, plus le nombre de jeunes par portée croît. Chez le crotale cornu, Crotalus cerastes, la moyenne est de 9 petits mesurant chacun de 17 à 19 cm. Mais la quantité de jeunes crotales augmente aussi en fonction de la taille de la femelle : ainsi les plus grandes espèces, comme le crotale cascabelle, Crotalus durissus, un crotale d'Amérique tropicale de grande taille, peuvent donner naissance à plus de 40 petits en une seule année.

Les femelles mettent rarement bas dans l'hibernaculum, où la densité de jeunes serait beaucoup trop élevée pour le nombre de proies disponibles aux alentours. Dès la fin de la mise-bas, la mère se désintéresse des serpenteaux,  qui doivent se débrouiller seuls.

Agressifs mais silencieux

Livrés à eux-mêmes, les jeunes crotales partent chacun de leur côté à la recherche de nourriture, principalement des lézards, proies bien adaptées à leur taille. Paradoxalement, la taille des jeunes est proportionnellement plus grande chez les petites espèces (30 % de celle des mâles adultes) que chez les grosses (de 18 à 20 % seulement). Comme c'est souvent le cas chez les serpents, les jeunes crotales sont beaucoup plus agressifs que les adultes. Quand ils se sentent menacés, ils adoptent rapidement une posture d'attaque et font vibrer leur queue, bien qu'ils n'aient pas encore de bruiteur caudal. En revanche, ils sont équipés d'un appareil venimeux complet et fonctionnel dès leur naissance, et s'en servent avec efficacité.

La formation de la sonnette

La formation de la sonnette



La grande écaille caudale du nouveau-né, ou prébouton, est remplacée, dès la première mue, par le bouton terminal, premier segment du bruiteur caudal. La base du second segment, fortement rétrécie, s'emboîte dans le rétrécissement placé vers le milieu du bouton. À chaque mue, un nouveau segment s'ajoute de cette façon.

Pour tout savoir sur le crotale

Crotale cornu (Crotalus cerastes)

Le crotale cornu est un serpent plutôt de petite taille ; les adultes mesurent entre 40 à 80 cm (en moyenne 60 à 65 cm), le plus grand spécimen mesuré atteignant un peu plus de 82 cm. Contrairement aux autres serpents à sonnette, les femelles sont plus grandes que les mâles.

Les écailles, disposées de façon régulière, correspondent à des replis de la peau et permettent une grande flexibilité du corps pendant les mouvements. La région du cou peut ainsi se distendre considérablement quand le crotale avale une proie de taille importante. Les écailles dorsales du crotale cornu sont très carénées et présentent des tubercules bosselés sur le rang vertébral.

De couleur crème, plus ou moins brunâtre ou rosé, le corps est recouvert de 28 à 47 taches généralement plus larges que longues. Une bande brun foncé s'étend depuis l'arrière de l'œil jusqu'au niveau de la commissure de la lèvre. Le ventre blanc ou jaunâtre, avec quelques marques sombres sur le côté, se compose de grandes écailles (de 132 à 154) dites « plaques ventrales » et de 14 à 26 écailles sous-caudales. La queue se termine par 2 à 7 anneaux sombres, les derniers étant pratiquement noirs, puis par le bruiteur caudal. Un nouvel anneau se forme à la base du bruiteur à chaque mue, environ tous les 50 à 400 jours, selon le climat de la région où vit le crotale cornu. La distance de perception des sons émis par le bruiteur est maximale quand ce dernier possède environ 6 à 8 segments. Le serpent peut alors relever la queue sans difficulté et le bruiteur ne traîne pas au sol. Durant l'attaque, le bruiteur n'est jamais utilisé et reste posé à terre.

Comme les autres serpents, le crotale présente des particularités morphologiques importantes : seul le poumon droit est fonctionnel ; les vertèbres sont très nombreuses ; les côtes, non soudées du côté ventral, sont mobiles et aident ainsi la locomotion. Pour supporter les énormes pressions engendrées par l'engloutissement de proies de grande taille, la boîte crânienne est solidement ossifiée. La gueule peut s'ouvrir à 180° ; la mâchoire inférieure peut se déformer de façon considérable, car les deux os qui la composent ne sont pas soudés, mais reliés par un simple ligament. La mâchoire supérieure porte deux crochets inoculateurs de venin. Les narines ne servent qu'à la respiration, et l'odorat est en fait lié à l'usage de la langue. Celle-ci, bifide, comme chez tous les serpents, collecte les particules odorantes et les porte à l'organe de Jacobson, dont l'ouverture se situe sur le palais, et qui est l'organe de l'odorat. La nature bifide de sa langue permet certainement au serpent d'obtenir un profil stéréoscopique des odeurs ambiantes et de mieux localiser leur source.

Ne possédant pas de membrane tympanique ni de trompe d'Eustache, les serpents sont sourds. L'appareil auditif n'est pas atrophié, mais certains de ses éléments sont utilisés différemment : ainsi, la columelle, ce petit os qui transmet les vibrations tympaniques à l'oreille interne, est connectée à la mâchoire inférieure et retransmet au crâne les vibrations du sol.

Pour compléter sa vision stéréoscopique, le crotale cornu, comme tous les crotalinés, possède des fossettes thermosensibles qui constituent le sixième sens du serpent et lui permettent de situer très précisément les proies « à sang chaud », mammifères et oiseaux, mais aussi d'en reconnaître les formes. Placées entre l'œil et la narine, ce sont des cavités fermées par une fine membrane très riche en terminaisons nerveuses qui véhiculent les informations thermiques jusqu'au cerveau. La sensibilité de ces organes très performants est proche de un millième de degré.

          

CROTALE CORNU

Nom(genre, espèce) :

Crotalus cerastes

Famille :

Vipéridés

Ordre :

Squamates

Classe :

Reptiles

Identification :

Serpent surtout nocturne ; sonnette à la partie terminale de la queue ; deux cornes sur le dessus de la tête ; de 132 à 154 plaques ventrales ; de 14 à 26 écailles sous-caudales ; de 19 à 25 colonnes d'écailles dorsales

Taille :

De 50 à 60 cm

Poids :

Non déterminé

Répartition :

Mexique et États-Unis

Habitat :

Régions désertiques et semi-désertiques

Régime alimentaire :

Rongeurs pour les adultes, lézards pour les jeunes

Structure sociale :

Solitaire, hiberne avec d'autres dans un hibernaculum

Saison de reproduction :

Accouplement au printemps, parfois en automne ; naissances en septembre-octobre

Nombre de jeunes par portée :

De 5 à 16 (moyenne 9) ; naissance par ovoviviparité

Longévité :

Inconnue

Effectifs :

Stables, probablement plus de 100 000 individus ; espèce localement abondante

 

Signes particuliers

Paupière

La paupière est transparente et soudée à l'œil, le serpent garde donc toujours les yeux ouverts, même en dormant.

Tête

Deux grandes écailles, ou excroissances cornues, sont dressées au-dessus des yeux dont la position antéro-latérale assure une vision stéréoscopique. Au-dessous, les fossettes thermosensibles permettent une perception infrarouge. En arrière de la plaque rostrale, les narines ne servent qu'à la respiration (l'organe de l'odorat s'ouvre dans la bouche). La gueule, bordée de grandes plaques plus claires, peut s'ouvrir à 180°, mais, même fermée, celle-ci laisse pointer la langue.

Crochets et dents

Chacun des deux crochets fixés à l'os maxillaire est relié par un canal à une glande à venin. Au niveau du palais, de petites dents servent à maintenir la proie. Pour fermer la gueule, l'os maxillaire, mobile, pivote vers l'intérieur, et les crochets se rabattent sous le palais.

Langue

Des muscles actionnent rapidement la langue d'avant en arrière, même gueule fermée. Longue de près de 15 mm, la langue est bifide. Les deux extrémités du Y qu'elle forme collectent les particules odorantes et les ramènent dans la bouche, où elles sont analysées par l'organe de Jacobson, dont l'ouverture se situe dans le palais.

Bruiteur

Il est constitué d'anneaux durs et secs de kératine. À chaque mue, un anneau de peau supplémentaire s'ajoute entre la partie terminale de la queue et la partie antérieure du bruiteur. Le son, beaucoup plus audible quand les segments terminaux qui l'amortissent sont amputés, s'entend à plusieurs dizaines de mètres.

Écailles

Replis plus ou moins cornés de la peau, les écailles se superposent et sont éliminées avec la peau lors de la mue. En leur milieu et dans le sens de la longueur, un épaississement linéaire, ou carène, leur donne un relief. Ces carènes aident sans doute le crotale cornu à évacuer plus vite le sable quand il s'y enfouit.

Les autres crotales

Les crotales appartiennent à la sous-famille des crotalinés, au sein de la famille des vipéridés. Sistrurus et Crotalus sont les deux seuls genres à bruiteur, c'est-à-dire les seuls serpents à sonnette. Ce sont les crotales stricto sensu, qui habitent tous le continent américain.

Les crotales se distinguent par le nombre de leurs écailles. Les grandes écailles ventrales (V) correspondent aux vertèbres et aux côtes, et sont comptées depuis le menton jusqu'au cloaque. Les écailles sous-caudales (SC) font suite aux ventrales et sont celles de la queue. Le nombre des écailles dorsales (D) indique le nombre de colonnes d'écailles juxtaposées sur la circonférence du corps du serpent, à l'exclusion de l'écaillé ventrale.

Outre les crotales, Crotalus et Sistrurus, la sous-famille des crotalinés comprend 16 autres genres, répartis en Amérique et en Asie du Sud-Est.

Genre Crotalus

29 espèces qui vivent depuis le niveau de la mer (déserts californiens) jusqu'à plus de 4 300 m d'altitude (cordillère volcanique du centre du Mexique). Les plus petites espèces mesurent au plus de 50 à 60 cm de long : Crotalus intermedius, Crotalus pricei et Crotalus transversus. Toutes les espèces ont leurs plaques céphaliques divisées en nombreuses petites écailles. Et toutes possèdent une sonnette, sauf une espèce insulaire, Crotalus catalinensis, endémique de l'île Santa Catalina (Mexique). Crotalus ruber lorenzoensis, la sous-espèce du crotale diamantin rouge (Crotalus ruber) qui vit sur l'île San Lorenzo del Sur (également mexicaine), est aussi dépourvue de sonnette.. 24 espèces du genre Crotalus se rencontrent en territoire mexicain.

Les principales espèces de ce genre sont, outre le crotale cornu (Cerastes cerastes) :

Crotale diamantin (Crotalus adamanteus)

Identification : de 84 à 183 cm ; maximum connu 243,8 cm. Serpent olive, brun ou noir ; deux lignes claires proéminentes sur la face et deux lignes verticales sur le museau ; taches dorsales en forme de diamant, brun sombre ou noires, bordées par un rang d'écailles crème ou jaunes. Écailles : de 165 à 187 V ; de 20 à 33 SC ; de 25 à 31 D.

Répartition : plaines côtières ; États-Unis (est et sud). S'aventure quelquefois dans l'eau de mer en Floride ; se réfugie souvent dans des terriers de tortues.

Crotale du Texas (Crotalus atrox)

Appelé aussi crotale diamantin de l'Ouest.

Un des plus grands serpents à sonnette.

Identification : de 1,20 m à 1,80 m ; max. 2,13 m. Gris-brun plus ou moins poussiéreux, rose-brun, rouge brique, jaunâtre, blanc plus ou moins sale. Ponctuations dorsales brun sombre ou noires avec de 24 à 45 taches dorsales gris-brun ou brun sombre. Queue : de 2 à 8 anneaux (généralement de 4 à 6) noirs, incomplets ventralement et quelquefois dorsalement. Écailles : de 168 à 196 V ; de 16 à 32 SC ; de 23 à 29 D.

Répartition : zones sèches jusqu'à plus de 2 400 m, souvent en dessous de 1 500 m ; plaines côtières, zones rocailleuses, canyons, déserts, forêts mixtes, tropicales et épineuses. États-Unis (Arkansas, Oklahoma, Texas, Nouveau-Mexique, Arizona, Nevada, Californie) et Mexique.

Comportement : agressif ; activité nocturne ou diurne, en fonction de la température ; peut inoculer une grande quantité de venin assez toxique.

Crotalus basiliscus

Identification : un des plus grands serpents à sonnette ; plus de 1,50 m, taille maximale dépassant les 2 m ; fond vert olive, gris olive, brun-vert ou brun-jaune sans ponctuations sombres ; jeunes plutôt brun-rouge. Sur le dos, de 26 à 41 taches en forme de diamant. Écailles : de 178 à 206 V ; de 18 à 36 SC ; de 24 à 29 D.

Répartition : forêts jusqu'à 600 m au nord, jusqu'à 2 400 m au sud. Côte orientale du Mexique.

Comportement : surtout nocturne durant les mois pluvieux de l'été.

Crotalus catalinensis

Petit serpent agile grimpant à plus de 1 m en hauteur.

Identification : allongé ; maximum connu pour une femelle, 73 cm ; fond gris pâle à brun avec un peu de ponctuations sombres et de 34 à 40 taches brunes dorsales à bordure de brun foncé à noir et bord extérieur crème. Écailles : de 177 à 189 V ; de 18 à 28 SC ; 25 D. Sonnette atrophiée.

Répartition : déserts à buissons et cactées, surtout en bord de mer ; endémique de l'île mexicaine Santa Catalina, dans le golfe du Mexique.

Statut : en danger critique d'extinction (probablement en raison des captures dont l'espèce a été victime).

Crotale cascabelle (Crotalus durissus)

Appelé aussi crotale des tropiques. Seul serpent à sonnette sud-américain. Son nom vient du mot espagnol « cascabel », clochette.

Identification : taille souvent supérieure à 1 m ; mâles de 1,40 à 1,60 m ; maximum 1,80 m ; il existe des populations naines. Fond gris-brun, brun, brun-rouge, gris-jaune, gris-bleu pâle, gris-vert, olive-jaune, orange ou presque totalement noir sans trace de ponctuations noires. Plus sombre en forêt ; de 18 à 35 taches en forme de diamant. Très grande variabilité géographique. Écailles : de 155 à 195 V ; de 18 à 34 SC ; de 25 à 33 D.

Répartition : Mexique, Amérique centrale et Amérique du Sud jusqu'à l'Argentine ; nombreuses populations isolées ; seul membre du genre Crotalus présent en Guyane française ; régions semi-arides et sèches ; savanes et forêts tropicales. Absent des forêts tropicales humides.

Comportement : défense très spectaculaire, le corps dressé très au-dessus du sol ; espèce agressive et dangereuse, responsable de beaucoup de morts humaines, notamment la sous-espèce d'Amérique du sud, Crotalus durissus terrificus.

Crotale des bois (Crotalus horridus)

Identification : de 0,91 à 1,37 m ; maximum connu 1,88 m ; deux colorations principales, la phase jaune avec des bandes brun sombre sur une couleur de fond jaune, brune ou grise ; ces bandes en forme de V se brisent antérieurement pour former un rang de points sombres, et la phase noire presque totalement sombre. Écailles : de 158 à 183 V ; de 13 à 30 SC ; de 21 à 26 D.

Répartition : forêts riches en rongeurs, jusqu'à 1 000 m d'altitude ; États-Unis (nord, centre et est) ; Canada.

Seul serpent à sonnette présent dans la partie très peuplée du nord des États-Unis.

Crotale des rochers (Crotalus lepidus)

Identification : de 60 à 70 cm ; femelles plus petites ; coloration variable en fonction de l'âge et du sexe ; de 13 à 21 bandes transversales brun foncé à noir, plus ou moins espacées, plus larges sur le dos et bordées de blanc, ou alors de 23 à 38 points médio-dorsaux souvent plus longs que larges avec une bordure blanche ; la partie antérieure du corps plus blanche ; bandes transversales sur la queue. Écailles : de 149 à 172 V ; de 16 à 33 SC ; de 21 à 25 D.

Répartition : forêts et déserts, entre 300 et 3 000 m d'altitude ; États-Unis (Arizona, Nouveau-Mexique, Texas) et Mexique.

Crotale à queue noire (Crotalus molossus)

Identification : 1 m maximum, plus petit sur les îles. Coloration plus pâle au nord, fond gris-vert, jaune-vert, jaune sombre, jaune orangé ou crème avec de 20 à 41 taches dorsales rhombiques de brun noisette à noir. Au sud, fond brun olive, jaune olive ou gris-brun, partie postérieure plus sombre, de brun-noir à noir ; certains spécimens presque totalement noirs. Sur le dos, de 24 à 34 taches brun sombre ou noires, rhombiques ou en forme de diamant à bordure jaune ou gris-jaune. Écailles : de 166 à 199 V ; de 16 à 30 SC ; de 23 à 31 D.

Répartition : forêts boréales, mixtes, tropicales, et déserts ; jusqu'à 2 900 m ; États-Unis (Arizona, Nouveau-Mexique, Texas), Mexique et deux îles du golfe de Californie.

Comportement : souvent nocturne en été ; se rencontre de jour, tôt le matin ou tard en fin de journée, quand les températures sont plus fraîches. Grimpe quelquefois aux arbres à plus de un mètre de hauteur.

Crotale diamantin rouge (Crotalus ruber)

Identification : mâles, 1,40 m ; plus petits dans les îles ; fond rouge-brun pâle, gris-rose pâle, rouge brique pâle avec de 29 à 42 taches dorsales rhombiques ou en forme de diamant brun-rouge sombre, uniformes pour les populations du Nord et avec un centre plus pâle chez celles du Sud. Au sud, fond brun olive, brun-jaune ou paille, avec de 20 à 39 taches dorsales au bord brun foncé à noir. Écailles : de 179 à 206 V ; de 15 à 19 SC ; de 25 à 33 D. La sous-espèce de l'île de San Lorenzo del Sur, Crotalus ruber lorenzoensis, est dépourvue de bruiteur.

Répartition : forêts, déserts, chaparral ; jusqu'à 1 200 m d'altitude ; États-Unis (Californie) et Mexique.

Comportement : espèce peu agressive ; active à des températures basses (18 °C). Plutôt nocturne dans les déserts.

Crotale de Mojave (Crotalus scutulatus)

Identification : environ 1 m ; au nord gris-vert, vert olive, vert-brun, jaune-vert, brun ou jaunâtre avec de 27 à 44 taches dorsales hexagonales ou en forme de diamant jaune olive à brun foncé, bordées par un rang simple plus pâle, plus ou moins complet. Au sud, fond gris olive pâle ou paille, avec de 30 à 35 taches dorsales de brun olive à noir, sub-rhomboédriques sans bordure. Écailles : 165 à 192 V ; de 15 à 29 SC ; de 21 à 29 D.

Répartition : déserts, formations herbacées, forêts mixtes, zones rocailleuses ; États-Unis (Californie, Nevada, Arizona, Nouveau-Mexique).

Comportement : surtout nocturne l'été, diurne en altitude et durant les mois froids. Venin très actif.

Crotale des prairies (Crotalus viridis)

Identification : dépassant souvent 1 mètre ; pas plus de 60 à 70 cm sur les îles ; coloration variant beaucoup avec la taille et le sexe, plus marquée chez les jeunes. Mexique : fond gris-vert, vert-brun, brun pâle ou jaune paille avec de 33 à 57 taches dorsales brunes bordées de blanc ; souvent indentées antérieurement et/ou postérieurement. Écailles : de 162 à 196 V ; de 15 à 31 SC ; de 23 à 29 D.

Répartition : forêts mixtes, déserts, chaparral, formations herbeuses ; jusqu'à 2 500 m ; Mexique, ouest des États-Unis jusqu'au sud-ouest du Canada.

Diurne en altitude seulement.

Crotale de l'Arizona (Crotalus willardi)

Identification : de 55 à 67 cm ; fond brun-rouge, rouille, brun-jaune, gris-brun, gris ; de 18 à 45 taches dorsales couleur noisette ou brun chocolat bordées de noir ou de brun sombre ; sortes de bandes entre les taches plus pâles que la couleur latérale. Écailles : de 146 à 163 V ; de 21 à 36 SC ; de 25 à 29 D.

Répartition : forêts de chênes, plaines herbeuses, clairières des forêts mixtes ; fond des canyons humides ; de 1 600 à 2 750 m d'altitude ; Mexique, États-Unis (Nouveau-Mexique, Arizona).

Calme et peu agressif ; surtout diurne.

Genre Sistrurus

Trois espèces, dont une seule exclusivement nord-américaine. De petite taille, ces serpents sont appelés « crotales pygmées ». Leurs neuf plaques céphaliques sont entières, leur bruiteur est petit et leur production de venin est assez faible.

Crotale pygmée du Mexique (Sistrurus ravus)

Certains auteurs le placent dans le genre Crotalus.

Identification : fond oscillant du gris à diverses nuances de brun, taches pourpre foncé à noire, en chapelet de selles le long de l'axe du dos.

Répartition : Mexique, en altitude.

Crotale pygmée millet (Sistrurus miliarius)

Comportement : malgré leur petite taille, ces serpents sont dangereux et peuvent provoquer des envenimations graves.

Répartition : États-Unis exclusivement.

Massasauga (Sistrurus catenatus)

Espèce calme et placide.

Identification : de 46 à 76 cm ; sonnette, 9 plaques symétriques sur le dessus de la tête ; fond jaunâtre, gris, brun-vert, brun ; un rang de taches noires ou brun sombre ; 3 rangs de ponctuations plus petites de chaque côté. Écailles : de 129 à 157 V ; de 25 à 33 SC ; de 21 à 27 D.

Répartition : prairies humides et zones marécageuses ; États-Unis et Mexique.

Milieu naturel et écologie

Serpents typiques du Nouveau Monde, les crotales, ou serpents à sonnette, se trouvent à partir de 51° de latitude nord jusqu'à 35° de latitude sud dans des habitats aussi variés que les déserts, la jungle, les vallées, les montagnes, les dunes de sable, les forêts, en milieu continental ou insulaire. Mais aucune espèce ne peuple l'ensemble de ces habitats. Le seul point commun de tous les lieux occupés est la sécheresse et l'aridité. Se rencontrant dans les forêts mixtes de chênes et de conifères assez aérées, les serpents évitent toutefois, s'ils le peuvent, les zones couvertes d'arbres, qui leur sont nettement moins favorables. Le climat, la disponibilité des proies et la fréquence des abris sont les facteurs principaux qui déterminent la distribution actuelle des crotales : beaucoup d'espèces ne se rencontrent qu'au sud-ouest des États-Unis et au nord-ouest du Mexique.

Le crotale cornu, Crotalus cerastes, est un serpent des plus insolites. Habitant les déserts du sud-ouest des États-Unis (Utah, Nevada, Arizona, Californie du Sud et Basse-Californie) et du nord-ouest du Mexique, c'est un animal discret, qui se dissimule souvent dans des terriers de rongeurs, sous les buissons, ou creuse son propre abri dans le sable. Sa coloration cryptique lui permet de se confondre aisément avec son habitat. Il a un mode de locomotion adapté aux environnements sableux, par déroulement latéral.

La chaleur directe des rayons du soleil est indispensable aux serpents, animaux « à sang froid » dont l'ensemble des fonctions vitales (digestion, activité musculaire et reproduction) est bloqué ou ralenti par le froid. Le soleil est en fait leur véritable source d'énergie et, dès que les températures ambiantes sont moins favorables, généralement d'octobre-novembre à avril-mai selon les latitudes, les serpents hibernent. Les crotales ne peuvent survivre à trop basse température, car il leur est alors impossible d'accumuler, durant la période climatique favorable, suffisamment de réserves de graisse pour surmonter l'hiver.

Des espèces adaptées à leur environnement

Les variations climatiques du passé ont morcelé l'aire de distribution de beaucoup d'espèces de crotales, permettant ainsi la distinction de nombreuses sous-espèces. Ainsi, les îles des côtes californiennes et de la baie de Californie possèdent leurs propres populations de serpents à sonnette. De même, certaines montagnes constituent en quelque sorte des îles continentales et contraignent à l'isolement quelques populations de crotales.

Les crotales, en fait, s'adaptent bien aux diverses conditions environnementales et sont polymorphes. Le cas typique est représenté par le crotale des prairies, Crotalus viridis, qui possède de nombreuses sous-espèces ; en revanche, le crotale cornu, à la morphologie très uniforme, est inféodé principalement à un seul type d'habitat, les déserts.

Des mangeurs de crotales

Bien qu'il soit lui-même un animal redouté, le crotale a ses propres prédateurs. Le blaireau le chasse et s'en régale à l'occasion, et les rapaces, tels les faucons, ne sont pas à négliger ; de plus, certains animaux domestiques sont devenus un danger pour lui : régulièrement, les journaux locaux américains relatent les « exploits » de chiens ou de chats qui ont tué des crotales.

Mais les tueurs les plus spectaculaires de crotales sont sans aucun doute d'autres serpents prédateurs, au premier rang desquels les serpents rois du genre Lampropeltis et les couleuvres à fouet du genre Masticophis. Pour se défendre contre ces « mangeurs de serpents », les crotales américains gonflent leur corps et se présentent à leur agresseur comme une boucle soulevée ; cette posture particulière s'appelle body bridge, ou « corps en arc ».

Certains gros lézards peuvent également consommer des crotales pour varier leur ordinaire, mais cela reste assez rare. Quant aux divers parasites, le crotale, comme tous les serpents, doit subir les assauts des tiques (en externe), ou des vers et protozoaires (en interne).

Crotalus non grata

Le principal ennemi du crotale demeure l'homme, directement ou indirectement responsable du plus grand nombre de morts. Le bétail et les chevaux tuent de nombreux crotales par piétinement et écrasement. Les travaux agricoles, en modifiant profondément l'environnement, provoquent d'importantes modifications dans les conditions de vie des serpents. Le crotale cornu a, par exemple, totalement disparu des zones irriguées du sud de la Californie, alors qu'il est encore abondant dans les déserts voisins. Enfin, les crotales, perçus comme menaçants en raison de la dangerosité de leur venin, font l'objet d'une destruction acharnée. Ils sont aujourd'hui de plus en plus refoulés vers des lieux où ils ne peuvent pas représenter de danger pour l'homme et son cortège d'animaux domestiques.

Le crotale et l'homme

Un signal d'alarme toujours efficace

Inquiétant et fascinant tout à la fois, le crotale est un personnage à part entière du folklore américain, notamment celui du Far West. Mais il est aujourd'hui systématiquement pourchassé et refoulé vers des zones où il ne présente plus aucun danger pour les hommes…

La danse du serpent des indiens hopis

Autrefois, les Amérindiens consommaient la chair des serpents et utilisaient leur venin en médecine ou pour empoisonner les flèches. Le serpent à sonnette est aussi l'objet de rituels, telle la danse du serpent pratiquée par les Hopis de l'Arizona. Elle dure neuf jours et a lieu chaque année dans cinq villages hopis au centre de la région navajo, à une date choisie en fonction de la position des astres et annoncée 17 jours à l'avance – en général vers la 3e ou 4e semaine d'août. Il s'agit d'une danse destinée à invoquer la pluie, dans laquelle les serpents sont considérés comme des intermédiaires et chargés d'intercéder auprès des esprits des ancêtres.

Durant les quatre premiers jours, chacun étant consacré à l'un des points cardinaux (nord, ouest, sud puis est), des couleuvres non venimeuses et des crotales sont collectés. Le nombre d'animaux participant à la danse finale varie de 15 à 60.

Tôt le matin du neuvième jour a lieu le lavage des serpents dans des bains d'herbe. La danse elle-même dure moins d'une demi-heure : après le coucher du soleil, autour d'un cercle sacré, chaque participant danse avec un serpent dans sa bouche, tenu au niveau du cou. Il semblerait que les Hopis, pour ne pas être mordus, fassent usage de plantes qualifiées de protectrices. Des études récentes pratiquées sur les serpents utilisés pour la cérémonie montrent que la plupart sont débarrassés de leurs crochets ou traités pour en extraire le venin. Mais certains spécimens venimeux ne subissent aucun de ces deux traitements...

Œdème et décoloration

Lorsque le crotale a injecté une partie de son venin, ce qui n'est pas toujours le cas lors d'une morsure (environ 50 % des morsures de serpents venimeux ne s'accompagnent pas d'injection de venin), les symptômes sont caractéristiques : un œdème apparaissant immédiatement au niveau de la morsure, avec parfois une déchirure, une décoloration impressionnante des tissus et un saignement. Durant l'heure qui suit apparaissent des nausées, des vomissements, une alternance de frissons et de sueurs, et une soif intense. De plus, le venin des crotales, hémotoxique, peut provoquer des hémorragies ailleurs dans l'organisme qu'au niveau de la morsure. Avec ou sans venin injecté, la morsure d'un crotale est très douloureuse.

En dépit de la terrible réputation des crotales, moins de 3 % des morsures sont mortelles (moins de 1 % aux États-Unis). Les deux espèces les plus dangereuses sont les cascabelles en Amérique du Sud (Crotalus durissus), et Crotalus basiliscus, dans l'Ouest.

Très peu de morsures mortelles

Toutes les morsures de serpents n'émanent pas d'espèces venimeuses. Ainsi, on estime que sur environ 45 000 morsures annuelles aux États-Unis, seules 8 000 sont le fait de serpents venimeux. De plus, la toxicité du venin des crotales est très variable, mais, dans l'ensemble, inférieure à celle des autres serpents venimeux. Toujours aux États-Unis, selon une étude statistique de 2002, les morsures de serpents venimeux provoqueraient cinq décès annuels. Des chiffres à mettre en regard des estimations de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) quant aux morsures de serpents en Afrique, où environ 1 million de personnes seraient mordues chaque année, pour 20 000 décès.

Les venins sont des substances très complexes dont les constituants sont nombreux ; parmi eux figurent les toxines. Mais la composition des venins diffère selon les espèces considérées et même selon les différentes sous-espèces d'une même espèce. Ainsi, en Amérique du Sud, parmi les sous-espèces du crotale cascabelle (Crotalus durissus), le venin de Crotalus durissus terrificus, qui possède des composants neurotoxiques, est dix fois plus toxique que celui de Crotalus durissus durissus.

Une étude du contenu en toxines chez quatre crotales diamantins (Crotalus adamanteus) issus de la même portée montre que les deux mâles possédaient un venin exempt de toxines, alors que celles-ci représentaient respectivement 5 % et 11 % du venin des deux femelles. Dans ce cas, sans aucun doute, les variations sont liées au sexe et déterminées génétiquement.