anthropocentrisme
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Formé au xixe s. sur anthropos, « homme » et centre.
Philosophie Générale, Anthropologie
Tendance à faire de l'homme le centre du monde et à considérer son bien comme cause finale du reste de la nature.
La critique de l'anthropocentrisme se développe au xviie s. en même temps que celle des causes finales. Spinoza la porte à son sommet à la fin de la première partie de l'Éthique(1). L'origine de tous les préjugés se ramène à une seule source : les hommes, conscients de leurs actions mais ignorants des causes de celles-ci, se figurent être libres ; ils agissent toujours en vue d'une fin, et recherchent ce qu'ils croient leur être utile ; ils en viennent ainsi à considérer toutes les choses existant dans la nature non comme des effets de causes réelles, mais comme des moyens pour leur usage. C'est d'ailleurs cette attitude qui engendre chez eux la croyance en un Dieu créateur : lorsqu'ils trouvent ces moyens sans les avoir construits eux-mêmes, ils imaginent qu'ils ont été produits pour eux par une puissance plus efficace qui a tout disposé dans leur intérêt. De même, ce qui dans la nature leur est nuisible a dû être disposé par le même créateur libre et tout-puissant à l'intention des hommes, comme épreuve ou comme punition. Dans tous les cas, tous les objets naturels sont interprétés en fonction de l'existence humaine.
La critique de l'anthropocentrisme n'est pas forcément liée à un nécessitarisme de type spinoziste. Chez Leibniz au contraire, elle se déduit du principe du meilleur et de l'idée de l'ordre général de la Création : « Il est sûr que Dieu fait plus de cas d'un homme que d'un lion ; cependant je ne sais si l'on peut assurer que Dieu préfère un seul homme à toute l'espèce des lions à tous égards : mais quand cela serait, il ne s'ensuivrait point que l'intérêt d'un certain nombre d'hommes prévaudrait à la considération d'un désordre général répandu dans un nombre infini de créatures. Cette opinion serait un reste de l'ancienne maxime assez décriée, que tout est fait uniquement pour l'homme »(2).
La critique de l'anthropocentrisme ne porte pas seulement sur les relations de l'homme avec le reste de la nature : elle concerne aussi la conception même de l'homme qui sous-tend son rapport avec l'univers – pour Spinoza, l'illusion du libre-arbitre est solidaire de l'illusion finaliste.
Pierre-François Moreau
Notes bibliographiques