eccéité

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin ecceitas, dérivé de ecce : « voici ».

Philosophie Générale

Propre d'un individu singulier.

L'eccéité, qui n'est en usage courant que dans le cadre de la scolastique, renvoie à l'ensemble des déterminations qui permettent de poser l'individualité d'un être. Le scotisme(1), suivant en cela certaines intuitions d'Avicenne, distingue dans une substance sa nature commune et son eccéité, acte ou forme de l'individuation. Les critiques de l'eccéité, au nombre desquels Henry de Harclay (xiiie / xive s.), font valoir l'impossibilité radicale de séparer la matière qui serait commune, la forme plus spéciale puis l'eccéité qui singulariserait toute la substance ainsi composée. Plus profondément, c'est le statut des universaux qui pose problème dans l'abord de l'eccéité. En donnant consistance à l'idée d'une nature commune séparée de ce qui fait de chaque être un individu, le scotisme tend à poser l'existence réelle de ce qui n'est, pour le nominalisme, qu'une articulation de concepts. De deux choses l'une : soit l'individualité appartient en propre aux choses naturelles, soit elle est produite par la pensée. Dans le premier cas, notre connaissance de l'individuel progressera de noms en noms pour approcher l'unité substantielle existant hors de l'esprit, dans la nature même des choses : l'eccéité est une approche de l'individu mais elle n'en est pas le dernier mot. Dans le second cas, nos définitions par genre et espèce produisent réellement l'individuation des choses. Leibniz reprend à son compte dès 1663 la critique de l'eccéité : la socratité, deuxième spécification de l'animalité (matière) puis de l'humanité (forme) est incapable de produire une véritable connaissance de tous les accidents individuels qui forment la notion de Socrate. Il est donc nécessaire de penser dans les choses mêmes, en tant que substances complètes, un principe réel d'individuation qui est nommé principe de distinction(2). La phénoménologie heidegerienne donne, quant à elle, le nom d'eccéité, ou d'eccéité, à une relation réflexive de l'être à son existence d'être jeté dans le monde plutôt que désincarné et à l'écart de celui-ci.

Fabien Chareix

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Duns Scot, J., Opera omnia, éd. Wadding, 12 vol., Lyon, 1639, rééd. Vivès, 26 vol., Paris, 1891-1895, voir les Theoremata, V, VI.
  • 2 ↑ Leibniz, G. W., Nouveaux essais sur l'entendement humain, Flammarion, Paris, 1990 (Éd. de J. Brunschwig), II, 27.

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