eudémonisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec eudaimonia, « bonheur ».

Morale

Éthique pour laquelle le bonheur est le souverain bien de l'homme, et sa recherche, le principe légitime de toute action.

En ce sens, il n'y a pas dans l'Antiquité de morale qui ne ressortisse à l'eudémonisme. Tous les courants de pensée prennent, en effet, comme point de départ l'axiome « nous voulons être heureux »(1) ; on se divise ensuite sur la nature du bonheur (consiste-t-il ou non dans le plaisir, et si oui dans quel type de plaisir ?) et sur les moyens de l'obtenir. On a même pu considérer que la philosophie consiste essentiellement dans la recherche du meilleur genre de vie pour ce but. C'est que le bonheur ne se réduit pas à un état psychologique subjectif et arbitraire, mais correspond à une valeur objective où la nature humaine se trouve actualisée à son maximum de plénitude. Par là s'est trouvée introduite la considération du bien moral (kalon, honestum) qui spécifie le bien en général (agathon, bonum) visé comme fin de toute action(2). Socrate a pu ainsi soutenir le paradoxe que celui qui satisfait un désir déréglé est, en fait, malheureux(3). Pour le stoïcisme, le choix conscient d'une manière d'agir conforme aux valeurs morales est la condition même du bonheur(4). Chez Plotin, l'eudaimonia devient une réalité subsistante (hypostasis) : elle appartient à la vie parfaite, qui se trouve dans l'Intellect(5). De là, saint Augustin dira que « la vie bienheureuse de l'âme, c'est Dieu »(6), et son eudémonisme consistera autant à aimer Dieu pour lui-même que pour soi-même, car il identifie le bien visé avec le Bien ontologique.

Jean-Luc Solère

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Euthydème, 278 e ; Saint Augustin, De Trinitate, XIII, 4 ; Cicéron, Hortensius, fr. 36 Müller. Cf. Aristote, Éthique à Nicomaque, i, 2, 1095 a 18-20.
  • 2 ↑ Aristote, op. cit., 16, 1098 a 16-18.
  • 3 ↑ Platon, Gorgias.
  • 4 ↑ Cicéron, Tusculanes V, 40-41.
  • 5 ↑ Plotin, Ennéades I, 4, 11.
  • 6 ↑ Augustin (saint), De Libero arbitrio, II, 16, 41.
  • Voir aussi : Hadot, P., Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Gallimard, Paris, 1995.
  • Holte, R., Béatitude et Sagesse. Saint Augustin et le problème de la fin de l'homme dans la philosophie ancienne, Études augustiniennes, Paris, 1962.
  • Robin, L., la Morale antique, PUF, Paris, 1938.

→ ataraxie, bien, bonheur, fruition, hédonisme