Leonard Cohen

Poète, compositeur et chanteur de folk canadien (Montréal 1934 – Los Angeles 2016).

Anglophone dans un pays francophone, juif parmi les chrétiens, Cohen est issu d'un milieu très aisé de la grande bourgeoisie établie sur le Mont Royal. Dès le départ, il est dans la marge d'une marge… Sa première tentative musicale — les Buchskin Boys, fondés avec son ami d'enfance Mike Doddman — aura lieu en 1951, durant ses études littéraires à la McGill University. L'influence musicale est cajun /terroir/quadrille, mais la plume de Leonard prépare déjà son premier recueil de poèmes : Let Us Compare Mythologies, qui obtiendra un prix, le McGill Literary Award (Cohen lira certains de ses poèmes sur un album Folkways intitulé Six Montreal Poets). Son deuxième fascicule, The Spice Box Of The Earth, sera publié en 1961, suivi d'un premier roman : The Favorite Game (publié en France sous son titre original).

Dans ce Québec agité par la fièvre francophone, Cohen est étrangement absent du contexte socio-politique. Dès 1959, il tourne ses pas vers le berceau de la civilisation, la Grèce. Partagé entre le monde antique et le Nouveau Monde, il va, tout comme Jack Kerouac — autre Québécois d'origine, mais de souche francophone celui-là —, finir ses études à la Columbia University de New York. En 1964, il publie un nouveau recueil de poèmes très controversé. Le titre en lui-même est déjà une provocation : Flowers Of Hitler (curieusement traduit en français par Des fleurs pour Hitler, alors que ce serait plutôt Fleurs d'Hitler) … L'ouvrage est à son tour primé et, deux ans plus tard, Cohen publie son second roman : Beautiful Losers (les Perdants magnifiques).

La conscience profonde d'une génération. Cohen souhaite alors retourner à ses premières amours artistiques — la chanson — et, pour ce faire, il a l'intention de se rendre à Nashville. Mais avant même d'entamer le voyage vers le Sud, il rencontre à New York Albert Gossman, qui l'introduit dans le petit monde de Judy Collins. Elle sera sa première interprète (Suzanne et Dress Rehearsal Rag). C'est le légendaire John Hammond de CBS Columbia qui va alors le faire signer sur son label, tandis que Leonard prépare la sortie, fin 1966, d'un autre recueil de poèmes, Parasites of Heaven (recueil dont seront extraites les chansons Suzanne et Avalanche). En 1967, Cohen retrouve Judy Collins sur scène durant un concert donné contre la guerre du Viêt Nam, puis il se rend au Newport Folk Festival. L'année 1968 sera celle de sa révélation en tant qu'interprète, car l'album Songs Of Leonard Cohen sort enfin sur le marché. Dans un premier temps, et bien que classé dans les « charts » américains, l'album se fait surtout remarquer en Grande-Bretagne. Le second album, Songs From A Room, est produit par Bob Johnson en 1969. Le ton est désormais donné : orchestrations fines et sophistiquées sur une voix grave et mélancolique, qui berce l'âme de toute une génération en quête de son « moi » dans un monde qu'elle veut changer. L'effet est planétaire et, même si Cohen n'aura jamais des ventes de mégastar, il devient une figure culte qui, par la rigueur de son œuvre, transcendera la mythologie Peace And Love.

En 1970, Cohen participe, en Grande-Bretagne, au mythique festival de l'île de Wight. Durant les quatre années qui vont suivre, albums et recueils de poèmes vont se succéder à une cadence étonnante. Songs Of Love And Hate, produit aussi par Bob Johnson, paraît en 1971, et Robert Altman utilise les chansons de Cohen dans le film McCabe And Mrs Miller. L'année d'après, c'est un nouveau recueil de poèmes, The Energy Of Slaves, suivi, en 1973, d'un album live enregistré à Paris : Live Songs. Le dernier album de cette période, New Skin For An Old Ceremony, fut produit par John Lissauer et marque une évolution vers un léger son rock, puis Cohen décide de prendre de la distance en s'offrant une retraite provisoire en Grèce. Le retour en 1977 est marqué par un album plutôt raté (Death Of A Ladies'Man, non pas dans l'écriture mais dans le choix du producteur. Au départ, l'idée semblait prometteuse : s'associer avec Phil Spector … mais le résultat est décevant. Cohen ira jusqu'à renier ce disque, et publier l'année d'après, comme une sorte d'exorcisme, un nouveau recueil de poèmes portant le même titre que l'album.

Le talent qui dure. La suite de la carrière de Cohen va évoluer plus tranquillement. Avec l'arrivée de la génération punk qui n'a que faire de cette quête du sublime, Cohen connaît une traversée du désert, du moins en ce qui concerne les ventes. En 1984, il se tourne vers l'audiovisuel en écrivant et en dirigeant un film de trente minutes, I Am A Hotel, primé au Festival international de télévision. En 1985, tout s'emballe à nouveau avec la sortie de l'album Various Positions, suivi d'une tournée mondiale. Le disque est produit par John Lissauer, et le son est marqué par les nouvelles technologies musicales (synthés, ordinateurs, etc.). De plus, le Dance Me To The End Of Love est promotionné par un clip vidéo. On n'arrête plus Leonard, qui fait même une apparition surprenante… comme chef de l'organisation Interpol dans le feuilleton télévisé Miami Vice.

Définitivement installé dans le panthéon de l'art, il déclare en boutade que ses chansons sont comme des Mercedes, faites pour durer trente ans. En 1991, un album-hommage avec John Cale, Lloyd Cole, Nick Cave, R.E.M., The Pixies et bien d'autres souligne, si besoin était, la place éminente de l'enfant du Mont Royal dans la chanson contemporaine. Devenu moine bouddhiste sous le nom de Jikan (« le silence entre deux pensées »), il écrit des poèmes et des chansons, dont Ten New Songs (2001), imprégnées de références bibliques, et composées avec Sharon Robinson qui ramène le chanteur vers ses premières amours : la soul, le folk, la country et le gospel.

Son dernier album studio, You Want It Darker, paru en 2016, fait suite à Dear Heather (2004), Old Ideas (2012) et Popular Problems (2014). Leonard Cohen qui disait “ Je n'ai pas peur de la mort. Ce sont les préliminaires qui m'inquiètent ”, décède le 8 novembre 2016 à Los Angeles, quelques mois après sa muse Marianne Ihlen.

  • 1966 Suzanne, chanson de L. Cohen.