humanitaire
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Adj. dérivé de humanité, se trouve aussi sous forme substantivée.
Morale, Politique
Le terme apparaît dans la première moitié du xixe s. Littré, qui le considère comme un néologisme, le définit de façon très vague : « qui intéresse l'humanité entière » ou, sous forme substantivée, « partisan de l'humanité considérée comme un être collectif ». Il tend maintenant à signifier tout ce qui vise au bien de l'humanité.
On peut penser que le terme marque un sens nouveau par rapport à la notion plus ancienne de philantropie qui est, comme son nom l'indique, plus « sentimentale », puisqu'elle signifie un amour des hommes dont il est facile de voir combien, même laïcisé, il doit à l'amour du prochain prôné par le Christ. Le terme humanitaire semble plus lié à l'idée de respect de l'humanité en tant que telle, ainsi qu'à l'idée de droits fondamentaux de l'homme, tels que celui de survivre, d'être soigné, de recevoir une éducation, de n'être pas poursuivi pour sa religion ou ses opinions, de n'être pas torturé, etc.
Le terme a connu un regain d'usage dans le dernier tiers du xxe s., avec le développement de l'aide humanitaire, gouvernementale ou non. En ce sens, il pose sous forme nouvelle d'anciens problèmes de philosophie morale et politique. Si la notion de devoir d'assistance humanitaire semble aller de soi, comme principe moral dérivé de l'aide due à autrui des laïcs ou de la charité des religieux, elle a des conséquences politiques complexes lorsqu'il prétend s'exercer dans les faits contre la volonté d'un État souverain. De même l'idée d'une juridiction humanitaire internationale qui s'imposerait aux États reste encore à penser comme un des enjeux pour une philosophie morale et politique présente. On retrouve ici des problèmes juridiques classiques, relatifs à la notion difficile de droit des gens ou à la question de savoir s'il y a des limites à la souveraineté. Mais l'idée d'un droit humanitaire, qui ne serait jamais qu'un mode mineur de l'idée kantienne d'un droit cosmopolitique, reste, quelles que soient ses difficultés, une exigence de la raison dès lors qu'on admet, pour chaque homme, un droit naturel individuel.
Colas Duflo
Notes bibliographiques
- Bettati, M., le Droit d'ingérence, mutation de l'ordre international, Odile Jacob, Paris, 1996.
- Torelli, M., le Droit international humanitaire, PUF, Paris, 1989.
L'humanitaire est-il un humanisme ?
Peut-on travailler dans l'humanitaire sans être humaniste ? On serait tenté de répondre négativement : que ce serait de l'hypocrisie au plus haut degré. Ces deux termes s'inscrivent d'emblée dans un dispositif moral où l'un paraît souvent substituable à l'autre. L'humanisme est une théorie, une manière de penser, l'humanitaire une pratique, une manière d'agir. Mais est-ce que, comme le sens commun le suggère, l'humanitaire est la pratique de l'humanisme et l'humanisme la théorie de l'humanitaire, comme deux côtés de la même chose : l'humanité ou le souci de l'homme pour l'homme ? Dans une problématisation du rapport entre l'humanisme et l'humanitaire, on n'évite guère de faire intervenir ces deux derniers termes : le concret l'homme, et l'abstrait qui en dérive, l'humanité. La réponse à la question « l'humanitaire est-il un humanisme ? » exige une compréhension de l'enjeu de ces quatre termes : l'humanisme et l'humanitaire, l'homme et l'humanité. La question se pose désormais en ces termes : la pratique humanitaire est-elle forcement soutenue par une théorie humaniste, et si elle l'est, qu'est-ce que cela implique pour la compréhension de l'homme et de l'humanité qui sont censés en bénéficier ?
Les quatre étapes de la théorie de l'humanisme
L'humanisme désigne un ensemble de théories dans l'histoire de la pensée dont le trait commun est de mettre l'homme au centre de leurs réflexions, souvent attaché à la maxime d'homo mensura de Protagoras. Ainsi, l'humanisme désigne, abstraction faite des différences spécifiques des théories historiques communément désignées par ce terme, une pensée conçue en fonction de et pour l'homme. Selon Heidegger, « l'humanisme en général est l'effort visant à rendre l'homme libre pour son humanité et à lui faire découvrir sa dignité. »(1) Son histoire comprend en gros quatre étapes : l'humanisme de la Renaissance, le néo-humanisme, l'humanisme existentialiste, et l'anti-humanisme.
L'humanisme de la Renaissance surgit en Italie au xve s. Il s'oppose aux théismes de la scolastique en formulant une nouvelle anthropologie, comme par exemple chez Pic De la Mirandole dans son discours De dignitate hominis de 1486. C'est l'idéal de l'humanitas de Cicéron qui inspire ce nouvel intérêt pour l'individu humain. Au xvie s., l'humanisme est lié à l'apparition du protestantisme. Érasme en Hollande, à l'aube de la Réforme, s'oppose à la scolastique médiévale et invoque une nouvelle forme de christianisme qui en fait une croyance individuelle libérée des règles de vie dogmatiques.
Le néo-humanisme apparaît en Allemagne vers 1800 et comprend des noms aussi célèbres que Goethe, Schiller et Humboldt. Avec le néo-humanisme l'homme devient un projet plutôt qu'une essence stable : la nature de l'homme s'inscrit dans le devenir et la référence à l'idéal divin s'efface. De là leur emphase sur la formation, cette formation dût-elle prendre la forme d'une éducation esthétique comme chez Schiller ou d'une acquisition de la vraie science, comme plus tard chez Hegel. L'homme n'est pas encore la mesure de toutes choses, mais l'homme doit réaliser sa propre mesure, doit réaliser sa propre finalité. Cette finalité s'appelle chez Humboldt l'humanité. L'humanisme désigne désormais la théorie de la formation morale de l'humanité idéale.
On retrouve l'idée d'un projet humain des néo-humanistes au xxe s. en une version radicalisée chez Sartre dans L'existentialisme est un humanisme. Ici, Sartre introduit l'existentialisme comme un humanisme athée. Selon Sartre, et contre le néo-humanisme, l'humanisme ne consiste pas dans l'aspiration de l'homme à une humanité conçue comme idéal abstrait. Comme l'écrit Sartre : « L'existentialisme ne prendra jamais l'homme comme fin, car il est toujours à faire. Et nous ne devons pas croire qu'il y a une humanité à laquelle nous puissions rendre un culte [...] »(2). Toutefois, dans ses choix de vie, l'homme singulier est responsable pour l'humanité entière, car même si Sartre nie l'idée d'une essence universelle de l'homme, il affirme une complicité des êtres humains au niveau de la condition de leur être. Ainsi le projet humain, ou l'humanisme, repose sur l'obligation de réaliser sa propre existence.
En s'opposant aussi bien à l'existentialisme qu'au néo-humanisme, M. Foucault initie avec les Mots et les Choses le mouvement philosophique communément appelé anti-humanisme. Il va encore plus loin que Sartre : l'homme ne doit pas se libérer de l'humanité pour retrouver son propre être, mais se libérer de son être même. Selon Foucault l'homme comme tel n'apparaît qu'à partir de la formulation du cogito réflexif de Kant au seuil du xixe s. L'homme n'est pas un être donné, mais une figure historique à la veille de sa disparition. Ainsi Foucault finit son œuvre avec ces mots : « On peut être sûr que l'homme est une invention récente. L'homme est une invention dont l'archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine »(3). Si l'homme disparaît, c'est parce qu'il est une construction en contradiction perpétuelle avec elle-même, un trait qui opère une négation de l'homme par l'homme : l'homme en tant qu'homme ne peut que se nier, n'arrive jamais à s'affirmer dans son être. Ainsi est proclamée la fameuse fin de l'homme.
Foucault n'était ni le seul ni le premier à poser que l'homme a une origine historique et idéologique. Déjà en 1932, C. Schmitt décrivait le concept d'humanité comme un « instrument idéologique »(4) et en 1968, Althusser reprenait la même figure en invoquant que «... le concept d'humanisme n'est qu'un concept idéologique. »(5) Pourtant, cela ne veut pas dire que ces penseurs sont « contre » les hommes. Comme le dit Heidegger : « l'opposition à “l'humanisme” n'implique aucunement la défense de l'inhumain, mais ouvre, au contraire, d'autres échappés [...] Ce qui compte, c'est l'humanitas au service de la vérité de l'Être, mais sans humanisme au sens métaphysique. »(6) Ils veulent simplement dire que, pour que l'on puisse enfin penser pour l'homme concret, on doit d'abord se débarrasser du concept abstrait de l'homme, de la métaphysique de l'homme. Car sinon on impose à l'homme la restriction inhumaine de vivre sous la menace de l'humanité, sous le jugement de cet homme idéal que nous n'atteignons jamais. Quand Nietzsche déclarait que nous sommes « humains, trop humains », lui aussi pointait vers une telle figure : que nous souffrons sous notre propre humanité. Voilà décriés les termes « humanisme » et « humanité ».
La pratique humanitaire : pitié, compassion, charité
Le terme « humanitaire » est relativement récent : il ne paraît dans la langue française qu'au milieu du xixe s. Selon le Larousse Universel le terme s'emploie comme adjectif et « se dit d'une action, d'une institution, d'une doctrine (parfois de quelqu'un) qui s'intéresse au bien de l'humanité, qui cherche à améliorer la condition de l'homme. »(7) On le connaît dans le sens des organisations humanitaires. La notion de l'humanitaire joue aussi un rôle important en droit en opérant la distinction entre les droits de l'homme en général et le droit humanitaire, un code spécifiquement lié au droit de la guerre (l'obligation de soigner les blessés de l'adversaire, ne pas induire plus de souffrance que nécessaire, etc.).
L'acte humanitaire implique de donner ou d'aider autrui. Sur le plan conceptuel, comme l'humanisme, l'humanitaire est lié au terme d'« humanité », mais ici dans le sens qu'en donne Diderot dans l'Encyclopédie : « un sentiment de bienveillance envers tous les hommes, qui ne s'enflamme que dans une âme grande et sensible. Ce noble et sublime enthousiasme se tourmente des peines des autres et du besoin de les soulager. »(8) Aussi pourrait-on comparer l'humanitaire avec le « sentiment d'humanité » dont Cicéron parle dans l'Amitié(9). Mais surtout l'humanitaire reprend tout la tradition chrétienne de la charité, de la pitié et de la compassion. R. Legros affirme ainsi que « l'attitude humanitaire est en effet animée d'un sentiment – la pitié ou compassion universelle. »(10) Il découle d'une disposition de compassion de l'esprit comparable avec le sensus humanus dont parle Saint Augustin dans la Cité de Dieu(11). Il y a pourtant des différences. La charité du chrétien est une imitation de la miséricorde de Dieu, en suivant Sa volonté et pour la grâce du miséricordieux plutôt que pour le bénéfice de ceux qui en profitent. Elle est inscrite dans un dispositif théologico-jundique qui oblige le chrétien à suivre la loi de Dieu, à savoir d'aimer le prochain. L'humanitaire prétend par contre cultiver les rapports des hommes entre eux et pour le bénéfice de l'autre homme. R. Brauman de la Fondation Médecins sans Frontières en donne la définition suivante : « l'humanitaire part du souci de réduire la souffrance, la souffrance en général d'autres êtres de qui nous nous rapprochons par un processus d'identification. Le sentiment humanitaire exprime donc l'idée que l'humanité est un tout homogène et qu'en dépit de cette diversité, elle contient une unité fondamentale. »(12) L'humanitaire sert le but de rapprocher l'homme de l'homme par une espèce d'imitation des sentiments, par une empathie fondamentale entre l'homme et l'homme qui n'est plus médiatisée par l'obligation envers la loi de Dieu comme l'était la miséricorde chrétienne.
Cela ne veut pourtant pas dire que l'humanitaire se réduit au souci de l'homme pour l'autre homme. Comme la charité chrétienne, l'humanitaire contient l'élément d'un souci de soi. Ceci dans la mesure où l'on comprend l'humanitaire comme un acte par lequel l'homme démontre son humanité, comme le soulignent par exemple les principes fondamentaux de la Croix-Rouge établis en 1965(13). Dans l'acte humanitaire il s'agit de faire de son action un acte dans lequel l'homme peut se retrouver dans son être moral : dans l'acte humanitaire l'homme s'affirme dans son humanité. Dans ce sens l'humanitaire s'inscrit immédiatement dans la longue tradition de l'humanisme. Elle se confond avec l'humanisme d'Humboldt, parce qu'elle est une pratique dans laquelle l'individu réalise sa propre finalité en tant qu'être moral. Finalement, la référence à la loi n'a pas disparue, simplement la loi de l'Humanité remplace la loi de Dieu.
Critique du dispositif humaniste de l'humanitaire
Pris dans ce sens, enraciné dans la tradition humaniste, l'humanitaire se réfère à une entité abstraite dans laquelle nous voyons notre propre idéal : l'humanité. Un exemple frappant de cette complicité entre l'humanitaire et l'humanité se trouve dans l'idée du crime contre l'humanité du droit humanitaire, une notion forgée aux Tribunaux de Nuremberg en 1945 pour désigner la monstruosité du régime nazi, et entrée définitivement dans le vocabulaire du droit humanitaire sous la définition d'« acte inhumain » qu'on en donnait en 1945. Mais s'agit-il là d'un crime contre l'homme concret ou contre l'idée abstraite de l'homme ? L'utilisation du mot « humanité » suggère la dernière possibilité. Par exemple, Jankélévitch présente la notion du crime contre l'humanité de cette manière : « Ce sont, dans le sens propre du terme, des crimes contre l'humanité, c'est-à-dire des crimes contre l'essence humaine ou, si l'on préfère, des crimes contre l'“hominité” en général. »(14) Cette assimilation de l'humanitaire à l'humanité, bien qu'apparemment conçue dans l'intention la meilleure, comporte pourtant de nombreux dangers.
D'abord, comme un problème reconnu par beaucoup des théoriciens de l'humanitaire, la pratique humanitaire ne court-elle pas le danger de se réduire à un souci narcissique de soi ayant peu à voir avec un rapprochement des hommes ? L. Boltanski met nettement ce point : « L'action humanitaire [...] est aussi dénoncée en tant qu'elle donnerait à chacun la possibilité de cultiver son soi en s'émouvant de sa propre pitié au spectacle de la souffrance d'autrui. »(15) En contradiction avec l'intention même de l'humanitaire, sa subordination à l'humanité et à l'humanisme produit une distance entre l'homme qui donne et l'homme qui reçoit, distance semblable à celle entre le chrétien et autrui dans sa compassion et sa pitié : le concept d'humanité se substitue à Dieu comme intermédiaire. L'homme est aussi loin de l'homme qu'auparavant, l'acte humanitaire devenant l'expression d'une « télé-compassion », une « compassion à distance » selon O. Abel(16).
Ensuite, la notion de l'humanité autour de laquelle l'humanisme construit sa morale renferme un universalisme qui ne diffère guère d'un totalitarisme. C'est que le concept de l'humanité opère une hiérarchisation de la diversité humaine : il fait de la différence entre les hommes une différence de valeur, et une valeur mesurée par la conformité de l'action humaine à l'idéal de l'humanité. Cela importe pour le travail humanitaire, puisqu'une telle hiérarchisation détermine l'ensemble des actions humaines qu'il protège et promeut et la manière dont ces travaux sont menés à bien. J. Florence résume ainsi ce problème : « Sous l'idée abstraite et généralisante d'humanité se sont menées des actions les plus généreuses mais, tout autant, les entreprises les plus aveuglément destructrices des individus, des groupes, des peuples dans leur existence et leurs valeurs singulières. »(17)
Finalement, et c'est peut-être le problème le plus important, le dispositif moral produit par la configuration humanisme-humanité fait de l'humanitaire une question de droit, de loi. L'action humanitaire est devenue une affaire juridique par la référence constante des organisations humanitaires aux Droits de l'homme, Amnesty International en étant l'exemple le plus frappant(18). Il est clair que cela leur offre un instrument très efficace pour obtenir des moyens économiques suffisants : on en appelle non seulement à la miséricorde, mais également au devoir. Or, cette confusion entre une obligation presque juridique et la miséricorde se fonde sur une métaphysique de l'humanité. Car les droits de l'homme ne sont finalement que les droits de l'humanité. Et les droits de l'humanité ne sont strictement les droits de personne, ils ne concernent pas telle ou telle personne ou groupe de personnes particulières dans telle ou telle situation. Si l'on se réfère au droit dans le travail humanitaire, on fait également appel à une humanité « en général » dont la nature sert comme une mesure de l'homme selon laquelle aussi bien le « donateur » que le « bénéficiaire » sont jugés.
Le travail humanitaire se trouve désormais animé, d'une part, par la culpabilité du donateur de ne pas avoir donné suffisamment pour enfin atteindre son idéal d'humanité, et de l'autre, par la conscience du bénéficiaire de ne pas encore avoir reçu assez pour regagner sa dignité humaine. L'échange humanitaire repose sur ce déséquilibre où nous nous trouvons tous hors mesure et sommes tous jugés inadéquats.
Dans la plupart des cas les praticiens du travail humanitaire affirment la liaison de l'humanitaire avec l'humanisme. Mais, en prenant en considération l'histoire conceptuelle et philosophique des termes impliqués, ne pourrait-on dire qu'on est obligé de répondre à la question négativement ? Car, en suivant les leçons d'Heidegger, de Foucault ou d'Althusser, la complicité conceptuelle de l'humanisme et de l'humanité rend impossible l'affirmation de l'homme concret et installe le danger d'un totalitarisme narcissique au sein de l'action humanitaire. Ce dispositif, par sa liaison avec la loi, implique également la construction d'un régime de jugement. Le problème ne réside pas dans la loi particulière à travers laquelle l'action humanitaire s'organise, la loi de Dieu ou la loi de l'humanité, mais dans le fait qu'elle se réfère à une loi. L'aide humanitaire n'implique pas moins un jugement que les tribunaux du droit humanitaire.
Ne serait-il pas possible de concevoir un rapport de l'homme à l'homme, qui ne serait pas placé sous les auspices de la Loi, celle de Dieu ou celle de l'humanité ? Un tel remaniement de la structure de l'humanitaire exigerait trois choses : une dépréciation de l'aspect universel du rapport humanitaire. Cela supposerait une localisation du rapport de l'homme à l'homme. Ensuite une dé-finalisation du rapport : il faudrait se débarrasser de l'idée que l'humanitaire travaille pour que nous puissions tous nous rejoindre dans notre humanité commune. Finalement une mise en procès de ce rapport. Si l'acte humanitaire repose, et doit reposer, sur une identification entre des hommes, ces points communs doivent être recherchés dans le rapport actif même et ne pas être déterminés théoriquement avant l'établissement réel du rapport. L'identification de l'homme avec l'homme réside dans le processus d'identification lui-même. Sinon elle ne renvoie qu'à l'abstraction de l'humanité. Sans son détachement du dispositif humanité-humanisme et son remaniement selon ces trois lignes – localisation, dé-finalisation, et mise en procès –, l'acte l'humanitaire demeure un acte de jugement.
Paul Rateau
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Heidegger, M., Lettre sur l'humanisme, Aubier, Paris, 1983, p. 49.
- 2 ↑ Sartre, J.-P., l'Existentialisme est un humanisme (1946), Nagel, Paris, 1970, p. 92.
- 3 ↑ Foucault, M., les Mots et les Choses, Gallimard, Paris, 1966, p. 398.
- 4 ↑ Schmitt, C., la Notion de politique (1932), Calmann-Lévy, Paris, 1972, p. 98.
- 5 ↑ Althusser, L., Pour Marx, Maspero, Paris, 1968, p. 229.
- 6 ↑ Heidegger, M., op. cit., pp. 127-139.
- 7 ↑ Grand Larousse Universel, t. VIII, art. « Humanitaire », Larousse, Paris, 1995.
- 8 ↑ Diderot, D., Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1780), vol. 8, art. « Humanité », Verlag, Stuttgart, 1967.
- 9 ↑ Cicéron, l'Amitié, Les Belles Lettres, Paris, 1983.
- 10 ↑ Legros, R., « L'expérience démocratique d'autrui et la sensibilité humanitaire. », in Humanité-humanitaire, Publications des Facultés Universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1998, p. 43.
- 11 ↑ Saint Augustin, la Cité de Dieu, in Œuvres de saint Augustin, t. 33-37, livre XIX, chap. 7, Desclée de Brouwer, Paris, 1959-1960.
- 12 ↑ Brauman, R., « Devoir humanitaire, devoir d'humanité », in Humanité-humanitaire, Publications des Facultés Universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1998, p. 19.
- 13 ↑ Cf. les principes fondamentaux de la Croix-Rouge. Commentaire par Jean Pictet, Institut Henry-Dunant, Genève, 1979.
- 14 ↑ Jankélévitch, V., l'Imprescriptible, Seuil, Paris, 1986, p. 22.
- 15 ↑ Boltanski, L., la Souffrance à distance, Métaillé, Paris, 1993, p. 8.
- 16 ↑ Abel, O., « “Comment peut-on être humain ?” De l'humanité métaphorique à l'action humanitaire », in Humanité-humanitaire, Publications des Facultés Universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1998, p. 1.
- 17 ↑ Florence, J., « Avant-propos », in Humanité-humanitaire, Publications des Facultés Universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1998, p. 1.
- 18 ↑ Cf. Leaud, A., Amnesty International. Le parti des droits de l'homme, Seuil, Paris, 1993.
- Voir aussi : Arendt, H., Essai sur la révolution, Gallimard, Paris, 1967.
- Buirette, P., le Droit international humanitaire, La Découverte, Paris, 1996.
- Centre mondial d'études humanistes, Quelques termes fréquents de l'humanisme, Éditions Références, Paris, 1995.
- Delmas-Marty, M., « L'humanité saisie par le droit », in Humanité-humanitaire, Publications des Facultés Universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1998.
- Lalande, A., Vocabulaire technique et critique de la philosophie, art. « Humanisme » et « Humanité », PUF, Paris, 1997.
- Lévi-Strauss, C., la Pensée sauvage, chap. IX, Plon, Paris 1962, pp. 324-357.
- Marcel, G., la Dignité humaine, et ses assises existentielles, Aubier, Paris, 1964.
- Marx, K., À propos de la question juive, in Œuvres III. Philosophie, Gallimard, Paris, 1982, pp. 347-381.
- Maurer, B., le Principe de respect de la dignité humaine et la convention européenne des droits de l'homme, La Documentation française, Paris, 1999.
- Mirandole, P. de, De la dignité de l'homme, Éditions de l'éclat, Combas, 1993.
- Nietzsche, F., Humain, trop humain, Librairie générale française, Paris, 1995.
- Schiller, F. von, Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme, Aubier, Paris, 1992.
- Sudre, F., Convention européenne des droits de l'homme, coll. Que sais-je ?, no 2513, PUF, Paris, 1997.
- Torterrelli, M., le Droit international humanitaire, coll. Que sais-je ?, no 2211, PUF, Paris, 1985.