fonction

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin functio, « accomplissement ». Terme introduit par Leibniz et Bernoulli à la fin du xviie s.

Mathématiques

Procédé qui fait correspondre à tout élément d'un ensemble, un élément d'un second ensemble.

Le concept de fonction mobilise celui d'ensemble et on ne saurait retenir l'idée trop vague de correspondance ou de dépendance entre des quantités comme directement annonciatrice de la fonction mathématique. On peut considérer qu'une première présence implicite des fonctions se rencontre dans la théorie et dans les graphiques de la théorie de la latitude des formes élaborée au xive s., dans les écoles d'Oxford et de Paris. Avec la loi de la chute des graves, telle que l'énonce Galilée, plusieurs des éléments constitutifs de la fonction sont présents : le temps sert de variable et la relation formelle qui associe les espaces parcourus au temps de chute est nettement « pensée comme une règle fonctionnelle »(1). D'origine cinématique est aussi la relation logarithmique que J. Napier invente entre deux mouvements, vers 1615. Avec Descartes, un nouveau pas, purement mathématique, est franchi puisqu'on lit à la fin du livre I de la Géométrie de 1637 « prenant successivement infinies diverses grandeurs pour la ligne y, on en trouvera aussi d'infinies pour la ligne x ». C'est avec Newton et surtout Leibniz que les lois de variations de type fonctionnelle deviennent explicites ; le terme apparaît sous la plume de celui-ci dans un manuscrit de 1673, intitulé justement la Méthode inverse des tangentes ou à propos des fonctions. J. Bernoulli peut donner la définition suivante : « On appelle fonction d'une grandeur variable une quantité composée, de quelque manière que ce soit, de cette grandeur variable et de constantes »(2).

Le concept fonctionnel va considérablement déborder le cadre de cette définition : il faudra admettre qu'une fonction peut bien avoir plusieurs expressions analytiques, qu'elle peut être algébrique en certaines parties de son domaine et transcendante sur d'autres, qu'elles peut être continue sans être partout dérivable etc. Dirichlet, à partir de l'idée de Fourier selon laquelle « toute fonction d'une variable peut être représentée par une série trigonométrique », publie, en 1829 un mémoire capital qui permet de circonscrire précisément les questions centrales de la théorie des fonctions : séparation des notions de continuité et de dérivabilité, caractérisation de l'ensemble des points où une fonction est discontinue, de l'ensemble de ses extrema. Il produit l'exemple célèbre d'une fonction définie sur et discontinue en chacun de ses points : celle qui associe 0 à tout rationnel et 1 à tout irrationnel. Les travaux ultérieurs de Cauchy, Riemann et Weierstrass introduisent les fonctions à variables complexes, puis les méthodes de prolongement analytique permettant – en principe – de déduire, à partir de la connaissance locale d'une fonction n'ayant pas trop de points critiques, sa valeur en tout point où elle est définie.

Vincent Jullien

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Dahan-Dalmedico A., et Peiffer, J., Une histoire des mathématiques, Seuil, Paris, 1986, p. 212.
  • 2 ↑ Ibid., p. 218.

Logique, Mathématiques

Opération mathématique importante qui donna naissance au concept central de la logique contemporaine. Une fonction numérique du type y = f(x) permet le choix d'une unique valeur y pour un argument x donné. Ainsi, pour y = x2, si x = – 1, alors y = (– 1)2 = 1 ; si x = 0, y = 0 ; si x = 1, y = 1 ; etc. Ce parcours de valeurs peut être représenté géométriquement par une parabole dont chaque point correspond à un x et à la valeur y associée.

Frege procéda à l'extension de la fonction mathématique pour définir la fonction logique(1). Soit l'égalité x2 = 1. Elle peut être considérée comme une fonction du nombre x qui admet pour valeurs non plus des nombres, mais une des deux valeurs de vérité, le Vrai ou le Faux : si x = – 1, f(x) = V ; si x = 0, f(x) = F ; si x = 1, f(x) = V, etc. Il suffit alors de remplacer l'argument numérique par un argument d'objet pour obtenir un schème d'analyse universel. Ainsi, « (x) conquit la Gaule » est une fonction purement logique, i.e. un concept [Begriff] qui prend les valeurs Vrai ou Faux selon les arguments d'objet qu'on lui assigne : si x = César, F(x) = V ; si x = Platon, F(x) = F, etc. Par lui-même, le concept est insaturé, ce qu'on peut représenter ainsi : « ( ) conquit la Gaule », l'objet qui tombe sous lui le sature. Au concept frégéen répond chez Russell la fonction propositionnelle, i.e. une fonction logique F(x) qui engendre des propositions par substitution à sa(ses) variable(s) de valeurs d'individus(2).

Évitant les ornières de l'analyse traditionnelle de toute proposition en sujet / copule / prédicat, l'analyse fonctionnelle contemporaine permet aussi bien d'engendrer des propositions prédicatives au moyen de fonctions à une variable d'individu : F(x) que des propositions relationnelles par des fonctions à deux variables d'individu F(x,y), i.e. R(x,y), ou plus, F(x,y,z), F(x,y,z,t), etc.

Denis Vernant

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Frege, G., « Fonction et concept » (1891), in Écrits logiques et philosophiques, trad. Imbert, C., Paris, Seuil, 1971, pp. 80-101.
  • 2 ↑ Russell, B., « Principes des Mathématiques », chap. II, § 22, in Écrits de logique philosophique, trad. Roy, J.-M., PUF, Paris, 1989, pp. 42-43.

→ variable

Biologie

Dans la totalité complexe d'un organisme, activité spécifique d'un organe, faite en vue de la structure complète qui en recueille les effets.

→ organisme