pari

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin par, de pariare, « rendre égal ».

Mathématiques, Théologie

Argument invoqué par Pascal dans le but d'amener le non-croyant à miser en faveur de l'existence de Dieu en comparant les risques encourus par son salut dans les deux hypothèses.

Exposé dans les Pensées(1), le pari invite celui qui doute de l'existence de Dieu à s'interroger sur les avantages que lui confère sa position d'incrédule et à les comparer à ceux dont il pourrait bénéficier s'il était croyant. Le but, essentiellement pratique, de la proposition étant de le convaincre d'adhérer à la foi chrétienne en lui montrant à quel point il est déraisonnable de prendre le risque de perdre un bien infini et éternel, le salut, en favorisant la satisfaction de ses passions. « Examinons donc ce point et disons : Dieu est ou il n'est pas. Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n'y peut rien déterminer. Mais il faut parier : cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué... Votre raison n'est pas plus blessée en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé ; mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout, si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est sans hésiter... Notre proposition est dans une force infinie, quand il y a le fini à hasarder à un jeu où il y a pareils hasards de gains que de pertes et l'infini à gagner. »

Rendu célèbre par Pascal, l'argument du pari apparaît pour la première fois chez Amobe(2). On le retrouvera également, sous différentes formes, chez Laplace, Condorcet, Arnault, Bourdaloue, La Bruyère, Leibniz, qui le considère comme juste, et Kant qui, lui, s'en servira non pas pour démontrer la nécessité de croire en Dieu mais pour rendre compte de la mesure de la croyance. « La pierre de touche ordinaire pour reconnaître si ce qu'affirme quelqu'un est une simple persuasion, ou du moins une conviction subjective, c'est-à-dire une foi ferme, est le pari... Représentons-nous par la pensée que nous sommes mis en demeure de parier le bonheur de notre vie entière, alors notre jugement tout à l'heure si triomphant baisse de ton, nous sommes effrayés et nous commençons à découvrir que notre foi ne va pas si loin. La foi pragmatique n'a donc qu'un degré, mais qui peut être grand ou petit, suivant la différence des intérêts qui y sont en jeu. »(3)

A priori, l'argument du pari peut paraître moralement choquant et philosophiquement léger. En effet, poser la question de la foi en terme de perte et de gain est particulièrement audacieux et on ne peut que s'interroger sur la valeur d'un choix moral effectué dans de telles conditions. Mais, une fois remis dans son contexte, il reprend tout son sens et une simple analyse suffit à saisir sa portée philosophique qui, semble-t-il, réside non pas dans l'hypothétique conclusion du pari en tant que tel, mais dans la réflexion qui la précède et dont aucun des protagonistes ne pourra faire l'économie.

Marie-Ange Gesquiere

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Pascal, B., Les Pensées, 233, éd. L. Brunschwig, Paris, 1897, pp. 1212-1217.
  • 2 ↑ Arnobe, Adversus Gentiles, II, 4, trad. « Contre les Gentils », Les Belles Lettres, Paris, 1982.
  • 3 ↑ Kant, E., Critique de la Raison pure, « Méthodologie transcendantale », II, § 3, A. 825, PUF, Paris, 2001.
  • Voir aussi : Brunet, G., Le Pari de Pascal. Préface de Jean Mesnard, Desclée de Brouwer, Paris, 1956, p. 140.
  • Natoli, C.M., « The role of the wager in Pascal's apologetics. », New Scholasticism, 1983, 57, no 1, pp. 98-106.

→ croyance, décision, foi, probabilité