technologie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec technologia.

Philosophie Générale, Philosophie Cognitive, Philosophie des Sciences

Étude des outils, des procédés et des méthodes employés dans les diverses branches de l'industrie.

Le terme désigne aussi l'ensemble des termes techniques propres aux sciences, aux arts et aux métiers. En ce sens général, l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de d'Alembert et de Diderot peut être considérée comme un immense traité de technologie(1). Reprenant la conception leibnizienne selon laquelle une encyclopédie, pour être complète, doit dresser le catalogue des vérités scientifiques, consigner tous les procédés des arts et des métiers, et recueillir jusqu'aux tours de main des artisans, les encyclopédistes joignent aux dix-sept volumes de textes onze volumes de planches qui sont autant de recueils précieux des outils et des machines utilisés au xviiie s., juste avant la révolution industrielle. La finalité de l'ouvrage est de rendre la philosophie populaire, c'est-à-dire de rendre accessibles au public les progrès effectués dans les sciences, arts et métiers quels qu'ils soient, ce qui peut être l'origine et l'occasion de nouvelles découvertes et inventions. Diderot déclare toutefois que les articles de mécanique, par exemple, n'apporteront rien au savant mécanicien, mais qu'il pourra trouver, dans l'ouvrage, l'état du savoir et des techniques dans tel ou tel domaine qui n'est pas le sien.

Depuis deux siècles, on assiste à une mécanisation de plus en plus poussée des rapports de l'homme au monde et à des progrès techniques vertigineux à la fois dans le traditionnel monde des sciences, des arts et des métiers, et dans ce qu'on appelle le monde des nouvelles technologies, qui concernent essentiellement l'information et la communication (servomécanismes, cybernétique, informatique).

Si, comme Habermas(2) et Marcuse(3) l'affirment, ces progrès s'accompagnent d'une idéologie de la science et de la technique, qui vise à promouvoir, sous couvert de neutralité et d'inexorabilité des progrès scientifiques et techniques, une idéologie de l'opérationnel, il est clair que l'enjeu principal des nouvelles technologies est d'ordre éthique. Les nouvelles technologies, pour ne pas perdre précisément le sens encyclopédique de la technologie, doivent aussi se donner pour objet d'apprendre au public à contrôler ces nouveaux outils et à ne pas confondre, par exemple, information et connaissance. Car penser qu'Internet suffit à rendre les hommes maîtres de leurs rapports au savoir et aux connaissances, c'est verser dans un vain et dangereux optimisme et oublier aussi bien la pensée d'Aristote que de Leibniz, qui soulignent qu'il est inutile d'avoir lu tous les recueils d'ordonnance pour devenir médecin, de même qu'il est inutile de connaître toutes les rues de Londres si l'on demeure à Paris. C'est dans cette réflexion sur les critères de distinction entre techniques d'accès à la connaissance, connaissance et fonction de la connaissance que se joue le nouveau sens du terme « technologie ».

Véronique Le Ru

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Encyclopédie des sciences, des arts et des métiers, éditée par d'Alembert et Diderot, Paris, Briasson, David, Le Breton et Durand, 35 vol., 1751-1780.
  • 2 ↑ Habermas, J., La Technique et la science comme « idéologie », trad. J. R. Ladmiral, Gallimard, Paris, 1973.
  • 3 ↑ Marcuse, H., L'Homme unidimensionnel, trad. M. Wittig, Minuit, Paris, 1968.
  • Voir aussi : Ellul, J., le Bluff technologique, Hachette, Paris, 1987.

→ connaissance, science, technique