coutume
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Consuetudo signifie à la fois coutume et habitude.
Morale, Politique, Anthropologie
Habitude commune, manière de se « tenir » (habitude vient de habere, « tenir », « se tenir ») qui concerne aussi bien un comportement moral, une manière de vivre propre (l'éthos aristotélicien dépend de la racine indo-européenne swedhos) qu'une manière de se vêtir comme signe d'appartenance (« habit » vient d'habitus et « costume » de consuetudinem).
La coutume renvoie donc aux habitudes (aux « mœurs ») en tant qu'elles forment un système d'opinions en rapport avec des usages. Comme manière d'être, elle désigne à la fois le fait collectif (une culture traditionnelle et / ou une imagination singulière) et la force qui lie en chaque mémoire des images, des sentiments, des idées. Chaque coutume multiplie donc les différences (des manières d'être) tout en les uniformisant(1). Et c'est parce que ces manières d'être ont paru aussi essentielles que l'être lui-même, que la coutume-habitude a intéressé très tôt les philosophes, avant de devenir objet de connaissance pour les moralistes, les anthropologues et les sociologues.
L'articulation coutume-nature est le leitmotiv de l'histoire de la notion. La coutume est « comme » une nature, dit Aristote (De la mémoire et de la réminiscence, 2, 452 a), préservant ainsi une différence que Montaigne – qui en fait une « seconde nature »(2) – puis Pascal – elle est « notre nature »(3) – semblent effacer. D'Aristote à Vauvenargues, la coutume sera « invincible », elle « peut tout ». Disposition active dans l'accoutumance (éthos), elle est aussi, comme disposition stabilisée, une possession et une puissance (hexis). Après l'âge classique, la coutume s'efface derrière l'habitude dans le bouillonnement métaphysique que celle-ci suscite. Merleau-Ponty réduira la coutume aux domaines des automatismes, tandis que c'est encore l'habitude (sous la figure de l'habitus) qui anime la pensée sociologique contemporaine(4).
Pourtant, en se substituant à une première nature perdue, le plan d'immanence de la seconde nature obligeait à reconsidérer positivement le statut de la coutume : « puissance trompeuse » ou voix anonyme de la puissance créatrice de la multitude ? Voix qui n'est certes point autorisée par son origine (dans laquelle on ne peut lire que « défaut d'autorité et de justice », 60-94), mais qui pourtant constitue effectivement dans l'histoire droit et justice, par le fait de la puissance naturante de son imagination collective. Et cela à travers le droit traditionnel, nourri des valeurs ancestrales, ou à travers le droit coutumier qui, de par sa plasticité même, exprime au plus près (à l'encontre de la fixité de la loi) les transformations effectives des manières communes de penser et de vivre.
Laurent Bove
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Vauvenargues, L. (de), Introduction à la connaissance de l'esprit humain (1747), « Des lois de l'esprit », éd. J. Dagen, Desjonquères, Paris, 1997, p. 47.
- 2 ↑ Montaigne, M. (de), Essais, III, 10, éd. Villey par Saulnier, PUF, Paris, 1978, p. 1010.
- 3 ↑ Pascal, B., les Pensées, 419-89, in Œuvres complètes, éd. Lafuma, Seuil, Paris, 1963.
- 4 ↑ Kaufmann, J.-C., Ego. Pour une sociologie de l'individu, deuxième partie, Nathan, Paris, 2001, pp. 103-183.
- Voir aussi : Lévi-Strauss, Cl., Histoire de lynx, ch. XVIII, Plon, Paris, 1991.
