dette
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
En allemand : Schuld.
Philosophie Contemporaine, Ontologie
Chez Heidegger, ce dont parle la voix de la conscience en renvoyant le Dasein à son être-jeté. Ni péché, ni faute morale, ni endettement empirique, la dette renvoie à l'être-jeté du Dasein selon une facticité dont il n'est pas le maître.
La dette est conçue au-delà de toute préoccupation calculante et de tout rapport à une loi et à un devoir. Elle suppose une nullité existentiale constituant le Dasein comme fondement d'une nullité. L'être-en-dette ne résulte pas d'un endettement, mais est le fondement nul et jeté d'où procède tout endettement. Étant son propre fondement jeté le Dasein est en tant que projet jeté essentiellement nul. L'être du Dasein, le souci, est transi de part en part de nullité. Celle-ci ne signifie pas une privation, un défaut par rapport à un idéal. Convoquant le Dasein à son pouvoir-être le plus propre, l'appel du souci somme celui-ci de prendre en charge sa facticité, de comprendre dans le vouloir-avoir-conscience l'être-jeté comme cette nullité inexpugnable que l'existence a à assumer. En comprenant l'appel de la conscience, le Dasein choisit ce qu'il est comme son être-en-dette par rapport à sa facticité. Tel est le mode éminent de son ouverture qui le conduit à la résolution. L'être-en-dette originaire est condition de possibilité du bien et du mal moraux : il ne saurait donc être déterminé par la moralité, car celle-ci le présuppose. L'appel de la conscience ne donne à comprendre aucun pouvoir-être idéal et universel, mais ouvre à chaque fois le pouvoir-être isolé d'un Dasein singulier. On peut ainsi conférer un sens existential à la négativité en la concevant à partir de l'être-jeté et en donnant un nouveau fondement à la responsabilité, consistant pour le Dasein à libérer son être authentique.
Jean-Marie Vaysse
Notes bibliographiques
- Heidegger, M., Sein und Zeit (Être et Temps), § 58 à 60, Tübingen, 1967.