privé / public

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Philosophie du Droit

Articulation fondamentale du jus civile romain, opposé au jus gentium, ou droit des nations.

Le droit romain reconnaissait une distinction du public et du privé, à l'intérieur du droit civil qui prescrit la protection des personnes ainsi que celle des relations inter cives. L'originalité du droit français par rapport à cette racine romaine redécouverte seulement au Moyen Âge, est de placer le droit civil sous la dépendance du droit privé(1), séparant de fait ce qui, dans le droit civil romain, partageait le droit civil, sans notion réelle d'opposition (le citoyen étant, dans son jus publicum comme dans son jus privatum, dans un rapport immédiat à la potestas). L'excroissance de la dimension bureaucratique de l'État, dont Hegel(2) avait entrevu la possibilité en appelant de ses vœux la création d'un État rationnel, a complètement séparé, de ce point de vue, la sphère publique de la sphère privée. Cette dernière n'a de « privée » que le fait qu'elle désigne les individus contre d'autres individus, dans les litiges. La distinction privé / public actuelle a donc contribué à radicaliser la séparation entre le particulier et la puissance publique. Les analyses de Hannah Arendt(3) autour de la suppression des limites entre le public et le privé en régime communiste ne sont plus d'une brûlante actualité. C'est aujourd'hui le privé qui subordonne le citoyen à l'homme et lui fait perdre le goût d'une participation sacrificielle aux devoirs de l'État.

Ce qui était autrefois perçu comme dépendant d'un même droit civil est désormais largement fissuré dans une opposition dont les conséquences culturelles, sociales et politiques ne peuvent qu'apparaître dans les moments de crise de la représentativité démocratique. La criminalisation des délits privés et l'administration spéciale des délits publics ne rend que plus confuse encore la fonction du citoyen dans les démocraties modernes. Mais c'est bien dans le travail que la séparation du public et du privé possède les conséquences les plus visibles puisque la protection des citoyens, dans les domaines les plus variés, n'est plus assurée de façon identique. Cette protection est pourtant au fondement du pacte social.

Fabien Chareix

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Villey, M., Philosophie du droit, Dalloz, Paris, 2001.
  • 2 ↑ Hegel, G.F.W., Principes de la philosophie du droit, Gallimard, Paris, 1940.
  • 3 ↑ Arendt, H., Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, Paris, 1961, pp. 84 et suiv.

→ démocratie, droit, travail