division

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin divisio, de dividere, « diviser, partager ».

Philosophie Antique

Acte de distinguer et séparer des parties au sein d'un tout.

La théorie de la division (diairesis) répond à l'effort de l'ontologie platonicienne tardive pour délimiter les distinctions naturelles de l'être. Dès les dialogues de la maturité, Platon insistait sur la nécessité de savoir couper, en bon « écuyer tranchant », selon les articulations naturelles(1). À partir du Politique et du Sophiste, la diairesis devient un procédé fondamental de la pensée pour circuler de la généralité idéale à la particularité, en parcourant les médiations qui les séparent(2). Les définitions du politique et du pêcheur à la ligne, dans ces dialogues, sont un exemple célèbre : chaque genre qui s'offre doit subir des divisions successives, jusqu'à ce qu'on atteigne l'objet à définir. Platon a pris soin de distinguer ce procédé de la dichotomie : si la division par deux est préférable, elle reste subordonnée au souci de distinguer en vertu de lignes de partage naturelles, de façon duelle ou non(3). Aristote a vigoureusement critiqué la diairesis platonicienne. Il la considère comme un « syllogisme impuissant » : d'une part, elle impose la nature de la distinction qu'elle entend opérer, ce qui revient à présupposer la conclusion recherchée ; d'autre part, elle conclut au-delà de ce qui est demandé, n'atteignant pas précisément le prédicat attendu(4). C'est en fait le caractère non analytique de la diairesis que réprouve Aristote : les distinctions sont posées, et l'objet à définir, isolé en leur sein, sur le mode de la pétition de principe. Impuissante à démontrer, la division s'avère tout aussi impuissante à réfuter. Comme l'induction, elle ne peut au mieux que montrer une essence, mais non la prouver(5). Aristote a défini lui-même l'usage légitime de la division, lorsqu'il s'agit d'atteindre des définitions(6). Il insiste sur la continuité des différences relevées successivement par divisions du genre : seule cette continuité assure que la dernière différence (qui, associée au genre, définira l'espèce) enveloppe par elle-même toutes les différences précédentes.

Le procédé de division à l'infini est au cœur des arguments de Zénon d'Élée, qui opposent continu physique et continu mathématique, à un moment où les nombres réels ne sont pas connus. Chez les stoïciens, la divisibilité à l'infini des corporels appuie la théorie du mélange total ; la logique stoïcienne conçoit la division comme un outil pour déconstruire nos représentations et détacher d'elles ce qui ne dépend pas de nous(7).

La notion de division du travail (spécialisation des tâches) trouve son origine chez Platon(8). Les commentateurs ont néanmoins relevé la différence qui sépare cette spécialisation essentiellement qualitative d'une division du travail vouée à des gains de productivité, telle qu'elle se trouve décrite notamment chez Smith(9).

Christophe Rogue

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Phèdre, 265 e.
  • 2 ↑ Platon, Philèbe, 16 c et suiv.
  • 3 ↑ Platon, Politique, 262 e, 287 c.
  • 4 ↑ Aristote, Premiers Analytiques, I, 31.
  • 5 ↑ Aristote, Seconds Analytiques, II, 5.
  • 6 ↑ Aristote, Métaphysique, VII, 12, 1037 b 29 et suiv.
  • 7 ↑ Marc Aurèle, Pensées, XI, 2.
  • 8 ↑ Platon, République, II, 369 e.
  • 9 ↑ Smith, A., Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, I, 1-3.
  • Voir aussi : Caveing, M., Zénon d'Elée, Prolégomènes aux doctrines du continu, Paris, 1982.
  • Long, A., Sedley, D., les Philosophies hellénistiques, Paris, 2001, vol. 2, sect. 32.
  • Pellegrin, P., « Division et syllogisme chez Aristote », in Revue philosophique, no 171, 1981, pp. 169-187.
  • Pellegrin, P., « Le Sophiste ou de la division », in P. Aubenque (dir.) et M. Narcy (éd.), Études sur le Sophiste de Platon, Naples, 1991, pp. 389-416.