réminiscence

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin reminisci, « se souvenir ».

Philosophie Antique

Souvenir d'un savoir antérieur temporairement oublié.

La Grèce archaïque a divinisé la mémoire, Mnèmosunè, et pratiquait des exercices spirituels de remémoration des vies antérieures. C'est pour lever l'objection sceptique qui rendrait toute connaissance impossible que Platon effectue la transposition philosophique de l'ascèse remémoratrice. Au sophisme qui nie qu'on puisse chercher ce qu'on ne connaît pas, parce qu'on ne saurait alors « même pas ce qu'on doit chercher »(1), Platon oppose la croyance selon laquelle « la recherche et le savoir ne sont que réminiscence [anamnesis] »(2). La mémoire acquiert ici une fonction cognitive : elle change d'objet et ne préside plus au rappel de vies antérieures, mais au transport de l'âme des réalités sensibles vers leurs modèles intelligibles contemplés jadis(3). La condition de possibilité d'un savoir véritable s'exprime donc encore dans le langage mythique de la transmigration de l'âme, mais cette théorie de la réminiscence doit pourtant être tenue pour la première expression du rationalisme, dans la mesure où elle dote l'homme d'une capacité d'accès aux réalités intelligibles qui ne doit rien à l'expérience sensible.

Aristote parachève la démythologisation de la réminiscence. Il la distingue encore de la « mémoire » (mneme), mais lui ôte toute dimension métaphysique. Son opuscule De la mémoire et de la réminiscence différencie la mémoire, simple conservation du passé, commune aux hommes et à certains animaux, et la réminiscence, qui n'est plus alors que la faculté proprement humaine de rappeler volontairement et de reconnaître le souvenir. Alors que la réminiscence platonicienne est arrachement au devenir et accès à l'immuabilité des Idées, la réminiscence aristotélicienne est totalement inscrite dans le flux temporel.

Pour expliquer comment on se souvient de ce qui n'est pas là, Aristote est amené à comprendre le souvenir comme une empreinte laissée en l'âme par une sensation passée. Discutant cette théorie des empreintes qui rend l'âme passive, Plotin – renouant avec la pensée de Platon – affirme l'activité de l'âme qui connaît et fait de la « mémoire » (mneme) l'actualisation d'un savoir intemporel toujours déjà en puissance dans l'âme(4).

Sylvie Solère-Queval

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Ménon, 80 e.
  • 2 ↑ Platon, Ménon, 81 d ; Phédon, 72 e.
  • 3 ↑ Platon, Phèdre, 249 c-d.
  • 4 ↑ Plotin, Ennéades, IV, 6 [41].
  • Voir aussi : Vernant, J.-P., Mythe et pensée chez les Grecs, « Aspects mythiques de la mémoire », Maspero, Paris, 1965, pp. 51-78.

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