Tom Waits

Chanteur et compositeur de rock et de chanson expressionniste américain (Pomona, Californie, 1949).

Feutre éternel, barbe approximative, mégot au coin des lèvres, voix impossible aux relents de bourbon et de tabac, Tom Waits s'est construit un personnage unique. Son enfance débute comme une légende : on raconte qu'il est né dans un taxi et que, plus tard, sa mère brisera la vitrine dans laquelle se trouve le piano dont il rêve. Marqué par Jack Kerouac et Dylan Thomas, il quitte l'école à quatorze ans, multiplie les petits boulots et apprend la guitare puis le piano. À 21 ans il découvre le jazz, qu'il adaptera ensuite de manière très personnelle, pour chanter un monde interlope, peuplé de paumés et d'alcooliques. Tom Waits écrit ses textes comme des histoires saisies au vol. « Je ramasse un peu tout ce qui se dit dans les bars, dans la rue ou à la télé », expliquera-t-il. Des chroniques à la Charles Bukowski sur l'inframonde des marginaux américains.

De la voix gentillette au rock déjanté. Quand il débute dans les années 1970 dans les clubs de la côte ouest, sa voix encore « gentillette » promène de belles ballades mélancoliques entre jazz et blues, sur le mode piano-bar. Il assure de 1973 à 1974 la première partie de Frank Zappa avec une formation acoustique. Sa voix se fait peu à peu plus rauque, gutturale, émouvante, comme en témoignent le savoureux double album live Nighthawks At The Diner (1975), où il évoque ses nuits éthyliques, et Foreign Affairs, deux ans plus tard, une série d'histoires courtes sur un jazz d'ambiance. Et le public apprécie. Au début des années 1980, l'homme à la voix cassée fait mine de se préoccuper de sa santé. Il dit moins fumer et moins boire (« que du vin », précise-t-il). Après avoir vécu un temps avec Rickie Lee Jones, il épousera en 1984 la dramaturge Kathleen Brennan. Ils travailleront ensemble pour Frank's Wild Year, un spectacle sur les métamorphoses d'un bureaucrate, présenté fin 1987 à l'Olympia.

Entre-temps, sa musique s'est définitivement éloignée du jazz piano-bar vers un style surréaliste, entre le rock, la fanfare de province et la musique de cirque. L'album Swordfishtrombones (1983), où il apparaît sur la pochette maquillé aux côtés d'un nain, n'est pas sans rappeler la monstrueuse galerie de portraits du film fantastique Freaks, de Tod Browning. Une voie qui le conduira dix ans plus tard au spectacle de Bob Wilson, The Black Rider.

Les titres composés par Waits (la plupart datent de 1988) se réfèrent à un univers complètement fou et baroque. Dissonances, harmonium en cascades et violons grinçants. L'ambiance évoque l'univers de Murnau et Falstaff dans l'ombre de Brecht : « Nous avons travaillé dans un hangar plein de courants d'air avec une mauvaise lumière et sans nous accorder de pause afin d'injecter une vie nouvelle à la musique. ».

Il flirte aussi avec le cinéma, composant quelques musiques (pour One From The Heart, de Francis Ford Coppola, Night On Earth, de Jim Jarmusch) et jouant aussi bien pour Stallone que pour Jarmusch. Il est aussi l'auteur de Rock Dreams, un ouvrage sur le cinéma. Oscillant entre une image de marginal alcoolique et son statut de grand professionnel, il s'est fait une place à part dans le monde du rock.