promesse
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Morale, Philosophie du Droit, Politique
Acte par lequel une personne libre s'engage à accomplir une action future. On donne sa parole de fournir quelque chose à quelqu'un, ce qui crée obligation et engage la confiance. La promesse se rapproche ainsi de l'alliance, du vœu, du serment, du contrat.
Hobbes lie promesse et contrat. Le contrat est un transfert mutuel de droits qui présuppose le concours de deux volontés, c'est-à-dire enveloppe l'acceptation de celui qui reçoit. Cette transaction mutuelle peut ne pas s'accomplir simultanément ; en ce cas, le pacte du contrat est ce que l'on promet d'accomplir ensuite. On se fonde donc sur la bonne foi de celui qui promet ou sur une confiance mutuelle. Promettre est un acte volontaire, la fin d'une délibération et porte donc sur un acte futur et jugé possible, on engage sa liberté, et « là où la liberté cesse, l'obligation commence »(1). Quel est le fondement de cette obligation, quel est le garant de cette confiance ? « Tout ce qui se fait volontairement est fait pour quelque bien de celui qui veut. » Il s'ensuit que les promesses faites sous la crainte sont valides, puisqu'on évalue la grandeur respective de deux maux (le modèle est le fait de jeter sa cargaison par-dessus bord, par crainte de la mort lors d'une tempête, exemple qui renvoie à l'Éthique à Nicomaque, l'acte est accompli de plein gré), que certaines promesses ne peuvent être véritablement faites, que certains pactes sont invalides par essence, et cela tant pour l'individu naturel (qui ne peut promettre de ne pas résister à la mort ou de s'accuser lui-même, etc.) que pour le souverain (qui ne saurait promettre ce qui entame la souveraineté). Or, la première loi de nature enjoint de chercher la paix (à l'inverse de l'état de guerre qu'est l'état de nature). Donc « il ne faut pas retenir le droit qu'on a sur toutes choses, mais qu'il faut en quitter une partie, et la transporter à autrui ».
La seconde loi de nature est, en conséquence, de garder ses conventions, d'accomplir ses promesses. Cependant, « les pactes qui se font par contrat, où il y a confiance réciproque, au délai qui se fait de l'accomplissement des promesses, sont invalides en l'état de nature, si l'une des parties a quelque juste sujet de crainte », ce que l'on peut presque toujours présupposer. Ce n'est donc que par le truchement du glaive, de la société civile, que l'on peut être assuré de l'effectuation de la promesse, le souverain pouvant punir ou contraindre le promettant. Le contrat social est donc la garantie réelle des contrats entre individus naturels, et la peur du châtiment, la garantie effective que la promesse sera tenue. C'est par la loi civile que la loi de nature peut se faire respecter. « Les conventions, n'étant que des mots et du vent, n'ont aucune force pour obliger, contenir, contraindre ou protéger quelqu'un, en dehors de la force du glaive public. »(2) Ou encore : « Le pacte est une promesse et la loi un commandement ; en un pacte l'on dit “je ferai”, et en une loi on “ordonne” de faire : par les contrats nous sommes obligés ; et par les lois nous sommes attachés à notre obligation. »
Deux points doivent encore être soulignés. Le serment qui s'ajoute à la promesse pour signifier que manquer à sa parole signifie s'attirer les foudres de la divinité en laquelle on croit n'ajoute rien, en réalité, à l'obligation qui est née du pacte lui-même, et n'est qu'un adjuvant de crainte. La force des paroles étant trop faible, ce qui contraint à exécuter une convention est la peur, mais aussi « l'orgueil ou la vanité de montrer qu'on n'a pas besoin de ne pas la tenir », ce qui est « une générosité trop peu répandue ».
On est alors renvoyé à l'analyse magistrale de Nietzsche dans la seconde dissertation de la Généalogie de la morale : « Élever et discipliner un animal qui puisse faire des promesses, n'est-ce pas la tâche paradoxale que la nature s'est proposée vis-à-vis de l'homme ? N'est-ce pas là le véritable problème de l'homme ? »(3) Via la discipline atroce de la « moralité des mœurs », ce que vise la culture est « l'individu souverain, qui n'est plus semblable qu'à lui-même, l'individu affranchi de la moralité des mœurs, l'individu autonome et supermoral [...] qui peut promettre, qui possède en lui-même la conscience Hère et vibrante de ce qu'il a enfin atteint par là, une véritable conscience de la liberté et de la puissance [...] ». La culture a pour tâche de créer en l'homme une mémoire active, de le rendre responsable via la douleur, car « seul ce qui ne cesse de faire souffrir reste dans la mémoire ». Fonder sur les rapports de créanciers à débiteurs la responsabilité (qui est ici responsabilité de soi-même et, pour ainsi dire, devant soi-même) est un moyen de la supprimer dans l'individu autonome et souverain, qui dispose de l'avenir. La justice est un moyen transitoire, puisque ce qu'elle vise est l'homme innocent et irresponsable, souverain, c'est-à-dire l'individu législateur, et non plus soumis à la loi.
Anne Amiel
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Hobbes, T., le Citoyen, Garnier-Flammarion, Paris, 1982.
- 2 ↑ Hobbes, T., Léviathan, trad. G. Mairet, Calmann-Lévy, Paris, 2000.
- 3 ↑ Nietzsche, F., la Généalogie de la morale, in Œuvres, Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1993.
- Voir aussi : Arendt, H., la Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, Paris, 1983.
- Kant, E., Doctrine du droit, in Œuvres philosophiques, III, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1986.
