soi
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Calque de l'anglais self.
Psychologie, Psychanalyse
1. (substantif) Concept développé par la psychanalyse anglaise et américaine à partir de 1950, situé soit à l'intérieur du champ de la psychanalyse, soit en opposition au « moi », considéré comme trop restrictif. – 2. (pronom réfléchi) Terme issu de la philosophie et utilisé en psychologie associé à d'autres concepts ou notions.
C'est à H. Hartmann (1950) que l'on peut attribuer l'introduction du concept de soi, tout d'abord dans le champ psychanalytique, à partir d'une critique de la deuxième topique freudienne, ce qui l'amènera à fonder le courant de l'ego-psychology, en rupture avec Freud et Lacan, lequel traitera cette école de « chancre ».
En 1960, D. W. Winnicott reprend le concept de Self (non traduit en français) à partir du constat, chez de nombreux patients, de l'existence d'un « faux self », allant du normal au pathologique, et dont la fonction est de dissimuler et de protéger le « vrai self ». Le Self est donc, d'emblée, clivé entre le vrai et le faux qui s'étayent l'un et l'autre sur les relations précoces mère-nourrisson. H. Kohut, fondateur de l'École de la psychologie du soi, fait également du soi une construction archaïque et clivée, dans les pathologies graves, entre un soi pauvre, du fait de la défaillance maternelle, et un soi grandiose, masquant et compensant le vide du vrai soi. À la différence de Winnicott, Kohut se démarque de plus en plus des textes freudiens par un éloignement du concept d'inconscient au profit d'une visée adaptative du sujet, envisagé lui-même en rupture totale avec le sujet lacanien. Il minore également le rôle du complexe d'Œdipe, pour faire du mythe de Narcisse le fondement du soi et la clé de la cure. Fr. Dolto (1956) lie également narcissisme primaire et formation du « soi-même », notion proche du surmoi, étayée sur l'« image inconsciente du corps » et évoluant avec la libido.
Le soi pronom réfléchi représente une manière de se désigner soi-même, se distinguant de l'immédiateté du « je » du cogito (Ricœur, 1990). Il est nécessairement associé à un autre terme : « conscience de soi » (Piaget, 1923, 1926), « sens de soi » (Stern, 1989), « représentation de soi », « image de soi »... Il représente alors une instance intégrative, non clivée, émergeant à partir de l'activité propre, et source de l'individualisation et de la personne, englobant la composante sociale.
Le soi, dans ses acceptions variées, n'a pas de statut métapsychologique. Il se substitue souvent au moi, dans un souci de marquer une distance, voire une opposition à la théorie psychanalytique. En psychologie, ce concept flou a une faible valeur opératoire.
Marie-Claude Fourment-Aptekman
Notes bibliographiques
- Dolto, Fr., le Sentiment de soi. Aux sources de l'image du corps (1956, conférence), Seuil, Paris, 1997.
- Kohut, H., The Analysis of the Self, New-York International University Press, 1971, trad. Le Soi, PUF, Paris, 1974.
- Piaget, J., le Langage et la Pensée chez l'enfant, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel-Paris, 1923.
- Piaget, J., la Représentation du monde chez l'enfant, Alcan, Paris, 1926, PUF, 1946.
- Ricœur, P., Soi-même comme un autre, Seuil, Paris, 1990.
- Stern, D. N., le Monde interpersonnel du nourrisson, PUF, Paris, 1989.
- Winnicott, D. W., « Distorsion du Moi en fonction du vrai et du faux “self” », 1960, in Processus de maturation chez l'enfant, Développement affectif et environnement, Payot, Paris, 1970.
→ je, moi, narcissisme, sujet, surmoi