académie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec Akademia, nom du jardin où enseignait Platon.

Esthétique

Institution culturelle, indépendante des universités et des corps de métier, consacrée à la pratique ou à la théorie des activités littéraires, artistiques ou scientifiques.

Inspirées du modèle antique, les académies se développèrent en Europe à partir de la Renaissance, d'abord dans le domaine des arts libéraux, où elles entraient en concurrence avec les universités et les salons, puis des arts mécaniques, où elles prirent rapidement le pas sur les corporations médiévales. Ainsi, après les académies encyclopédistes et humanistes du Quattrocento italien – telle l'Accademia platonica de M. Ficin et Pic de la Mirandole, créée à Florence en 1462 – apparurent des académies plus spécialisées, qui prirent leur essor en France au xviie s. : l'Académie française en 1635, l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1648 (complétée en 1666 par l'Académie de France à Rome), puis, sous Louis XIV, celles de danse (1661), des inscriptions et belles-lettres (dite « petite académie », 1663), des sciences (1666), de musique (1669), d'architecture (1671). La province suivra au xviiie s., tandis que fleurissaient de semblables initiatives dans toute l'Europe.

Le phénomène académique procède, tout d'abord, d'un effet d'institution, par une formalisation portant à la fois sur le statut juridique, sur les liens avec le pouvoir politique et sur les pratiques, étroitement codifiées. Il procède en outre d'un effet de corps, le regroupement des pairs autorisant la formation d'une identité collective. C'est dire qu'il s'agit d'un processus foncièrement élitaire, sélectionnant et regroupant les « meilleurs ». Mais le principe de sélection est beaucoup plus démocratique que ne l'étaient sous l'Ancien Régime le critère aristocratique du nom et le critère bourgeois de la fortune ; et il est plus souple que le critère universitaire des diplômes, dans la mesure où il repose avant tout sur la qualité purement individuelle et partiellement réversible qu'est le talent, qu'il soit basé sur le travail et l'étude, selon le modèle classique, ou sur le don inné selon le modèle romantique.

Si le mouvement académique favorise ainsi l'émergence d'une élite proprement culturelle, il connaît néanmoins d'inévitables perversions : perversion de l'effet d'institution, par la routinisation des pratiques et des normes, facteur d'immobilité ; perversion de l'effet de corps, par la fermeture à tout élément extérieur, facteur de conformisme. Et ce sont ces effets pervers que l'on désigne aujourd'hui par le terme, devenu péjoratif, d'« académisme », stigmatisant une dérive indissociable du principe même de toute académie.

Nathalie Heinich

Notes bibliographiques

  • Boime, A., The Academy and French Painting in the 19th Century, Phaidon, Londres, 1971.
  • Hahn, R., The Anatomy of a Scientific Institution. The Paris Academy of Sciences, 1663-1803, University of California Press, Berkeley, 1971.
  • Heinich, N., Du peintre à l'artiste. Artisans et académiciens à l'âge classique, Minuit, Paris, 1993.
  • Pevsner, N., Academies of Art. Past and Present, Cambridge University Press, 1940.
  • Roche, D., le Siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1803, Mouton, Paris, 1978.
  • Viala, A., Naissance de l'écrivain, Minuit, Paris, 1985.
  • Yates, F., The French Academies of the 16th Century, Londres, Warburg Institute, 1947.

→ art, artiste, beaux-arts, canon, sociologie de l'art