synthèse
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du grec sunthesis, pour « réunion, composition ».
Philosophie Générale, Histoire des Sciences, Philosophie Cognitive
Méthode inverse de l'analyse.
L'analyse est le mouvement de l'esprit qui part du donné (qui peut être d'ordre intellectuel, une proposition mathématique non démontrée, par exemple) et qui remonte de condition en condition vers l'élément simple qui est la raison ou la condition du donné ou de la proposition considérée au départ. La synthèse est le mouvement inverse : elle part de la mention et de la saisie de l'élément simple ou condition (qui peut être nommé, selon les cas, axiome, hypothèse ou postulat), pour parvenir à la reconstruction intellectuelle du donné ou de la proposition considérée par l'analyse comme problématique au départ et qui, au terme de la synthèse, apparaît comme la conséquence du raisonnement déductif.
Ces termes d'« analyse » et de « synthèse » ont été employés d'abord par les mathématiciens grecs(1). Le mot « analyse », du grec analusis, « décomposition, résolution », signifie la décomposition rationnelle d'une proposition en ses éléments simples qui expriment les raisons de cette proposition. L'analyse cherche à atteindre l'élément, l'idée, le principe ou encore le fondement rationnel ; elle est l'invention de la démonstration. Cela ne veut pas dire qu'elle est la démonstration, mais qu'elle ouvre sur la démonstration que la synthèse accomplit, qu'elle y prépare et qu'elle la permet. C'est pourquoi « analyse » signifie « décomposition » mais aussi « résolution » : l'analyse résout la manière dont on doit traiter le problème, c'est-à-dire qu'elle contient, replié en elle, l'ordre de la démonstration que l'on doit suivre. La fonction de la synthèse est précisément de déplier cet ordre. Par exemple, si l'on pose comme problème de faire passer un cercle par trois points donnés, l'analyse montre que, pour résoudre le problème, on doit trouver le centre du cercle, condition qui donne son rayon, puisque trois points de sa circonférence sont donnés, et, pour trouver le centre du cercle, il suffit de trouver un point équidistant aux trois points donnés au départ. La synthèse part de cette condition et démontre que le point équidistant aux points donnés au départ est le centre du cercle qui passe par ces trois points.
Descartes reprend ce double sens de l'analyse et de la synthèse en faisant de l'analyse l'ordre d'invention du vrai et de la synthèse l'ordre d'exposition du vrai(2). L'analyse est toujours du côté de l'invention, et la synthèse du côté de la mémoire et des effets de l'art d'inventer. Dans les Réponses aux secondes objections, il précise que l'analyse est une voie ardue qui demande beaucoup d'attention de la part de celui qui s'y exerce, alors que la synthèse, en revanche, présente l'avantage considérable d'être didactique et pédagogique, même pour ceux qui sont peu attentifs. Avantage cependant doublé d'un inconvénient majeur : la synthèse, pour déployer l'ordre de la démonstration, est tributaire de l'analyse, alors que l'inverse n'est pas vrai. L'analyse se suffit à elle-même pour inventer le vrai, tandis que la synthèse est une méthode qui n'invente rien, mais qui explicite la démonstration d'un problème.
Véronique Le Ru
Notes bibliographiques
→ analyse, invention, logique, méthode, ordre
synthèse culturelle
En allemand : Kultursynthese. Terme créé par le théologien et philosophe allemand E. Troeltsch.
Philosophie de la Religion
Programme ayant pour double objectif de recomposer l'unité plurielle de la tradition européenne et de reconstituer une culture politique à la fois unie et pluraliste.
Il s'agit de dépasser la « voie spécifique » (Sonderweg) que l'Allemagne est censée avoir suivi depuis le xviiie s., tant dans le domaine théorique qu'en politique, par opposition à la « pensée occidentale », fondée sur les idées de droit naturel, d'humanité et de progrès(1). La notion de synthèse culturelle s'enracine dans l'historisme, qu'elle entend en même temps dépasser. Troeltsch réfère cette notion de synthèse culturelle à Ranke : « Comme le disait Ranke lui-même, [...] chaque époque doit se forger à partir de son propre point de vue une compréhension des grandes lignes de l'histoire »(2). Dans chaque période doivent être dégagés les principes déterminants de l'histoire (Grundgewalten, Urgewalten). Ces « forces élémentaires » sont les principes agissants de la synthèse politique opposée par Troeltsch au déchirement de l'Occident. Cette dernière ne vise pas l'abolition des différences mais la compréhension, le compromis. Il n'y a pas de téléologie – du moins pas de téléologie certaine ici-bas – qui garantisse une fusion ; l'histoire reste le domaine de la pluralité et du pluralisme. Il en va de même en politique(3).
Gérard Raulet
Notes bibliographiques
→ compréhension, droit, historisme, progrès