crabe violoniste

Crabe violoniste
Crabe violoniste

Apparus il y a environ 50 millions d'années, ces cousins éloignés des tourteaux et des araignées de mer se sont répandus dans les régions chaudes du monde entier. Leurs changements de couleur ainsi que les sons qu'ils émettent en font des champions de la communication.

Introduction

Crustacés du groupe des arthropodes, qui réunit plus de 80 % des espèces connues du règne animal, les crabes (qui forment le groupe des brachyoures, dont le nom signifie « abdomen à queue courte », par opposition aux macroures, langoustes ou homards, « à queue développée ») comptent quelque 7 000 espèces.

Leur apparition remonterait au milieu de l'ère secondaire (le plus ancien fossile connu date d'il y a environ 170 millions d'années, au jurassique), comme l'attestent les nombreux fossiles retrouvés – une conservation permise par la dureté de la carapace. Tous vivaient alors dans la mer. Puis, peu à peu, certains ont grimpé sur la côte, pénétré dans les estuaires, envahi la terre ferme ou les eaux saumâtres, tout en continuant à se reproduire en mer par l'intermédiaire de larves nageant dans le plancton. Seuls quelques-uns se sont complètement affranchis du milieu marin et peuplent rivières, torrents de montagnes (Népal, Kilimandjaro), lacs (Grèce), forêts humides (Guyane) ou même des zones semi-désertiques (Sahara, Arizona). Ces crabes-là ont un développement direct : leur petit sort d'un très gros œuf sans avoir à passer par des stades larvaires.

Les crabes violonistes (tous du genre Uca), ainsi dénommés à cause de leur grosse pince qui évoque un violon, appartiennent à une famille très évoluée, celle des ocypodidés. En raison de la minceur et de la fragilité de leur carapace, de leur taille relativement faible, ils n'ont guère laissé de traces fossiles. Mais il est vraisemblable qu'ils existaient déjà à l'éocène, il y a quelque 50 millions d'années, dans la mer vaste et peu profonde qu'était la Téthys, entre l'Afrique du Nord et l'Eurasie. Par la suite, leur évolution s'est faite séparément dans l'Ancien Monde et dans le Nouveau Monde.

Près d'une centaine d'espèces d'Uca sont répandues dans les régions tropicales et subtropicales du monde entier ; rares sont ceux qui habitent les zones tempérées. Uca tangeri, qui habite les côtes atlantiques d'Afrique et de la péninsule ibérique, est la seule espèce que l'on rencontre en Europe.

Tous les Uca mènent une existence semi-terrestre, dans la zone de balancement des marées, très souvent dans des zones vaseuses et dans la mangrove, plus ou moins loin du bord de l'eau. Leur système de communication complexe a commencé à être décrit il y a plus de 300 ans, mais encore aujourd'hui il intrigue les chercheurs.

La vie du crabe violoniste

Des colonies de solitaires très combatifs

Les crabes violonistes vivent en colonies, se regroupant par dizaines pour creuser leur terrier. Ils restent toutefois isolés les uns des autres. Les terriers, espacés de quelques dizaines de centimètres les uns des autres, sont généralement établis entre les limites des hautes et des basses marées. Plus ou moins cylindriques, ils ont un orifice circulaire et sont souvent coudés au bout, avec un élargissement terminal.

Selon l'époque de l'année, les terriers restent plus ou moins longtemps à découvert. Quand le flot menace d'y pénétrer, les crabes s'y enferment et bouchent l'entrée avec de la vase ou du sable.

Des combats et des bruits pour régler les conflits

Le partage du territoire ne va pas sans conflits. Le possesseur d'un terrier doit sans cesse défendre celui-ci contre des congénères prêts à le déloger, d'où la fréquence des combats.

L'affrontement est parfois extrêmement vigoureux, mais il n'entraîne jamais de blessures graves ni la mort. Lors des combats, chaque crabe accomplit une succession de gestes rituels propres à son espèce ; après un face-à-face menaçant, les animaux s'affrontent au corps à corps : les doigts de leurs pinces s'entrelacent et s'entrechoquent ; la bataille dure de quelques secondes à quelques minutes puis s'arrête brusquement. Les femelles se livrent aussi parfois des combats, mais, au lieu de s'affronter face à face comme les mâles, elles se dressent dos à dos.

La plupart des crabes violonistes ont des activités diurnes : recherche de nourriture, fouissage, parade, accouplement, combat... Seules quelques espèces (Uca pugilator, Uca tangeri) émettent également la nuit des signaux visuels et acoustiques.

La riche gamme de signaux acoustiques dont disposent les Uca leur sert également de moyen d'avertissement et de menace. Ces sons peuvent consister en une véritable stridulation produite par le frottement des pinces, contre une armature de la carapace ou des pattes (chez Uca musica, par exemple), ou par le frottement des pattes entre elles. Des coups vifs des deux chélipèdes (les « pattes à pince ») contre la carapace, des tapes répétitives sur le sol comme sur un tambour, des chuintements liés à la respiration font également partie du répertoire.

Certains Uca émettent continuellement des sons d'alerte lorsqu'ils se trouvent au fond de leur terrier à marée basse, cependant la fréquence sonore augmente toujours lorsqu'un mâle agressif s'approche.

Les vibrations sont transmises par le sol. Un mâle à l'intérieur de son terrier produit des sons plus hauts de 2 à 6 décibels que ceux émis par un animal situé près de l'orifice : le terrier amplifie les sons par résonance. Parfois, les Uca construisent même des sortes de cheminées à l'embouchure de leur terrier, qui joueraient le rôle d'amplificateurs.

Une parade musicale

Pour appeler les femelles à l'amour, les mâles jouent de la pince et des pattes, de la coloration de leur carapace (certains arborent une livrée vivement colorée, d'autres deviennent tout blancs) et ils émettent des sons (chants et vibrations) : cette série de signaux déclenche des mécanismes innés chez les femelles.

À chaque espèce correspond un type de parade bien spécifique, qui permet d'éviter tout risque d'hybridation lorsque plusieurs espèces d'Uca cohabitent au même endroit. Au Pérou, par exemple, où l'on trouve mêlées des populations d'Uca stylifera, Uca princeps et Uca insignis, qui ont à peu près les mêmes habitudes écologiques et la même période d'accouplement et de reproduction, la femelle d'Uca stylifera est la seule des trois espèces à accepter d'être transportée sur le dos du mâle jusqu'au terrier de celui-ci. La communication entre les deux partenaires se fait par l'intermédiaire d'attouchements mutuels des pattes.

La femelle reconnaît son mâle

Depuis plus de 300 ans, les signaux de communication et les changements spectaculaires de couleurs rencontrés chez les crabes violonistes ont suscité bien des interrogations. En 1874, Charles Darwin parle du crabe Uca dans la Filiation de l'homme (The Descent of Man). Il décrit une espèce sud-américaine dont la femelle est brun-grisâtre uniforme tandis que le mâle, vivement coloré en blanc et vert, peut acquérir en quelques secondes des teintes encore plus brillantes, comme le caméléon : il conclut que cette parure a pour but « d'attirer et d'exciter la femelle ».

Pour parader, Uca zamboangana, des Philippines, se livre à une sorte de danse au cours de laquelle il effectue une série de mouvements verticaux avec sa grosse pince, accompagnés de tressautements de tout son corps. Uca pugnax rapax, espèce sud-américaine, brandit sa pince vers l'extérieur et en l'air, la secoue trois fois, puis la redescend tout doucement. Uca tangeri fait avec sa pince une série de gestes latéro-circulaires, puis de 12 à 60 mouvements simplement latéraux, à un rythme très rapide.

De nombreuses expériences ont été menées pour définir, parmi tout un ensemble de stimulations, quels sont les formes et les mouvements qui constituent les stimuli efficaces. On a fabriqué des objets de remplacement, des simulacres d'animaux, des leurres. Chez Uca tangeri, un objet inanimé en forme de M, agité d'un mouvement horizontal, suffit, de loin, à attirer la femelle ; mais, dans une zone rapprochée, le mouvement doit être vertical et rapide pour obtenir son consentement. En fait, chez la plupart des Uca, ce sont les femelles qui reconnaissent les couleurs et les signaux, ce qui compense le manque de discrimination des mâles, qui paradent devant toutes sortes de femelles.

La femelle répond favorablement aux appels du mâle en s'approchant de lui. L'accouplement peut se passer près du terrier, en surface. Cependant, le plus souvent, le mâle entraîne la femelle à l'intérieur du trou, soit en l'y précédant, soit en l'y poussant, soit en la portant sur son dos. Là, ils se trouveront à l'abri des prédateurs et ne seront pas dérangés.

Des accouplements terrestres qui durent une heure

Les seuls accouplements observés sont ceux qui se déroulent hors du terrier. Le mâle Uca grimpe par l'arrière sur la carapace de la femelle, qui, si elle est réceptive, reste en position horizontale ; il avance un peu et tape avec sa petite pince sur la partie antérieure de sa partenaire. Avec cette même pince, il tire alors, d'un petit coup sec, des soies qui garnissent cette région de la carapace de la femelle et les porte à sa bouche. Ce geste, qui fait également partie du rituel de nourriture, est un stéréotype fixe que le mâle pratique même quand la carapace de la femelle est dépourvue de soies (ce qui est le cas chez certaines espèces) ou lorsqu'elle est couverte de boue.

Après quelques secondes ou quelques minutes, le mâle retourne la femelle, consentante et calme, face à lui. Pour ce faire, il se sert de ses pattes ambulatoires seules ou parfois aussi de son grand chélipède (grande pince).

Lorsque les deux crabes sont ainsi positionnés ventre à ventre, le mâle introduit ses deux principaux appendices sexuels (pléopodes) dans les deux gonopores (orifices génitaux) symétriques de la femelle. Formant alors une « paire de crabes », les deux animaux restent accouplés pendant une heure ou plus. Ils sont alors très vulnérables, car faciles à approcher...

Toutes les espèces d'Uca observées s'accouplent en position ventrale et se reproduisent par fécondation interne. Mais, chez d'autres crabes, la copulation a parfois lieu dos à dos et la fécondation peut être externe (le sperme est déposé près de l'orifice d'une spermathèque – réceptacle séminal).

Une ponte sous-marine

La femelle porte plusieurs milliers de petits œufs accrochés à ses pattes abdominales. Elle les garde sous elle pendant tout le temps de leur développement. Lorsque les œufs arrivent à terme, elle pénètre dans la mer, où ils ne se détachent qu'au moment de l'éclosion. Une fois les larves écloses, la femelle retourne sur le rivage et reprend sa vie grégaire. De l'œuf sort une première petite larve nageuse libre, qui va passer, de mue en mue, par plusieurs stades larvaires. À la fin de la vie larvaire, une ébauche de crabe apparaît, dans laquelle il est bien difficile de reconnaître un Uca. Puis, de mue en mue, le crabe juvénile atteint l'âge adulte.

Tout porte à croire que les Uca muent toute leur vie. C'est au cours de la mue que se fait la croissance avec, chaque fois, le rejet, par dévagination, de l'ancienne carapace (exuvie) et des pattes, et même de certaines parties internes comme l'estomac. C'est à partir de la maturité sexuelle que l'un des chélipèdes du mâle Uca croît plus que l'autre au cours des mues et acquiert sa forme extraordinaire.

Boutons-pression

Boutons-pression



Chez les crabes, l'abdomen est rabattu et « boutonné » sur le thorax grâce à deux crochets qui se « pressionnent » sur deux fossettes. Chez les Uca, l'abdomen est retenu par une paire de crêtes sans aucun accrochage visible. Lors de l'accouplement, les crabes sont « collés » face à face.

Des repas pris en communauté

Contrairement aux crabes marins, qui recherchent souvent leur nourriture sur de grandes distances, les Uca ne s'éloignent guère de leur terrier et se nourrissent en compagnie de leurs congénères, profitant, semble-t-il, des marées basses pour rechercher leur alimentation, de jour comme de nuit.

Les Uca sont microphages : leur régime alimentaire se compose principalement des débris organiques qu'ils trouvent dans la vase ou dans le sable : algues microscopiques comme les diatomées (minuscules algues brunes que l'on rencontre dans toutes les mers), petits protozoaires, ou toute autre matière organique apportée par la mer.

Le Français Théodore Monod a décrit, en 1927, la façon dont se nourrit Uca tangeri au Cameroun : le crabe « suce » le sable pour en extraire les diatomées. À marée basse, il racle la surface de la grève avec sa petite pince (ou ses deux petites pinces s'il s'agit d'une femelle). Du bout excavé de celle-ci, il prélève une portion qu'il introduit dans sa bouche. Là, le sable ou la vase sont imprégnés de mucus, puis triturés par les pattes-mâchoires équipées de soies et en forme de cuillère. Une fois extraits tous les éléments organiques, l'animal rejette les résidus non comestibles sous la forme d'une boulette, qu'il dépose sur le sol.

C'est ainsi que les aires habitées par des crabes Uca ou d'autres crabes qui filtrent la vase ou le sable sont parsemées de petits tas arrondis, souvent bien alignés de façon symétrique, avant que la marée ne vienne tout recouvrir.

Une fois sa digestion terminée, le crabe rejette par défécation d'autres boulettes plus petites. D'avion, on peut ainsi facilement distinguer les territoires de mangroves ou de plages où les crabes se nourrissent.

Il ne semble pas qu'il y ait de combats liés à la recherche de nourriture. Uca tangeri et Uca pugilator sont les crabes violonistes les plus grégaires de tous les Uca. En Angola, en Espagne et au Portugal, des groupes des deux sexes de Uca tangeri ont été vus mangeant ensemble à la limite de la mer.

L'étrange marche des crabes

L'étrange marche des crabes



Tous les crabes, à l'exception des mictyridés, se déplacent obliquement. En arrière des pinces, ils possèdent quatre paires de pattes destinées à la marche. Chacune d'elles est composée d'articles inégaux doués d'une grande mobilité. L'article terminal de la patte se nomme « fouet » à cause de son côté effilé. L'analyse des séquences des mouvements est complexe : on pense que les deux pattes composant la même paire exécutent un mouvement identique, le travail de poussée et de traction alternant d'une paire de pattes à l'autre, selon le schéma suivant : 1d - 2g - 3d - 4g puis 1g - 2d - 3g - 4d.

Pour tout savoir sur les crabes

Uca de Tanger (Uca tangeri)

Comme tous les crabes, l'Uca de Tanger possède un corps composé de trois parties. La tête comprend cinq segments (somites) fusionnés et porte cinq paires d'appendices : antennules et antennes, mandibules, maxillules et maxilles (ou pièces buccales). Le thorax, soudé à la tête en un céphalothorax, est formé de huit autres segments : les trois premiers portent les trois paires de maxillipèdes adaptés en pièces buccales annexes ; les segments suivants (de 9 à 13) portent la paire de chélipèdes, ou pinces, et les quatre paires de pattes ambulatoires qui servent à la marche. L'abdomen, triangulaire chez l'Uca de Tanger mâle, ovale chez la femelle, est formé de six segments. Chez les mâles, il y a deux paires d'organes copulateurs épais, avec une extrémité peu dilatée se recourbant en forme de crochet.

La croissance continue de l'animal est régie par des mues au cours desquelles une nouvelle enveloppe se forme au-dessous de l'ancienne peau (exuvie), qui va être rejetée. Puis le corps se gonfle, ce qui, grâce aux mouvements du crabe, entraîne la rupture de la vieille carapace selon des lignes prédéterminées. Le crabe s'extrait alors de son ancienne enveloppe. Puis, il absorbe de l'eau afin de tendre son nouveau tégument. Enfin, celui-ci, souple au départ, se renforce et durcit, formant une nouvelle carapace rigide, plus grande que la précédente.

C'est pendant ce temps que l'animal peut régénérer partiellement des membres perdus. En effet, si un prédateur attrape sa patte, le crabe, mâle ou femelle, abandonne facilement son appendice pour s'enfuir. Cette amputation spontanée – appelé autotomie – par contraction brusque d'un muscle, est un phénomène réflexe : le plan de rupture se situe toujours au même endroit sur une ligne prédéterminée, de moindre résistance. Le crustacé développe un nouvel appendice au cours des mues suivantes. Chez l'Uca, une grande pince est régénérée au bout d'un an ou deux, en une belle pince de « première repousse ». Si celle-ci est à nouveau détachée, elle sera remplacée par une pince plus petite, dite de « deuxième repousse ».

Uca tangeri est le seul crabe violoniste présent en Europe. Il se caractérise par son céphalothorax quadrilatère et nu. Sa carapace et ses pinces sont granuleuses. Sur la carapace, des sillons dorsaux délimitent les régions gastriques, médianes et latérales, ainsi que l'aire cardiaque. Le front est étroit, et les longues orbites ouvertes vers l'extérieur occupent toute la largeur du bord antérieur. Les pédoncules oculaires sont grêles et se dilatent légèrement au niveau de la cornée. Les antennes sont très mobiles dès la base, avec un fouet dont la longueur ne dépasse pas celle de l'orbite. Les antennules, très petites, sont en partie cachées sous le front. Les chélipèdes sont réduits chez la femelle tandis que le mâle possède un chélipède hypertrophié (à droite ou à gauche), avec deux doigts longs et qui s'ouvrent largement. Les pattes ambulatoires sont comprimées.

Comme tous les Uca, les couleurs des mâles d'Uca tangeri changent selon les heures du jour et de la nuit, les marées et les saisons, et deviennent plus marquées et brillantes pendant les parades sexuelles. Ces colorations sont dues à quatre pigments, brun-noir, rouge, jaune et blanc, ainsi qu'à un bleu d'une nature physico-chimique différente, dont les proportions et le taux de dispersion varient.

En se dispersant, le pigment noir rend Uca tangeri plus sombre le jour que la nuit. Il a aussi tendance à s'assombrir quand il entre dans son terrier ou face aux prédateurs, mais sa coloration varie du pourpre au violet (pas de rouge ni de bleu), avec des pinces jaunâtres ou orange marron.

Les Uca, comme tous les crabes, n'ont pas d'ouïe, mais sont sensibles aux vibrations.

          

UCA DE TANGER

Nom (genre, espèce) :

Uca tangeri

Famille :

Ocypodidés

Infra-ordre :

Brachyoures

Ordre :

Décapodes

Classe :

Crustacés

Embranchement :

Arthropodes

Identification :

Front étroit entre les deux pédoncules oculaires, carapace et pinces granuleuses (d'où l'ancien nom de perlatus).

Couleurs changeantes, de pourpre à violet (pas de rouge ni de bleu). Pinces pouvant être jaunâtres ou orange mat

Taille :

Mâle : 47 mm de large, 33 mm de long pour la carapace (femelle de taille moindre), main + doigts du mâle plus de 5 cm

Habitat :

Diffère selon la latitude. Près des estuaires, l'embouchure des rivières, dans les mangroves, les plages abritées, dans la vase ou le sable

Répartition :

Atlantique oriental, de la côte sud du Portugal à l'Angola

Régime alimentaire :

Particules organiques du sable (ou de vase) ou proies diverses plus rarement

Structure sociale :

Vit en colonie. Construction du terrier. Signaux visuels et acoustiques

Maturité sexuelle :

Selon la latitude

Saison de reproduction :

Variant selon la latitude. Mœurs nocturnes au lieu de diurnes (comme chez les autres Uca)

Durée de gestation :

Inconnue

Nombre de mues :

Plusieurs mues larvaires (stades zoés), postlarvaires et à l'état adulte

Nombre de jeunes par portée :

Plusieurs milliers par ponte

Longévité :

Inconnue

 

 

Remarque :

Seule espèce d'Uca européenne

 

Signes particuliers

Pédoncule oculaire

En vue frontale, l'espace entre les pédoncules oculaires est beaucoup plus étroit chez Uca tangeri que chez de nombreuses autres espèces de Uca, qui ont des yeux très écartés. Au repos, les pédoncules oculaires sont couchés dans les orbites ; lorsque l'animal est actif, ils se dressent verticalement. Au-dessous se dessine la bouche, avec les deux pattes-mâchoires externes qui recouvrent les autres pièces masticatrices. L'œil se compose d'un très long pédoncule, portant à son extrémité la cornée pigmentée. Il est extrêmement mobile et offre au crabe un champ de vision très étendu.

Chélipède

Le chélipède (première paire de pattes thoraciques non ambulatoire) est formé de plusieurs articles mobiles. Il se termine, chez les deux sexes, et de chaque côté, par une pince dont le large corps est terminé par deux mors, l'un immobile (en bas), l'autre articulé et mobile (en haut). Chez le mâle, l'une des deux pinces grandit proportionnellement beaucoup plus que l'autre et finit par sembler démesurée par rapport à sa taille.

Antennes

Ces organes sensoriels, très petits, se situent en avant du corps, juste au-dessous de l'implantation des yeux, à la base du pédoncule. Les antennes sont des appendices très mobiles, composés de plusieurs articles, dont le dernier est multiarticulé. Elles transmettent des informations tactiles et olfactives.

Face ventrale

La face ventrale du crabe est constituée d'un plastron parcouru par des sillons. L'abdomen comporte sept segments. Les orbites forment deux larges gouttières en avant de la carapace, fournissant ainsi une bonne protection aux yeux.

Les autres crabes

Les crabes, ou brachyoures, sont les plus évolués de tous les crustacés. Ils forment un infra-ordre de l'ordre des décapodes (« dix pieds », ordre de crustacés qui comprend aussi les crevettes, langoustes, écrevisses, bernard-l'ermite, etc.).

Les brachyoures comptent une cinquantaine de familles extrêmement diversifiées et quelque 7 000 espèces dont l'une des plus connues est le tourteau, Cancer pagurus. Leur identification se base sur une multitude de critères, dont l'un des plus précieux, sur le plan anatomique, est la disposition des appendices copulateurs mâles, différents pour chaque espèce. Chez les formes évoluées, les chélipèdes (pattes munies de pinces) diffèrent d'un sexe à l'autre, et d'un côté à l'autre sur le même individu mâle (en général, les crabes sont droitiers).

Famille des dromiidés

Identification : carapace convexe et molle sur le dessus, front à trois dents. Pinces égales assez fortes. Avant-dernière et dernière paires de pattes, dorsales.

Répartition : mondiale, sauf dans les eaux vraiment froides.

Comportement : se camouflent en se protégeant le dos avec une éponge vivante, une valve de mollusque ou tout autre objet, qu'ils tiennent avec leur deux dernières paires de pattes, relevées et préhensiles ; ce qui leur a valu leur surnom de sponge crab en anglais (« crabe-éponge »).

Une espèce : Dromia, le genre principal, compte une espèce atlantique et méditerranéenne, Dromia personata.

Identification : carapace sculptée, tégument dur. Chez plusieurs espèces de dorippes, la carapace évoque une face humaine.

Répartition : zone indo-pacifique surtout, mais aussi océan Atlantique oriental et Méditerranée.

Comportement : se camouflent souvent en se recouvrant le dos avec un objet, telle une coquille de bivalve, tenu par des « crochets » sur leur dernière paire de pattes.

Quelques espèces : Dorippe facchino, de l'italien facchino, qui signifie « porteur » ; Heikea japonica joue un rôle dans le folklore japonais et chinois ; Medorippe lanata est une espèce méditerranéenne, africaine et de l'ouest de l'Inde.

Famille des majidés

Ce sont les araignées de mer. Famille d'une richesse extrême, regroupant environ 700 espèces.

Identification : carapace de forme plutôt triangulaire, terminée par un rostre et parfois couverte d'épines. Orbites petites ou absentes.

Répartition : surtout propre aux pays tropicaux, mais compte également des représentants dans les mers tempérées.

Comportement : certaines espèces sont douées d'un extraordinaire art du déguisement. Sur des soies en crochet qui ornent son corps et ses pattes, le crabe accroche avec ses pinces des éléments vivants, végétaux et animaux (éponges, corail...), qu'il cisaille à la bonne mesure de façon à laisser libres les yeux et les pattes-mâchoires. Ce camouflage est parfois si parfait que le crabe ne peut être reconnu ni de ses prédateurs ni de ses futures proies.

Quelques espèces : Maja squinado,, l'araignée de mer comestible européenne ; ainsi que le plus grand brachyoure, crustacé et arthropode existant, Macrocheira kaempferi, l'« araignée de mer géante du Japon », qui atteint presque 4 m d'envergure lorsqu'elle déploie ses pattes.

Famille des portunidés

Ce sont les crabes nageurs. De nombreuses espèces de cette famille sont comestibles, telle l'étrille, Portunus puber.

Identification : corps souvent aplati dorso-ventralement, avec un effet hydrodynamique ; dernière paire de pattes en forme de palettes natatoires.

Répartition : zone indo-pacifique.

Quelques espèces : Portunus pelagicus ; Portunus sanguinolentus, qui doit son nom à sa carapace bleue tachée de rouge ; le genre Callinectes compte un grand nombre d'espèces, dont le Callinectes sapidus, qui fait l'objet, en Amérique, de pêche industrielle pour l'alimentation.

Famille des calappidés

Appelés « crabes pudibonds » ou « crabes honteux », car ils semblent se voiler la face avec leurs deux grosses pinces.

Identification : carapace en forme de bouclier qu'ils enfouissent dans le sable.

Répartition : essentiellement tropicale ; représentants en Méditerranée.

Une espèce : Calappa granulata est une espèce méditerranéenne.

Crabes d'eau douce

Une dizaine de familles regroupant des centaines d'espèces.

Identification : ils possèdent ventralement une paire de très gros orifices en avant du cadre buccal.

Répartition : dans toutes les régions tropicales et intertropicales du monde, ainsi que sur le pourtour du bassin méditerranéen. Dans les montagnes et les forêts humides, mais aussi dans des zones semi-arides.

Comportement : reproduction en dehors de la mer par ovoviviparité.

Quelques espèces : Potamon potamios, qui vit dans la partie orientale du bassin méditerranéen (le crabe que les Grecs anciens ont placé dans les constellations du Zodiaque) ; Guinotia dentata dans les Petites Antilles.

Famille des ocypodidés

Le genre Ocypode est voisin du genre Uca avec Ocypode ceratophthalma, également appelé « crabe fantôme » parce qu'il est tout blanc et apparaît soudainement.

Identification : cornée occupant une grande partie de la face ventrale des pédoncules oculaires.

Répartition : régions tropicales et intertropicales, mais on le trouve quelquefois un peu au-delà.

Comportement : célèbre par sa vélocité et ses mœurs sociales, il agite frénétiquement l'un de ses chélipèdes pour attirer la femelle, et stridule, soit en chœur avec ses congénères du fond des terriers, soit sur la plage en signal d'alerte, de défense, de menace, ou de cour au moment des parades sexuelles. Certains sont prédateurs d'œufs ou de jeunes de tortues.

Quelques espèces : Ocypode africana vit sur la côte ouest-africaine. Ocypode cursor a les yeux prolongés par une touffe de soies.

Le genre Uca

Identification : semblables à Uca tangeri ; une pince hypertrophiée chez le mâle.

Répartition : principalement régions tropicales et intertropicales.

Quelques espèces : Uca terpsichores (crabe « qui danse »), Uca musica (crabe « qui chante »), Uca forceps (crabe qui possède des pinces effilées comme des forceps).

Famille des gécarcinidés

Elle rassemble des crabes terrestres. Certains sont comestibles, comme les « tourlourous » des Antilles, dont on fait les fameux crabes farcis.

Identification : gros crabes de forme arrondie.

Comportement : vivent à terre, jusque dans les plantations, les jardins, voire les maisons, s'éloignant parfois très loin de la mer ; longues et massives migrations pour retourner en mer pour la ponte et l'éclosion des œufs et pour la phase larvaire planctonique nageuse.

Répartition : régions tropicales d'Afrique, d'Amérique et d'Asie.

Quelques espèces : le crabe de terre Cardisoma carnifex des régions tropicales (appelé tupa en polynésien), qui peut atteindre 10 cm de large et 12 cm de long, se nourrit de végétaux et parfois de charognes. Gecarcinus ruricola vit dans un terrier où il se cache durant le jour.

Famille des grapsidés

Cette famille a des représentants littoraux, amphibies, semi-terrestres.

Identification : carapace quadrangulaire aux bords latéraux presque droits ; face dorsale presque plate, peu aréolée, parfois striée ; chélipèdes presque égaux.

Répartition : mondiale.

Quelques espèces : le « crabe des mangroves » Goniopsis monte à reculons sur les racines aériennes et les troncs ; le « crabe arboricole » Aratus, sans doute le meilleur grimpeur de tous les crabes, mange les feuilles à la façon d'une chenille, copule à 6 m de haut et ne revient dans la mer que pour pondre, les grapses, tel Grapsus grapsus, et les pachygrapses, tel Pachygrapsus marmoratus (Méditerranée, mer Noire et Atlantique), sont très agiles et habitent les zones rocheuses et les flaques.

Famille des mictyridés

Ce sont les seuls brachyoures à marcher en avant et non de façon oblique.

Identification : corps globuleux ; face ventrale renflée : pinces longues.

Répartition : surtout l'Australie.

Comportement : formes grégaires, les Mictyris déambulent, à heures fixes, le long de la plage en grandes troupes alignées. Se nourrissent en filtrant le sable et laissent des boulettes autour de leurs terriers.

Quelques espèces : Mictyris longicarpus habite les côtes tempérées et tropicales.

Milieu naturel et écologie

Les crabes violonistes sont présents dans les zones les plus chaudes de tous les continents. Leur limite de répartition la plus septentrionale se situe vers 34° de latitude nord, en Europe et au Japon, et 42° sur la côte américaine ; la limite méridionale est environ de 32° de latitude sud en Afrique et de 35° sur la côte de l'Uruguay, en Amérique du Sud. La côte tropicale de l'Amérique, sur le versant pacifique, est la région la plus riche en espèces. En effet, cette zone regroupe deux cinquièmes des espèces. Plusieurs espèces pouvant cohabiter dans le même milieu, la compétition et la reconnaissance entre les espèces deviennent essentielles.

Presque un tiers des espèces est répandu dans l'océan Indien et l'ouest de l'océan Pacifique, depuis la côte est-africaine jusqu'aux îles Marquises. Un petit nombre d'espèces est restreint à une aire de distribution très limitée ; c'est le cas, par exemple, d'Uca musica, qui est confiné au golfe de Californie.

Selon son sexe, son âge et sa période physiologique, Uca tangeri se place à des niveaux différents de son large biotope. Le recensement des milieux que le genre Uca occupe dans le monde fournit les données suivantes. Les exigences vitales d'Uca vont aux baies protégées, depuis les zones recouvertes d'une fine couche sableuse (mais excluant les plages composées seulement de sable) jusqu'aux zones les plus fangeuses. Son milieu privilégié est la mangrove (association végétale des zones vaseuses des littoraux tropicaux où croissent des forêts impénétrables de palétuviers), où le crabe violoniste abonde dans les marécages et dans la masse confuse des racines aériennes.

L'existence d'Uca est soumise à deux conditions essentielles : l'influence de la marée et un climat toujours chaud. Les crabes violonistes aiment l'eau salée, mais ils vivent également dans les eaux saumâtres et se rencontrent fréquemment dans des flaques boueuses, des marécages proches du littoral, dans des décharges vaseuses près des villes côtières, sur les berges des rivières. Les Uca sont abondants dans les estuaires et remontent parfois dans l'eau presque douce. On les voit également souvent mêlés à la végétation.

Cette étude met en évidence la grande capacité des crabes violonistes à s'adapter aux milieux les plus divers quant à leur température, leur humidité et leur salinité. Cependant, ces milieux leur permettent tous de creuser un terrier dans un substrat mou et de trouver leur nourriture.

En revanche, à de rares exceptions près, on ne trouve jamais d'Uca en pleine mer, dans les baies non protégées, dans les rochers, sur les côtes rocheuses battues par le vent, dans les récifs, sur le sable rocheux, sur les graviers et sur les plages sableuses.

Concurrence et prédateurs

Les prédateurs d'Uca sont surtout des mammifères, comme le raton crabier (Procyon cancrivorus), un cousin du raton laveur amateur de crabes, et divers oiseaux (héron, goéland, martin-pêcheur). Pour le manger, ces animaux utilisent, à quelques variantes près, la même méthode que l'homme : ils le décortiquent, en laissant parfois les parties dures de la carapace sur le sol des plages.

Des voisins chanteurs

Les plus proches parents des crabes violonistes, les Ocypode, habitent principalement dans les zones tropicales et subtropicales, où ils vivent pour la plupart en colonies. Les côtes sableuses représentent leur terrain de prédilection, car elles leur permettent de creuser des terriers profonds, parfois en forme de U et comportant deux orifices. Les mâles possèdent eux aussi une grande pince, mais moins démesurée que celle de Uca, qui leur permet d'accomplir des gestes.

Presque toutes les espèces sont stridulantes : elles sont équipées d'une crête striée sur la grande pince qui frotte sur une partie correspondante de cette même patte provoquant ainsi des sons aigus. Ainsi, il n'est pas rare d'entendre les Ocypode chanter en chœur du fond de leurs terriers.

Les crabes et l'homme

Démiurge ou démon du mal ?

Le crabe n'a pas toujours eu bonne réputation dans le monde occidental. Du cancer au cancre en passant par le chancre ou le panier de crabes, son nom sert à désigner toutes sortes de maux. Mais l'animal jouit aussi d'une grande renommée grâce à sa place dans le zodiaque et à sa saveur délicate. Sans parler de ses vertus médicinales et de son prestige symbolique pour les peuples d'Orient.

Langues et légendes du monde entier

Dans toutes les langues indo-européennes, les noms génériques pour désigner les crabes se ressemblent : en grec, karkinos,  en latin, cancer, en védique, karkatan, en anglais, crab, en allemand, krabbe, en italien, granchio, en espagnol, cangrejo, en portugais, caranguejo, etc. Les lettres « c » ou « k », « a » et « r » paraissent être des constantes dans la formation du mot crabe.

Dans la symbolique occidentale, le crabe est souvent l'objet d'interprétations péjoratives. On parle ainsi de « panier de crabes » pour un groupe de personnes dans lequel les conflits sont fréquents, de « vieux crabe » pour un monsieur âgé, pas très sympathique, borné et ridicule. Un « cancre », qui désignait initialement le tourteau, est un enfant paresseux, nul, et, jadis, désignait un homme rapace. Un chancre est une maladie provoquant des ulcères cutanés, et une autre « rongeant » l'écorce des arbres. Le cancer, familièrement appelé crabe, est la terrible maladie que l'on sait.

Dans la mythologie grecque, un cruel crabe géant vient à l'aide de l'Hydre de Lerne dans son combat contre Héraclès, en mordant celui-ci au pied. C'est d'ailleurs pour le récompenser de ses services qu'Héra, jalouse de ce fils qu'a eu son époux Zeus avec Alcmène, met le crabe au nombre des douze signes du zodiaque (c'est le cancer).

En Afrique, le crabe symbolise parfois le mal ou le démon du mal. En revanche, dans les pays orientaux, les crabes sont admirés, voire vénérés, et porteurs de riches symboles. Les crabes dorippes « à face humaine » de Chine ou du Japon sont considérés comme sacrés : la croyance veut qu'ils renferment l'âme d'un défunt, qu'ils soient le lieu de la réincarnation de l'âme des morts. Ce sont des objets de curiosité, utilisés pour la fabrication d'objets familiers (vases, tasses, pots, etc.), et une source d'inspiration pour les peintres.

Selon la tradition cambodgienne, le crabe est un symbole bénéfique : celui qui saisit un crabe en rêve s'attend à voir ses désirs comblés. Chez les Munda du Bengale, le crabe est un démiurge chargé par le Soleil de remonter la terre du fond des océans.

Le cancer, signe du zodiaque

Dans le système du zodiaque instauré vers 2 000 ans avant J.-C. par les Babyloniens, le crabe (ou l'écrevisse) constitue le signe de la constellation (signe du Cancer) dans lequel le soleil entre au solstice d'été, le 22 juin, au moment où les jours décroissent et où le soleil, descendant, semble rétrograder, peut-être par référence à la marche à reculons que l'on attribue souvent indûment au crabe.

Le crabe que les Grecs ont fait figurer dans le zodiaque (terme qui, en grec, signifie « cercle d'animaux » ou « constellation des vivants ») est non pas un crabe marin mais un crabe d'eau douce, le « crabe du lit des rivières ». À savoir un potamidé (Potamion potamos) à développement direct, qui vit dans les fleuves et les lacs de Grèce, et qui est également commun dans le Tigre et l'Euphrate, non loin de Babylone.

Selon les traditions astrologiques occidentales, le Cancer est un signe d'eau, peu actif et rêveur, paresseux et hypersensible.

Les crabes toxiques

De nombreuses espèces de crabes sont comestibles et très appréciées ; mais d'autres ont une chair toxique. On trouve des indications de crabes nocifs dans de très anciens traités pharmacologiques chinois, dans des récits d'anciens naturalistes et dans des rapports ethnographiques. Par ailleurs, on a souvent relaté des cas de troubles graves, d'empoisonnements et même de décès brutaux dans diverses régions indo-pacifiques, après l'ingestion de crabes. Plusieurs espèces du superbe genre Demania (surtout Demania Toxica) ont causé la mort en Inde et aux Philippines.

Dans les années 1960, les premières expériences de toxicologie furent entreprises par les Japonais et par des chercheurs de Singapour et des Philippines. C'est ainsi que fut découvert, dans la chair de certains crabes, un poison extrêmement toxique, plus précisément une neurotoxine qui n'est pas détruite par la chaleur de la cuisson. Un seul gramme de cette toxine peut tuer 42 000 souris ! On s'aperçoit aujourd'hui que la plupart des espèces de crabes rejetées par les populations locales, considérées dans la croyance populaire comme tabous, ou suspectées d'être nocives dans certaines régions, contiennent cette toxine.

Découvert au xixe siècle, menacé au xxe siècle

La découverte d'Uca tangeri remonte à 1830. Cette année-là, un naturaliste embarqué sur le navire la Victoire, qui se trouvait à marée basse au fond de la rade de Tanger, remarqua un très grand nombre de petits crabes, tous des mâles, à demi cachés dans la vase et dont seules les pinces émergeaient de leurs terriers. Les matelots s'en délectèrent, et, un peu plus tard, l'espèce était décrite comme nouvelle et baptisée d'après le lieu de sa récolte sur le rivage marocain. Peu de temps après, on reconnut d'autres Uca tangeri en Andalousie, puis au Portugal sur les côtes de l'Algarve.

À Cadix, le crabe violoniste est surnommé « écrevisse de mer », car il vit à l'embouchure du Guadalquivir dans les parties les plus élevées et fangeuses de la côte. C'est l'une des seules espèces d'Uca régulièrement consommée, en Andalousie et au Portugal : on chasse les crabes, mais on n'arrache que la grande pince (en andalou, carrasquena) du mâle, que l'on vend ensuite sur les marchés comme une friandise, un hors d'œuvre. Un ou deux ans plus tard, le crabe aura régénéré son chélipède amputé et, en cas de capture, on pourra à nouveau détacher cette belle patte de « première repousse » (zapatera). Elle sera alors remplacée par une patte plus petite, de « deuxième repousse », qui ne tentera plus guère les « chasseurs ».

Hormis Uca tangeri, pour sa « superpince », et une autre espèce commercialisée au Japon, les crabes violonistes sont peu consommés dans le monde. Mais certaines espèces disparaissent par suite de la pollution, de drainage, de la destruction de la mangrove ou des milieux naturels.

Fascinants crabes violonistes

Les Uca ont fait l'objet de très nombreux travaux d'éthologie sur le terrain et en captivité, avec l'étude de leurs signaux sonores (enregistrements) et visuels (films).

L'Américaine Jocelyn Crane, notamment, a consacré sa vie aux Uca, passant des heures dans les élevages de crabes, les bras et les jambes dans la boue pour les examiner. Passionnée par la vie et les mœurs des crabes, elle s'est interrogée particulièrement sur les mystères de leurs variations de couleurs (son grand ouvrage, Fiddler Crabs of the World, une référence mondiale, date de 1975). L'Allemand O. von Hagen et l'Américain M. Samon, ont quant à eux consacré, à sa suite, plusieurs dizaines d'années à l'étude des mœurs des Uca.

De la mer à l'assiette

Contrairement aux Uca, de nombreux crabes sont pêchés ou chassés par l'homme dans le monde entier, et ils constituent un apport non négligeable de protéines dans l'alimentation humaine. De plus en plus, on en fait des conserves ou des produits congelés, sur une grande échelle, par exemple, au Japon. Le surimi, bâtonnets de chair de poisson mixée, est le plus souvent aromatisé avec un goût de crabe).

Le « crabe royal du Kamtchatka » (king crab, en anglais), à la chair délicieuse, n'est pas un crabe mais un très gros bernard-l'ermite terrestre (Paralithodes camchaticus, famille des coenobitidés).

Bien plus qu'un mets

Les crabes jouent un rôle important dans la médecine traditionnelle de l'Afrique ou de l'Asie : on leur prête des propriétés tonifiantes, antifébriles, diurétiques, calmantes...

Pour les Indiens, la consommation de crabe est censée purifier et régénérer le sang. Pour les Chinois, les crabes fossilisés seraient de formidables antidotes et vermifuges, ils auraient même le pouvoir d'améliorer la vue. Sans parler des rites magiques qui veulent que l'on porte la carapace en amulette pour éloigner les démons.

Jusqu'au xixe siècle, certaines parties des crabes ont été utilisées dans la médecine européenne : on leur attribuait des vertus antitoxiques, diurétiques, fortifiantes, antirabiques.

Cependant, les recherches pharmacologiques faites depuis lors prouvent que ces animaux n'ont pas ces vertus. En revanche, ils peuvent avoir des effets bénéfiques contre les goitres dus à un manque d'iode ou contre les maladies provoquées par des carences en vitamines ou en acides aminés. La poudre obtenue par broyage de leur carapace pourrait calmer les douleurs des ulcères d'estomac.

La chitine du tégument des crabes, avec son dérivé, le chitosane, constitue une ressource de plus en plus convoitée par les industriels pour des utilisations aussi variées que la peau artificielle et les fils de suture en chirurgie, l'enrobage des semences, la pâte à papier, les produits de beauté.