opacité référentielle

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Linguistique, Métaphysique

Quand la valeur de vérité de l'énoncé dans lequel un terme est placé dépend d'autre chose que de ce que ce terme désigne.

Le problème de l'opacité référentielle se trouve déjà posé dans le Cratyle de Platon. Les philosophes médiévaux ont mis en œuvre un traitement logique du problème, avec la théorie de la supposition, par exemple chez Guillaume d'Occam(1). Sous l'influence de Frege(2) à la fin du xixe s., puis au xxe s. avec Russell(3) et Quine(4), la question de l'opacité référentielle est devenue centrale dans la sémantique philosophique.

L'opacité référentielle s'oppose à la transparence référentielle. Dans « Paris est une ville », l'occurrence de « Paris » est référentiellement transparente puisque « Paris est une ville » si et seulement si le réfèrent de « Paris » satisfait la phrase ouverte « x est une ville ». Mais dans le mot « Paris a cinq lettres », c'est le nombre de lettres du mot « Paris » et non ce à quoi il réfère qui détermine la valeur de vérité de l'énoncé. C'est pourquoi l'occurrence du mot n'y est pas référentiellement transparente : elle est opaque.

On remarque aisément que les énoncés contenant des citations, des verbes d'attitude propositionnelle (croire que, vouloir que, avoir de l'intention de, ...) et des expressions modales sont sources d'opacité référentielle. Prenons l'exemple des contextes d'attitude propositionnelle :
(1) Paul croit que le nombre des planètes est inférieur à 8.
(2) Paul croit que neuf est inférieur à huit.
(3) Le nombre des planètes est inférieur à huit.
(4) Neuf est inférieur à huit.

Si (1) est vrai et que (2) ne l'est pas, dans un des deux énoncés, ce à quoi réfère une des expressions « nombre des planètes » ou « neuf » est opaque puisque (1) et (2) auraient des valeurs de vérité différentes alors que ces deux expressions sont coréférentielles. En revanche, dans (3) et (4), les mêmes expressions sont l'une comme l'autre transparentes.

Certains philosophes, comme Frege ou Quine, ont jugé que l'opacité référentielle devait être chassée d'une langue préservant l'extensionalité et qui pourrait ainsi exprimer adéquatement les vérités scientifiques. D'autres cherchent plutôt à développer une logique des contextes référentiellement opaques, sous la forme de ce qu'on appelle la logique intensionnelle.

Roger Pouivet

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ D'Occam, G., Summa logicae, trad. fr. Somme de logique, TER, Mauvezin, 1988.
  • 2 ↑ Frege, G., « Über Sinn und Bedeutung », trad. fr. in Écrits logiques et philosophiques, Seuil, Paris, 1971.
  • 3 ↑ Russell, B., An Inquiry into Meaning and Truth, trad. fr. Flammarion, Paris, 1969.
  • 4 ↑ Quine, W.V.O., Word and Object, trad. fr. le Mot et la chose, Flammarion, Paris, 1977 (particulièrement le § 30-32).

→ logique, signification, Sinn / Bedeutung, vérité