chat sauvage

Chat sauvage
Chat sauvage

La discrétion de ce beau félin nocturne est peut-être une des raisons qui ont rendu difficile l'observation de son évolution. Hôte des forêts et de leurs lisières, il vit en Europe, en Asie et en Afrique. Le chat domestique, un peu plus petit, descend des populations africaines de chats sauvages.

Introduction

Les quelques données paléontologiques concernant les félidés de petite taille ne permettent guère de remonter aux origines du chat sauvage. La lignée à laquelle cet animal appartient, aux côtés du chaus, du manul ou du chat à pieds noirs, se serait séparée, il y a entre 4 et 6 millions d'années, de l'autre lignée importante des félins qui a abouti aux panthères, aux lynx, aux pumas et aux tigres. C'est ce qu'on a pu établir grâce aux techniques moléculaires auxquelles les paléontologues font appel aujourd'hui.

Bien que peu abondants, les fossiles indiquent que le chat sauvage est apparu d'abord en Europe. Son ancêtre est probablement Felis lunensis, une espèce datant du début du pléistocène. Cet animal ressemblait sans doute à une panthère primitive ou à un puma.

La transition vers les chats sauvages modernes daterait du milieu du pléistocène, lorsque les animaux étaient encore de grande taille. Puis les restes de chats sauvages sont nombreux dans les dépôts de la dernière glaciation, vers 10 000 avant J.-C., et de la période postglaciaire. C'est à cette époque que s'est produite une diminution graduelle de la taille de ce félidé.

Différentes formes de chats sauvages se rencontrent actuellement dans l'Ancien Monde. Selon certains chercheurs, il y a 20 000 ans environ, une séparation nette entre les chats sauvages d'Europe et ceux d'Afrique se serait produite. Mieux adapté aux écosystèmes secs postglaciaires d'Asie et d'Afrique, le chat sauvage africain serait apparu dans ces régions, se substituant au chat d'Europe. D'autres pensent que les formes européenne et africaine sont deux espèces distinctes. Certains identifient même une troisième espèce, correspondant aux populations d'Asie. Mais les observations des experts italiens Randi et Ragni ont montré que les différences génétiques ne justifiaient pas une telle séparation.

La nomenclature retenue actuellement fait donc du chat sauvage d'Europe, ou « chat forestier », du chat d'Afrique et du chat d'Asie centrale, trois principales sous-espèces de l'espèce Felis silvestris même s'il en existe une vingtaine.

Protégée dans la majorité des pays d'Europe, l'espèce est surtout menacée par des risques d'hybridation avec des chats domestiques redevenus sauvages et par le morcellement de son habitat forestier.

La vie du chat sauvage

Une vie nocturne assez solitaire

Apparemment, le chat sauvage est plutôt solitaire. Néanmoins, la sociabilité de cet animal ne se réduit pas à des rencontres de hasard ou liées seulement aux besoins de la reproduction. Ce félin peut avoir de nombreux contacts avec ses congénères et une vie sociale dont l'organisation se manifeste à travers l'agencement des territoires individuels.

Un comportement territorial changeant

Très difficiles à observer directement, en raison de leur discrétion, ces félins ont été étudiés dans les plateaux des Highlands, en Écosse, et dans les forêts de Lorraine, en France. En Écosse, femelles et mâles adultes, pistés par radio, parcourent individuellement en un mois des étendues d'environ 1,7 km2. La dimension et les contours des territoires occupés par les femelles varient continuellement, mais ceux-ci restent centrés autour d'une zone riche en ressources alimentaires. Les mâles choisissent généralement d'autres espaces et ne retrouvent les femelles, dans certaines aires dites « de chevauchement », qu'au moment du rut ou uniquement à cause de conditions météorologiques exceptionnelles – tempête ou neige. Chaque individu s'assure ainsi l'exclusivité de la nourriture sur son territoire.

En Lorraine, en revanche, où l'alimentation des chats sauvages est à base de rongeurs, qui s'y trouvent en abondance avec une répartition relativement homogène, les zones de chevauchement des territoires des mâles et des femelles sont multiples. Le chat sauvage est donc en contact permanent avec deux ou trois congénères de sexe opposé.

Le chat sauvage en lorraine

Le chat sauvage en Lorraine



En Lorraine, les femelles, les jeunes mâles ou les chats les plus âgés occupent des territoires contigus, de 2 km2 environ, souvent à la lisière des forêts. Les aires des mâles adultes, plus vastes (de 5 à 11 km2), incluent celles de 3 à 5 femelles. On trouve fréquemment un territoire de femelle là où se recoupent 2 territoires de mâles.

Un rythme d'activité irrégulier

Mâle ou femelle, le chat sauvage se déplace surtout au crépuscule ou pendant la nuit, marquant son territoire et chassant selon un rythme qui varie beaucoup d'un animal à l'autre. La femelle est moins vagabonde, exploite son territoire avec plus de régularité et revient souvent au même gîte. Le mâle, au printemps surtout, se déplace au trot rapide de 3 à 6 km/h durant une grande partie de la nuit, tout en pratiquant une chasse itinérante. Il visite ainsi, à intervalles réguliers de quelques jours, chacun des sites fréquentés par une femelle.

L'activité de certains animaux ne débute qu'entre 16 h et 18 h, pour se terminer au petit jour, avant 7 h du matin, parcourant entre 8 et 20 km chaque nuit. Ainsi, en Écosse, 93 % de l'activité du chat se déroule entre 16 h et 4 h du matin. Dans la journée, l'animal se repose.

En Lorraine, près du tiers des déplacements de certains chats sauvages ont lieu en plein jour, surtout au printemps et en automne.

Un chasseur rapide et victorieux

Comme la plupart des félidés, le chat sauvage pratique deux types de chasse, une chasse itinérante et une chasse qu'on peut qualifier de « stationnaire ». Cet excellent grimpeur, ne chassant jamais dans les arbres, mais toujours au sol, se nourrit surtout de rongeurs et de lapins de garenne, consommant les oiseaux, lorsqu'ils nichent au sol.

Au cours de sa chasse itinérante, dite « à la billebaude », le félin explore de son regard perçant chaque bord de chemin, chaque buisson, et visite les terriers, attentif au moindre bruit. Une fois sa proie repérée, il s'en approche furtivement, dans le plus grand silence, progressant vite ou lentement selon les cas, ou par à-coups. Lorsqu'il estime être suffisamment proche, il se ramasse sur lui-même, puis se fige avant de bondir sur sa victime.

La chasse dite « stationnaire » se déroule sur une parcelle de 1 à 2 hectares. Le chat sauvage reste alors immobile, parfois plusieurs dizaines de minutes d'affilée, l'air endormi. Soudain mis en éveil, il se déplace de quelques mètres, tente une capture, puis reprend son affût patient.

Un régime monotone

Un chat sauvage d'âge adulte consomme environ de 400 à 500 g de nourriture par jour. S'il ne se nourrit que de petits rongeurs, la durée minimale de la chasse est de 7 à 9 heures, car il ne réussit ses prises que dans 50 % des cas.

Comme tous les félidés, le chat sauvage privilégie les proies animales ; il consomme aussi régulièrement des végétaux pour favoriser sa digestion et son transit intestinal. Les mammifères de taille égale ou inférieure à celle du lièvre sont les proies les plus courantes, les oiseaux ne constituant une part substantielle de sa nourriture qu'en bordure de mer, ou dans les zones humides du Caucase (24,8 %) ou de la Moldavie (de 14 % pour les foulques à 52 % pour les rousserolles). En Europe continentale, en Lorraine notamment, il consomme surtout des petits rongeurs ; ils sont présents dans 88 % à 97 % des fèces ou des estomacs analysés.

Dans les régions où ils sont abondants, les lapins de garenne remplacent les rongeurs. Au centre de l'Espagne, ils représentent 71 % de la nourriture consommée et les rongeurs seulement 15 %. En Écosse, au printemps, il s'agit surtout de lapereaux ; en automne et en hiver, de lapins myxomateux. L'hermine, la belette, la martre, la fouine sont des proies occasionnelles. Des surmulots ou des rats musqués sont parfois capturés le long des étangs ; le félin pêchant même des poissons d'un mouvement vif en s'approchant du bord. Certains amphibiens, comme les grenouilles, peuvent être largement exploités durant le frai. En été et en automne, les chats sauvages peuvent aussi avaler des insectes, mais en quantité négligeable. En revanche, les reptiles sont appréciés par les chats forestiers de l'Europe méridionale. Enfin, certains insectivores, comme les taupes et les musaraignes, peuvent aussi devenir des proies.

Rongeurs ou lapins

Rongeurs ou lapins



Selon une étude réalisée en Lorraine, les rongeurs représentent la part la plus importante de l'alimentation des chats sauvages. S'y ajoutent des oiseaux et des batraciens (3,1 %). En Écosse, l'analyse de 546 crottes de ces félins, à Glen Tanar, montre que les proies sont surtout des lagomorphes : lapins et, plus rarement, lièvres.

Des rencontres parfois très agressives

Lors de leurs rencontres, les chats communiquent entre eux par des signaux visuels s'accompagnant souvent de vocalises. Lorsqu'un chat sauvage nomade, par exemple, pénètre sur le territoire d'un chat sédentaire, celui-ci augmente les marquages olfactifs qu'il laisse à l'intérieur de son domaine et de ses gîtes. Face au propriétaire d'un territoire, l'intrus adopte une attitude craintive qui peut se teinter d'agressivité. Qu'il soit au sol, perché sur un arbre ou sur une souche, il se ramasse, dos arc-bouté et queue basse. Puis, les oreilles rabattues sur le côté et la tête baissée, il souffle et crache en direction de son adversaire dont les oreilles, couchées en arrière jusqu'à s'effacer entièrement, expriment une attitude défensive ou la crainte.

Des chatons tout tigrés et très joueurs

Chez le chat sauvage, le rut a lieu la plupart du temps en janvier et en février. Les mâles émettent alors, à intervalles de plus en plus rapprochés, un miaulement grave et monocorde, caractéristique. Ils parcourent leur territoire en le marquant plus intensément que de coutume, notamment sur les sites occupés par les femelles.

La durée des chaleurs des femelles est plutôt courte – de 5 à 6 jours en moyenne. Néanmoins, si les premiers accouplements aboutissent à un échec, ou si la première portée a été précocement perdue, les femelles peuvent entrer à nouveau en chaleur, au moins jusqu'en août.

La majorité des naissances se produit au début du printemps, mais les petits issus d'accouplements tardifs peuvent naître les mois suivants, jusqu'au début octobre. L'étalement de la période de reproduction avait fait croire autrefois aux chercheurs que le chat sauvage mettait au monde 2 portées par an. En réalité, il n'en est rien.

La gestation dure de 63 à 69 jours, après quoi la femelle met bas sur un sol nu, bien nettoyé et toujours à l'abri de la pluie. Les jeunes sont le plus souvent au nombre de 3 ou 4, mais certaines portées peuvent comprendre jusqu'à 7 chatons. Ils naissent tout poilus, avec un pelage laineux, mais aveugles.

Des abris secrets pour la mise-bas

La femelle choisit son site de mise-bas dans des endroits bien dissimulés : tas de branchages ou de bûches, arbres creux, souches au niveau du sol, anfractuosités rocheuses ou encore constructions élaborées par l'homme : cabane forestière abandonnée ou nichoirs de chouette, de hulotte... Le choix des terriers de blaireaux ou de renards est moins courant. En tout cas, cette extrême discrétion rend difficile l'étude et l'observation de la naissance.

Les endroits où les chatons peuvent jouer sont très peu marqués et les fèces sont rassemblées en 1 ou 2 emplacements, souvent recouverts de feuilles mortes. En outre, lorsqu'elles sont dérangées, les femelles décampent aussitôt avec leur portée.

Les yeux des chatons s'ouvrent entre le septième et le douzième jour. Ils commencent à marcher au bout de 16 jours au minimum, de 20 au maximum. L'allaitement dure entre 6 et 7 semaines. Lors des premières semaines, la femelle apporte elle-même la nourriture aux petits et on imagine que, par la suite, les jeunes accompagnent leur mère dans des pérégrinations de plus en plus longues sur le territoire de celle-ci.

La maturité sexuelle est atteinte dès l'âge de 10 mois, et il est probable que les jeunes partent alors à la recherche d'un territoire. En Allemagne, dans le Harz, des jeunes mâles ont été retrouvés à une distance variant de 3 à 55 kilomètres de leur lieu de naissance. Mais on ne connaît que peu de chose sur cette dispersion des jeunes qui doit comporter une mortalité importante.

Le ronronnement, typique de tous les petits félidés apparaît très tôt. C'est d'abord une manifestation de contentement réservée à la mère. Plus tard, il est destiné à d'autres congénères et s'accompagne alors de cris ou de miaulements de sympathie.

Pour tout savoir sur le chat sauvage

Chat sauvage (Felis silvestris)

Le chat sauvage partage avec les autres membres de la famille des félidés un grand nombre de caractères externes, du crâne et des dents en particulier. Sa démarche souple et silencieuse est assurée par des coussinets plantaires, larges et trilobés, et des coussinets digitaux. Les griffes courtes, arquées, très acérées, protégées par des lobes cutanés formant un fourreau, sont en partie rétractiles et maintenues au-dessus du sol pendant la marche. Les tissus interdigitaux sont extensibles et facilitent la souplesse des membres antérieurs, très robustes, lorsqu'il s'agit de saisir une proie.

Les vibrisses labiales sont très développées. Étendues en arc de cercle devant la gueule au moment de la capture, elles orientent ainsi la morsure avec une grande précision. L'aspect extérieur du chat sauvage est, en gros, comparable à celui du chat domestique. Il s'en distingue cependant par sa très grande stature et la robustesse de ses membres, dégageant une impression de puissance et d'agilité supérieures. La silhouette familière du chat domestique paraît plus courte et plus ronde.

Le chat sauvage d'Europe se distingue surtout par la longueur de sa fourrure et par sa queue cylindrique et épaisse, au bout relativement large. En Afrique, l'animal ressemble davantage à un chat domestique tigré au pelage pâle, tandis que la robe des représentants de l'espèce en Asie est tachetée plutôt que rayée.

Le pelage des mâles est identique à celui des femelles. L'hiver, il est plus foncé et plus argenté que l'été. La couleur de fond du manteau varie selon les individus. Trois phases peuvent être distinguées : grise, fauve clair ou, plus rarement, sombre (mélanique). Cette dernière est surtout présente chez les chats sauvages vivant en Écosse. Cette double coloration fauve-gris n'est pas une caractéristique typique du chat sauvage, elle se rencontre très fréquemment chez les autres félidés.

La truffe est rose cerclée de noir, les vibrisses sont blanches. Le poids de l'adulte a été beaucoup exagéré. Parfois, on a parlé de 9 à 13 kg, mais ces chiffres ne sont pas plausibles : de tels chats seraient de véritables géants, si l'on tient compte des corrélations existant entre le poids et la longueur du corps. En outre, ce poids varie de façon considérable selon les saisons, la différence pouvant porter sur 2,5 kg pour des individus de même longueur.

Les sous-espèces

Il existe 23 sous-espèces de chat sauvage mais trois groupes principaux :

Felis silvestris silvestris, présent en Europe, en Asie Mineure, au Caucase ;

Felis silvestris lybica, qui vit en Afrique, en Asie du Sud-Ouest et au nord de l'Inde ;

Felis silvestris ornata, en Asie centrale.

          

CHAT SAUVAGE

Nom (genre, espèce) :

Felis silvestris

Famille :

Félidés

Ordre :

Carnivores

Classe :

Mammifères

Identification :

Un peu plus grand que le chat domestique, robe jaune pâle à gris foncé, queue annelée terminée par un manchon noir, rayures généralement peu marquées

Taille :

De 45 à 70 cm (tête et corps) ; queue de 26 à 32 cm ; de 25 à 35 cm de hauteur au garrot

Poids :

5 kg en moyenne (mâles) ; 3,5 kg en moyenne (femelles)

Répartition :

Eurasie, Afrique et Asie du Sud-Ouest

Habitat :

Forêts de feuillus, steppes et savanes ; absent des déserts et de la zone tropicale

Régime alimentaire :

Carnivore

Structure sociale :

Solitaire et territorial

Maturité sexuelle :

À l'âge de 10 mois

Saison de reproduction :

Surtout le début du printemps

Durée de gestation :

De 63 à 69 jours

Nombre de jeunes par portée :

De 1 à 7

Poids à la naissance :

100 g

Longévité :

Entre 12 et 18 ans en captivité, inconnue dans la nature

Effectifs, tendance :

Plusieurs dizaines de milliers d'animaux ; stables globalement mais en régression ou menacés localement

Statut, protection :

Annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction). Espèce protégée en Europe et en Asie centrale, mais dans certains pays africains seulement

Remarque :

Risque important d'hybridation avec le chat domestique errant

 

Signes particuliers

Yeux

La rétine, riche en bâtonnets, assure l'acuité de la vision nocturne. La pupille change considérablement de taille selon que l'animal est en pleine lumière ou dans la pénombre. Le croisement vertical des fibres musculaires de part et d'autre de la pupille, typique du genre Felis, permet une fermeture presque parfaite sous une forte lumière.

Pattes

Les pattes avant sont munies de 5 doigts, le premier doigt, placé très haut, ne laissant pas d'empreinte au sol ; les pattes arrière possèdent 4 doigts.

Crâne

Très bombé, le crâne est nettement plus large que long. Chez le chat sauvage, la crête sagittale n'est pas marquée comme chez les grands félins, c'est la surface du crâne qui permet à elle seule l'attachement des puissants muscles des mâchoires. Il n'existe aucune dépression à la jonction des os nasaux et frontaux.

Intestin

Les félins ont un intestin court, du fait de leur régime alimentaire carnivore. L'intestin du chat sauvage d'Europe est beaucoup plus court que celui du chat domestique.

Dents

Le développement des muscles confère une très grande force aux mâchoires.

Celles-ci sont munies de 30 dents. La formule dentaire par demi-mâchoire est : I3/3 ; C1/1 ; PM3/2 ; M1/1. Les carnassières (4e prémolaire supérieure et 1re molaire inférieure), notamment, sont extrêmement tranchantes. Elles sectionnent les aliments, qui sont avalés sans être mâchés.

Os hyoïde

Formant un H, l'appareil hyoïde relie l'arrière du crâne au larynx et à la trachée. Ses deux branches supérieures, soudées à leur base à la tige verticale de l'os, sont ossifiées chez les Felis, qui ronronnent, et constituées d'un ligament élastique chez les Panthera, qui rugissent.

Les petits chats de l'ancien monde

Parmi les 37 espèces de félidés existantes, seules 7 appartiennent désormais au genre Felis, dont le chat domestique (Felis catus) et le chat sauvage. Dix espèces ont été reclassées dans d'autres genres. Plusieurs sont en danger, en particulier les espèces du Sud-Est asiatique, menacées par une déforestation qui n'a cessé d'augmenter. Pour la plupart, seule leur distribution est connue, leurs mœurs n'ayant fait l'objet d'aucune étude.

Caracal (Caracal caracal)

Identification : de 13 à 19 kg ; pelage brun-jaune, court ; ventre clair ; longs pinceaux aux oreilles.

Répartition : steppes et savanes ; Turkestan, nord-ouest de l'Inde, Arabie, Afrique ; évite les déserts de sable.

Effectifs et statut : population totale estimée à plus de 50 000 individus matures aptes à la reproduction. Espèce considérée comme rare sur une grande partie de son aire de répartition. Les populations asiatiques sont inscrites à l'Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction), celles d'Afrique à l'Annexe II. Sa chasse est interdite en Algérie, Inde, Iran, Israël, au Kazakhstan, Maroc, Pakistan, Tadjikistan, en Tunisie, Turquie, au Turkménistan et en Ouzbékistan. En Afrique sub-saharienne, il est protégé dans la moitié de son aire de répartition.

Chat doré d'Afrique (Profelis aurata)

Identification : de 5 à 16 kg ; haut sur pattes ; pelage court ; robe tachetée, en Afrique de l'Ouest, unie en Afrique centrale et de l'Est.

Répartition : forêt hygrophile équatoriale de l'ouest et du centre de l'Afrique.

Alimentation : oiseaux, mammifères.

Comportement : solitaire et nocturne.

Effectifs et statut : menacée par la déforestation et par la raréfaction de ses proies, l'espèce, dont l'effectif total est estimé à moins de 10 000 individus matures, est considérée comme « vulnérable » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) depuis 2002 et inscrite à l'Annexe II de la Cites. Sa chasse est interdite en Angola, au Bénin, Burkina Faso, Congo, Ghana, en Côte d'Ivoire, au Kenya, au Liberia, Nigeria, Rwanda, en Sierra Leone et République démocratique du Congo.

Chat bai (Catopuma badia)

Ce petit félin n'est connu que par quelques dépouilles et n'a jamais été élevé en captivité.

Identification : de 50 à 60 cm de long sans la queue ; tête rayée de bandes noires et blanches. Pelage brun-roux brillant et peu tacheté ou gris ardoise bleuté, selon les régions.

Répartition : Brunei, Indonésie (Kalimantan), Malaisie (Sabah et Sarawak).

Effectifs et statut : population estimée à moins de 2 500 individus matures. Espèce classée dans la catégorie « en danger » par l'U.I.C.N. en 2002. Menacée par la chasse illégale. Inscrite à l'Annexe II de la Cites. Chasse et commerce interdits en Indonésie (Kalimantan) et en Malaisie (Sabah et Sarawak).   

Chat léopard du Bengale (Prionailurus bengalensis)

L'un des félidés les plus largement répandus.

Identification : il pèse de 3 à 7 kg. En Asie du Sud, le pelage typique est jaune, tacheté de noir, rappelant celui des petits félins d'Amérique du Sud. Il existe cependant plusieurs sous-espèces de tailles et colorations variables.

Répartition : forêts de toutes altitudes : toute l'Asie du Sud et de l'Est. Philippines et Indonésie ; mais aussi Mandchourie, aux abords des villages et dans la taïga.

Alimentation : petits rongeurs.

Comportement : vivrait peut-être en couples ; activités surtout la nuit et au crépuscule.

Effectifs et statut : population totale estimée à plus de 50 000 individus matures avec une tendance au déclin due à la destruction de son habitat. Les populations du Bangladesh, de l'Inde et de Thaïlande sont inscrites à l'Annexe I de la Cites. L'espèce est protégée par les législations nationales et sa chasse est interdite au Bangladesh, en Birmanie, au Cambodge, à Hong Kong, en Inde, en Indonésie, au Japon, en Malaisie (sauf Sabah), au Népal, au Pakistan, aux Philippines, en Russie, en Thaïlande et à Taïwan.

Chat d'Iriomote (Prionailurus iriomotensis)

Identification : décrit pour la première fois vers 1967, ce chat pourrait être une population insulaire du chat léopard du Bengale. Il pèse de 3 à 5 kg. Pelage gris-brun foncé parsemé de taches noires ; griffes pas entièrement rétractiles.

Répartition : forêt vierge subtropicale de l'île japonaise d'Iriomote.

Alimentation : petits rongeurs, oiseaux d'eau et crabes.

Statut : espèce classée « en danger » par l'U.I.C.N. sous le nom de P. bengalensis iriomotensis. Inscrite à l'Annexe II de la Cites.

Chaus (Felis chaus)

Aussi appelé chat des marais.

Identification : ce grand chat pèse de 5 à 9 kg, mais des poids de 16 kg sont cités. Reconnaissable à sa tête allongée et à son pelage ras brun, sable, roux, gris-brun ou gris jaunâtre ; sortes de pinceaux de poils au bout des oreilles. Il a été souvent momifié et placé dans les tombeaux dans l'ancienne Égypte.

Répartition : aire étendue mais fragmentée. Il fréquente les zones humides des bords des cours d'eau mais aussi les milieux boisés, plus secs et broussailleux, et les régions de culture ouvertes. De l'Égypte à l'Inde, et Asie du Sud-Ouest et centrale.

Alimentation : régime éclectique ; petits mammifères et lièvres, mais aussi oiseaux, reptiles, lézards et parfois des baies.

Effectifs et statut : population estimée à plus de 50 000 individus matures. Espèce inscrite à l'Annexe II de la Cites. Sa chasse est interdite au Bangladesh, en Birmanie, Chine, Inde, Israël, au Pakistan, Tadjikistan, en Thaïlande et en Turquie.  

Chat des sables (Felis margarita)

Identification : ce petit chat, qui pèse moins de 3 kg, a une couleur sable à ocre ; oreilles très larges, un peu comme un fennec ; ouïe très développée ; pattes courtes dont le dessous est couvert de poils épais, ce qui facilite l'adaptation aux sables, souvent brûlants, sur lesquels il se déplace.

Répartition : terrains très arides et dunes de sables ; Afrique du Nord, Proche-Orient, Péninsule arabique, Asie centrale, Tchad, Niger, Pakistan. 

Alimentation : rongeurs et oiseaux migrateurs en hiver.

Effectifs et statut : population estimée à moins de 50 000 individus matures. Espèce rare malgré sa vaste aire de répartition et classée dans la catégorie « quasi en danger » par l'U.I.C.N. en 2002. Inscrite à l'Annexe II de la Cites. Chasse interdite en Algérie, Iran, Israël, au Kazakhstan, en Mauritanie, au Niger, au Pakistan et en Tunisie.

Chat de Biet (Felis bieti)

Identification : long de 68 à 84 cm sans la queue, il ressemble au chat sauvage d'Europe par sa queue épaisse et annelée, mais il est plus grand ; fourrure très épaisse, de couleur gris pâle jaunâtre ; oreilles terminées par de courts pinceaux de poils ; pieds recouverts de poils comme ceux du chat des sables, mais ce n'est pas un véritable habitant des déserts.

Répartition : montagnes du nord et du centre de la Chine jusqu'à 3 000 m d'altitude ; steppes de Mongolie.

Effectifs et statut : animal rare et assez mal connu. Population totale estimée à moins de 10 000 individus matures. Classé dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. en 2002. Inscrit à l'Annexe II de la Cites. L'inscription à l'Annexe I est recommandée.

Chat manul (Felis manul)

Identification : poids de 2,5 à 3,5 kg ; tête ronde et large ; front fuyant : petites oreilles implantées très latéralement ; très longs poils qui le font ressembler à une véritable boule de fourrure ; pelage brun-roux et gris jaunâtre ; queue noire dessus et brune dessous ; pupilles se contractant en cercle.

Répartition : régions montagneuses jusqu'à 4 000 m d'altitude, déserts et steppes ; Asie centrale, Iran, Afghanistan, Arménie, Azerbaïdjan, Chine, Mongolie, Inde, Pakistan.

Alimentation : petits rongeurs, parfois des oiseaux.

Comportement : vie solitaire et diurne.

Effectifs et statut : population totale estimée à moins de 50 000 individus matures. Espèce davantage menacée dans son aire de répartition méridionale (Pakistan, Iran). Classée dans la catégorie « quasi en danger » par l'U.I.C.N. en 2002. Inscrite à l'Annexe II de la Cites. Chasse interdite en Arménie, Chine, Inde, Iran, au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Mongolie, au Pakistan, en Russie, au Turkménistan et en Ouzbékistan.

Chat marbré (Pardofelis marmorata)

Identification : silhouette très proche de celle des gros chats comme les panthères, mais ne pèse que de 2 à 5 kg. La couleur du pelage va du gris-brun au brun-jaune et au roux avec des taches noires sur les flancs.

Répartition : forêts tropicales depuis le Népal jusqu'à l'Asie du Sud-Est, Bornéo et Sumatra.

Effectifs et statut : espèce peu connue, extrêmement rare et menacée. Population totale estimée à moins de 10 000 individus matures. Espèce classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. en 2002. Inscrite à l'Annexe I de la Cites. Chasse interdite au Bangladesh, en Birmanie, au Cambodge, en Chine (dans le Yunnan), Inde, Indonésie, Malaisie, au Népal et en Thaïlande.

Chat à pieds noirs (Felis nigripes)

L'un des plus petits félidés.

Identification : pèse de 1 à 1,7 kg ; petite tête ronde ; pelage brun-jaune, couvert de rayures et de taches d'un noir intense.

Répartition : steppes et milieux semi-désertiques d'Afrique du Sud et du Sud-Ouest.

Alimentation : petits mammifères (rongeurs), oiseaux, petits reptiles (lézards).

Comportement : très solitaire. Les mâles et les femelles n'auraient que de très brèves rencontres.

Effectifs et statut : population estimée à moins de 10 000 individus matures. Espèce classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N en 2002. Inscrite à l'Annexe I de la Cites. Chasse interdite au Botswana et en Afrique du Sud.

Chat à tête plate (Prionailurus planiceps)

Identification : poids de 1,6 à 2,2 kg ; corps long et pattes courtes, ce qui le fait ressembler à une grosse belette ; fourrure brun-roux à brun foncé, formée de poils épais et longs ; taches sombres sur la gorge et l'intérieur des pattes tête aplatie ; oreilles petites et arrondies ; pattes semi-palmées, à griffes courtes et peu rétractiles, facilitant la pêche.

Répartition : milieux humides et bords de rivière, dans le Sud-Est asiatique, en Malaisie, à Bornéo et à Sumatra.

Alimentation : poissons, batraciens.

Comportement : sans doute nocturne.

Effectifs et statut : population estimée à moins de 10 000 individus matures. Espèce classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. en 2002. Menacée en raison notamment de la contamination de ses proies par la pollution (composants chimiques et métaux lourds), liée à l'activité agricole. Inscrite à l'Annexe I de la Cites. Protégée par les législations nationales. Chasse interdite en Birmanie, Indonésie, Malaisie et Thaïlande.   

Chat rubigineux (Prionailurus rubiginosus)

C'est le plus petit chat du monde.

Identification : moins de 2 kg ; pelage gris ou brun, tacheté de roux.

Répartition : forêts montagneuses, mais surtout régions broussailleuses sèches de milieux semi-ouverts, en Inde ; forêts tropicales au Sri Lanka.

Alimentation : oiseaux et petits mammifères.

Comportement : animal très agile ; il chasse la nuit, est peu craintif et s'approche des habitations.

Effectifs et statut : population totale estimée à moins de 10 000 individus matures. Espèce classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. en 2002. La population indienne est inscrite à l'Annexe I de la Cites, la population sri lankaise en Annexe II.

Serval (Leptailurus serval)

Identification : cet élégant chat aux longues pattes et à la tête fine possède de très grandes oreilles caractéristiques, qui lui permettent de se déplacer dans les hautes herbes et de déceler les faibles sons émis par les rongeurs. Il pèse 8,6 à 18 kg. Son pelage jaune sable pâle est parsemé de larges taches et de rayures noires.

Répartition : brousse et prairies de graminées d'une grande partie de l'Afrique, au sud du Sahara. Un reste de population subsiste en Afrique du Nord. Il évite les forêts humides et les déserts.

Alimentation : rongeurs et autres petits mammifères de la taille du lièvre, oiseaux terrestres, lézards, serpents.

   Effectifs et statut : population totale estimée à plus de 50 000 individus matures. Espèce inscrite à l'Annexe II de la Cites. Chasse interdite en Algérie, au Botswana, Congo, Kenya, Liberia, Mozambique, Nigeria, Rwanda, et en Afrique du Sud (dans la province du Cap). La sous-espèce Leptailurus serval constantinus (Afrique du Nord) est en danger ou peut-être même en voie d'extinction.

Chat de Temminck (Catopuma  temminckii)

Identification : grand chat de 12 à 15 kg ; tête rayée de bandes noires et blanches, très typiques ; pelage très variable selon les régions, brun doré à brun-noir ou rouge doré et gris au sud de son aire, très tacheté et rayé au nord de son aire.

Répartition : régions boisées et rocheuses ou brousse ; Asie, depuis l'Himalaya jusqu'en Asie du Sud-Est, en Malaisie et à Sumatra en passant par la Chine.

Comportement : probablement solitaire, ses mœurs sont inconnues.

Effectifs et statut : population totale estimée à moins de 10 000 individus matures. Espèce classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. en 2002. Inscrite à l'Annexe I de la Cites. Protégée par les législations nationales. Chasse interdite au Bangladesh, en Birmanie, au Cambodge, en Chine, Inde, Indonésie, Malaisie, au Népal, en Thaïlande et au Viêt Nam.   

Chat pêcheur (Prionailurus viverrinus)

Identification : de 8 à 14 kg ; queue très courte ; ressemble à une civette, d'où son nom latin ; paraît très massif ; membres particulièrement robustes. Il peut marcher en maintenant ses doigts écartés, ce qui lui permet de mieux se déplacer sur les terrains marécageux.

Répartition : grandes forêts marécageuses, mangroves et estuaires depuis l'Inde et le sud de la Chine jusqu'à l'Asie du Sud-Est et Sumatra.

Alimentation : mammifères jusqu'à la taille d'un faon, poissons, crabes, mollusques.

Comportement : solitaire ou vivant en couple ; sans doute en partie diurne.

Effectifs et statut : population totale estimée à moins de 10 000 individus matures. Espèce classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. en 2002. Inscrite à l'Annexe II de la Cites. Protégée par les législations nationales. Menacée par la disparition des zones humides. Chasse interdite au Bangladesh, en Birmanie, au Cambodge, en Chine, Inde, Indonésie, au Népal, Pakistan, Sri Lanka et en Thaïlande.

Milieu naturel et écologie

L'aire de répartition du chat sauvage, Felis silvestris, est particulièrement vaste, à l'exception des continents américain et antarctique. La sous-espèce africaine se trouve un peu partout en Afrique, sauf dans les zones très désertiques et dans la forêt tropicale humide, mais également en Asie, dans les régions sèches du Sud-Ouest, depuis l'Iran jusqu'au sud de la Russie et en Inde. Sa population exacte et son statut actuel sont cependant très mal connus, d'autant que ce chat sauvage peut être aisément confondu avec le chat domestique tigré, ce qui ne facilite pas les recherches. La sous-espèce européenne, à la fin de la préhistoire, peuplait probablement tout le continent, ainsi que l'Asie Mineure et le Caucase. On ne le rencontre plus actuellement que dans une partie seulement du continent : au sud, dans les Pyrénées françaises et espagnoles, sur toute la péninsule Ibérique, et tout à fait au sud de la péninsule italienne ainsi que dans les Apennins ; à l'est, dans les Balkans et les Carpates, en Asie Mineure et dans le Caucase ; au nord, dans le Harz allemand, la région de l'Eifel, les Ardennes belges et le nord-est de la France, essentiellement en Lorraine, Bourgogne, Champagne-Ardenne et Franche-Comté. Dans les régions nordiques, les populations se trouvent particulièrement dispersées ; en Grande-Bretagne, par exemple, le chat sauvage n'occupe plus que le nord de l'Écosse. En Méditerranée, les deux sous-espèces se partagent les îles : l'européenne en Sicile, l'africaine en Corse, en Sardaigne, et peut-être en Crète et aux Baléares.

Ce morcellement de l'aire de répartition originelle s'est sans doute produit peu à peu, au cours des changements climatiques et à cause de la régression des massifs forestiers. Pourtant, le déclin s'est accéléré, sur le continent européen, entre la fin du xviiie siècle et le début du xxe siècle, entraînant l'extinction complète de l'espèce en Autriche, en Hollande, au pays de Galles ou encore en Bohême et en Moravie. Dans d'autres pays, comme la Suisse, la Pologne ou en Moldavie et en Ukraine, le long du Dniestr, le chat sauvage se cantonne aujourd'hui dans une toute petite partie de son aire d'origine.

Une recolonisation naturelle

Entre 1930 et 1950, certaines régions furent recolonisées, sans intervention humaine, à partir des noyaux de population qui subsistaient. Ce fut le cas en Écosse, dans le nord-est de la France, en Belgique, dans différentes régions d'Allemagne et dans les Carpates occidentales de Slovaquie. La mobilisation des hommes durant les deux guerres mondiales a ralenti les destructions, et la politique de reboisement et la protection de l'espèce mises en œuvre dans de nombreux pays ont favorisé cette recolonisation.

Aujourd'hui, les populations européennes de chats sauvages sont plutôt stagnantes : si l'expansion est réelle dans certaines régions, dans d'autres, il y a au contraire recul – c'est le cas en Écosse, en Allemagne et dans les Carpates slovaques. En Écosse, la sous-espèce Felis silvestris grampia a été classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. en 1996.

La sous-espèce africaine des îles méditerranéennes est certainement la plus menacée. Proche de l'extinction en Corse, elle est extrêmement vulnérable en Sardaigne et en Crète.

Des milieux de vie très variés

En Europe, le milieu typique du chat sauvage se situe dans les grands massifs forestiers et à leurs lisières. L'espèce vit tout aussi bien en plaine, en basse montagne ou en moyenne montagne, mais une continuité forestière est absolument nécessaire.

Dans les vastes régions de plaine où la déforestation a été importante, comme en Allemagne, en Pologne, dans le nord-ouest de la Russie, l'espèce a disparu. En Europe de l'Ouest et en Europe centrale, le félin occupe surtout les massifs de feuillus ou les forêts mixtes entre 300 et 800 mètres d'altitude. Selon une étude effectuée en Écosse par une équipe de chercheurs du Nature Conservancy Council, qui a mis en relation la présence du chat sauvage dans cette région et étudié les caractéristiques de son milieu, il en résulte que les félins préfèrent les landes entrecoupées de pâtures extensives, de forêts et de petites cultures. À l'inverse, ces animaux sont rares en haute montagne, le long des côtes et dans les zones de cultures intensives en plaine.

En France, le chat sauvage réalise sa niche écologique dans des zones où alternent lisières et prairies, forêts et clairières, ou encore pentes vallonnées et éboulis ainsi que bords de ruisseaux. Il semble avoir une prédilection pour les jeunes forêts et les zones de reboisement. Le chat forestier aime également les zones humides et les bois situés sur les rives des grands fleuves. En Moldavie en particulier, il occupe, sur les bords du Dniestr, de vastes roselières ombragées de saules creux et de peupliers noirs. En Roumanie, il est abondant dans les forêts que le Danube menace d'inondations. Enfin, en Europe méridionale, l'habitat inclut des formations de chênes verts, de maquis, de garrigue et de steppe. Dans ce cas, la sous-espèce européenne se rapproche de celle d'Afrique qui, elle, hante la savane, les maquis épineux et, en général, les terrains semi-arides.

De rares incursions dans les fermes

Il arrive que des chats sauvages s'approchent de l'habitat humain. Des portées ont été découvertes à proximité de maisons isolées. Mais, en Hongrie et en Lorraine, le suivi d'animaux équipés de colliers émetteurs a montré que ces cas sont exceptionnels ; d'habitude, ce félin évite les abords des fermes, au contraire du chat domestique qui s'en tient aux environs des habitations et ne s'aventure que rarement dans les territoires, plus vastes, de l'espèce sauvage.

Lorsque l'hiver est rude cependant, quand le sol est couvert de neige et que les rongeurs se font rares, des incursions de chats sauvages dans les poulaillers peuvent se produire. De telles interventions sont dues, semble-t-il, à des anomalies – un handicap physique, par exemple. En Allemagne, sur trois cas de chats sauvages capturés dans des fermes isolées, l'un d'eux avait, avant sa capture, eu les canines brisées et un autre avait eu un membre antérieur sectionné par un piège...

En Angleterre, après la raréfaction des lapins (due, dans les années 1950, à la myxomatose), les irruptions de chats sauvages se sont accrues dans les poulaillers.

Le phénomène d'hybridation

La raréfaction de l'espèce dans certaines régions a multiplié les cas d'hybridation avec des chats domestiques redevenus sauvages. Le phénomène se voit tant en Europe qu'en Afrique, sauf dans les zones reculées de brousse du Sud-Ouest africain.

En Europe, les hybridations sont une conséquence directe de la chute des effectifs au xixe siècle et du morcellement des populations, mais également des recolonisations en limite de l'aire de répartition. Ces conditions ont favorisé en effet les croisements entre chats forestiers et chats errants, en raison du manque de partenaires.

Dans certains pays d'Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, l'hybridation a été si fréquente qu'en Israël, par exemple, on ne trouve pratiquement plus de chats tout à fait sauvages. À long terme, la sous-espèce pourrait disparaître, d'autant qu'à l'époque du rut, lorsque les mâles sauvages entrent en compétition pour une femelle avec les chats domestiques errants, il semble que le chat sauvage ait le dessous. Récemment, deux études, l'une menée en Italie, l'autre en Écosse, ont tenté d'évaluer l'importance des hybridations. Les chercheurs italiens Randi et Ragni ont comparé certaines enzymes des espèces sauvage et domestique ainsi que celles des chats hybrides, et ont conclu qu'il n'y avait pas de phénomène d'hybridation régulière entre les populations des chats forestiers et les chats domestiques vivant dans les mêmes lieux. En Écosse, en revanche, les chercheurs ont abouti à un résultat différent en comparant cette fois les caractéristiques crâniennes des chats forestiers postérieurs à 1975 (« modernes ») et celles de chats vivant entre 1953 et 1963 (« récents ») ou ayant vécu entre 1900 et 1940 (« anciens »). La confrontation met en évidence de fortes différences entre les chats modernes et récents par rapport aux anciens.

L'hybridation dans les populations reconstituées pourrait être en train de diminuer.

Le chat sauvage et l'homme

Une réputation de cruauté injustifiée

Animal sacré pour les Égyptiens, qui sont sans doute à l'origine de sa domestication, le chat sauvage fut beaucoup pourchassé et recherché pour sa fourrure dans toute l'Europe au siècle passé. Les programmes de réintroduction de l'espèce dans les massifs forestiers, que celle-ci peuplait avant d'être décimée, sont encore à leurs débuts.

Un félin très vulnérable, victime des hommes

La chasse, le piégeage souvent pour la vente des peaux, et le trafic routier sont en partie responsables du déclin du chat sauvage en Europe.

Peu méfiant, le chat sauvage se laisse facilement prendre dans les pièges. En U.R.S.S., dans les années 1950, de 9 000 à 11 000 peaux de chats forestiers étaient encore vendues chaque année, la plupart venant du Caucase. En Allemagne, dans plus de 85 % des cas recensés entre 1954 et 1988, c'est l'homme qui a provoqué la mort de ces animaux – 50 % de la mortalité étant due à la chasse, 22,7 % au trafic routier.

Les chiffres avancés sont sans doute excessifs, étant donné que l'on ne connaît pas le taux de mortalité naturelle des félins, notamment parmi les jeunes. Toutefois, une enquête menée sur le déclin des carnivores en Grande-Bretagne depuis le xviiie siècle montre que la conservation ou la restauration de l'habitat seul ne suffisent pas à assurer le maintien d'une population si les animaux eux-mêmes ne sont pas protégés. Le piégeage a régressé avec la mise en vigueur d'une réglementation protégeant l'espèce.

Une protection difficile

Depuis 1980, le chat sauvage est maintenant inscrit à l'Annexe II de la Convention de Berne, ce qui lui assure un statut de protection intégrale dans les pays qui ont ratifié cette convention. Et, pour pallier sa disparition, plusieurs tentatives de repeuplement ont été faites, mais sans trop de succès. Le plus souvent, un tout petit nombre d'animaux, moins d'une trentaine dans le meilleur des cas, ont été relâchés. Un ambitieux programme de repeuplement, très élaboré, s'est déroulé dans les années 1980-1990 en Bavière. Le chat sauvage y avait disparu dès la fin du xixe siècle. De 1984 à 1989, 129 animaux (75 mâles et 54 femelles, nés pour la plupart en captivité) ont été lâchés après un temps d'acclimatation dans des enclos où ils apprenaient à chasser des proies. L'expérience s'est accompagnée d'une importante campagne de presse et d'information.  Après la déception suscitée par le faible taux de survie dans les premières années, l'opération est considérée aujourd'hui plutôt comme un succès.

Bête féroce ou chat sacré

Le chat sauvage d'Afrique est à l'origine du chat domestique. Sa première domestication est fréquemment attribuée aux Égyptiens, environ 2 000 ans avant J.-C., qui vénéraient l'animal. Vers 1 600 avant J.-C., les premiers chats domestiques représentés sur les peintures égyptiennes étaient encore étroitement proches du chat sauvage d'Afrique. Ils vivaient dans les temples, où les mâles étaient consacrés au dieu-soleil, Râ, qui maintient l'ordre et l'harmonie universels, et les femelles, à la déesse de la Fertilité, Bastet. De multiples œuvres d'art les représentent, un couteau dans une patte, en train de trancher la tête du serpent Apophis, l'ennemi du Soleil. Malgré leur caractère sacré, il semble que beaucoup de chats moururent sacrifiés. Les chercheurs Armitage et Clutton-Brock n'ont trouvé qu'un seul animal âgé de plus de 2 ans dans l'échantillon qu'ils ont étudié ; la majorité des animaux sacrifiés étaient des chatons de 1 à 4 mois. À leur mort, les chats, domestiques ou sauvages, étaient momifiés. Au xixe siècle, les restes de milliers d'entre eux, retrouvés dans le cimetière sacré des chats à Bubastis, furent utilisés comme ballast ou réduits en poudre pour servir de fertilisant.

En Europe, c'est à la sorcellerie que le chat domestique a d'abord été associé, au Moyen Âge, ce qui lui a valu de nombreuses persécutions. L'espèce sauvage ne semble pas avoir été particulièrement visée, mais elle acquit une solide réputation de cruauté, dont témoignent les bestiaires et les ouvrages naturalistes qui décrivent l'animal comme une véritable bête féroce « capable de tuer beaucoup plus de proies qu'elle ne peut en dévorer ».

Grâce à une meilleure connaissance des mœurs de l'animal, la littérature contemporaine, en revanche, montre le chat sauvage sous un aspect beaucoup moins odieux.