simultanéité

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


De simultané, du latin simultaneus, de simul, « ensemble ».

Physique

1. Classiquement, occurrence en un même temps. – 2. Dans le cadre de la théorie de la relativité restreinte : critère de base à partir duquel sont définies les relations temporelles et spatiales valant dans divers repères inertiels.

Entre les concepts classique et relativiste de la simultanéité, une inversion s'est produite. Tandis qu'en physique classique, le concept de simultanéité est élaboré à partir d'une précompréhension du temps et de sa mesure, en physique relativiste, les règles de coordination des temps mesurés découlent d'une réflexion préalable sur les énoncés de simultanéité. Examinons donc les raisons de ce retournement.

La définition classique de la simultanéité comme coïncidence temporelle de deux événements survenant à distance quelconque l'un de l'autre extrapole le constat de coïncidence locale. Mais l'extrapolation ne vaut que sous certaines conditions. La première serait la validité d'une conception dogmatique-absolutiste du temps, qui le tiendrait pour indépendant des opérations de chronométrie, voire des relations entre événements naturels. La seconde condition, que suppose implicitement la première, consisterait en un ensemble de circonstances favorables pour ces opérations de chronométrie : (a) maintien de la synchronisation des horloges quel que soit le repère choisi, et (b) possibilité, fournie par des signaux se propageant à vitesse infinie d'assurer la coïncidence temporelle de deux événements distants e1 et e2 en constatant la coïncidence locale de e1 et d'un signal provenant de e2.

Dans son article fondateur de la théorie de la relativité, publié en 1905, Einstein remet en question chacune des conditions précédentes. Il écarte la conception absolutiste du temps, en admettant que les relations temporelles reposent sur des relations physiques entre événements. Il suspend son jugement quant au maintien de la synchronisation des horloges d'un repère à un autre. Et il pose, parmi les deux postulats de sa théorie, que la vitesse de propagation des signaux et des influences causales ne peut excéder celle, notée c, de la lumière dans le vide. Une nouvelle définition de la simultanéité d'événements spatialement distants est à partir de là requise.

Choisir une définition de la simultanéité n'a rien de trivial. On peut en distinguer deux variétés. La variété la plus générale, dite de simultanéité topologique, découle de la seule limitation de la vitesse de propagation des influences causales. Deux événements sont dits topologiquement simultanés (ou séparés par un intervalle du genre espace) si aucune interaction causale ne peut prendre place entre eux. Cette définition est très robuste, en ce sens qu'une relation de simultanéité de ce type, établie dans un repère inertiel donné, vaut également pour tous les autres repères inertiels. Mais elle manque de pouvoir discriminant, car un grand nombre d'événements survenant au point P1 doivent selon elle être dits simultanés à un événement e2 survenant au point P2. Ce sont tous les événements qui surviennent entre le dernier instant où un signal de vitesse inférieure ou égale à c parti de P1 peut atteindre e2, et le premier instant où un signal de vitesse inférieure ou égale à c émis par e2 peut atteindre P1.

Une seconde variété de définition, plus sélective, de la simultanéité est donc requise. Cette variété, qualifiée de métrique, repose non seulement sur la limitation de la vitesse des signaux, mais aussi sur une convention. Supposons qu'un signal lumineux parte de P1 au temps tA, que sa réflexion en P2 coïncide avec la survenue de e2 et qu'il revienne à P1 au temps tB (tous les temps étant ici évalués par une horloge du repère R1 lié à P1). Celui des événements localisés en P1 qui doit être dit, selon la convention d'Einstein, métriquement simultané à e2, est l'événement e survenant au temps t = tA + 1/2(tB – tA).

Mais, quelle que soit la convention choisie (c'est-à-dire quelle que soit la valeur comprise entre 0 et 1 qui peut remplacer le coefficient 1/2 dans l'expression précédente), la simultanéité métrique dépend du repère inertiel où sont pratiquées les évaluations chronologiques. Dans un repère se déplaçant à vitesse uniforme par rapport à R1, e et e2 ne seraient plus métriquement simultanés (alors qu'ils seraient toujours topologiquement simultanés). C'est ce qu'on appelle la relativité de la simultanéité.

Michel Bitbol

Notes bibliographiques

  • Einstein, A., Œuvres choisies 2, Relativités I, Seuil, Paris, 1993.
  • Granbaum, A., Philosophical Problems of Space and Time, Reidel, 1973.

→ espace-temps, relativité