Yves Delage

Zoologiste et biologiste français (Avignon 1854-Sceaux 1920).

Reçu docteur en médecine en 1880 et docteur ès sciences l'année suivante, il est nommé en 1884 professeur de zoologie à la faculté de Caen. En 1885, il devient chargé de cours de zoologie à la Sorbonne et, en 1886, succède à Henri de Lacaze-Duthiers dans la chaire de zoologie, d'anatomie et de physiologie comparée. Élu à l'Académie des sciences en 1901, il dirige à partir de 1902 (après la mort de Lacaze-Duthiers) la station de biologie marine de Roscoff, en Bretagne, qu'il dote de tous les perfectionnements nécessaires à des recherches de haut niveau.

Les premiers travaux d'Yves Delage l'amènent à des découvertes importantes concernant la morphologie et le développement de certains invertébrés marins microscopiques. Sa thèse de doctorat est une Contribution à l'étude de l'appareil circulatoire des crustacés édriophtalmes marins. Le jeune chercheur, alors préparateur au laboratoire de biologie marine de Roscoff, procède sur ces minuscules crustacés à des opérations qui paraissaient impossibles à réaliser. Le succès viendra récompenser ses minutieux travaux puisque sa thèse, publiée en 1881, obtient le grand prix des sciences physiques de l'Académie des sciences.

Delage entreprend ensuite des investigations non moins minutieuses sur la sacculine, crustacé inférieur parasite du crabe commun. En toute saison, par n'importe quel temps, on le voit couché sur la grève mouillée, une loupe à la main, à la recherche des petits animaux propres à ses expériences. À force d'opiniâtreté, il finit par découvrir, perdu dans la masse de l'ovaire, le système nerveux de la sacculine. Il est également le premier à retracer l'évolution de ce parasite, qui se fixe sur sa victime alors qu'il n'est encore qu'une larve. À partir de 1884, Delage effectue de nouvelles recherches sur d'autres animaux et met en évidence les systèmes nerveux du peltogaster, un parasite du bernard-l'ermite, et du convolute, un ver plat marin.

En élevant dans un aquarium le ptocéphale, petit poisson transparent sur lequel on savait jusqu'alors peu de chose, il s'aperçoit que l'animal n'est autre que la larve du congre ; cette découverte donnera la clé des métamorphoses extraordinaires des poissons de la famille des anguillidés. Ses travaux sur l'évolution des éponges, depuis la phase larvaire libre jusqu'au stade où l'être fixé présente tous les caractères de l'adulte, ont par ailleurs révolutionné les connaissances que l'on avait des spongiaires. Yves Delage s'est aussi intéressé à la physiologie de l'oreille interne de l'homme et des animaux supérieurs. Il a pu déterminer que les canaux semi-circulaires n'étaient pas le siège de l'orientation comme on le pensait, mais du sens des mouvements rotatoires du corps.

Au début des années 1890, il abandonne progressivement ses travaux de zoologie pure pour se consacrer à la biologie.L'ouvrage qu'il publie en 1895 sous le titre la Structure du protoplasme, les théories sur l'hérédité et les grands problèmes de la biologie générale marque un tournant dans sa vie scientifique. Désormais, il s'intéressera essentiellement aux grandes manifestations de la vie dans la cellule, dans l'individu et dans l'espèce. « Toute recherche, dit-il, doit aujourd'hui viser la solution d'une question théorique… Il ne faut pas se contenter de disséquer, couper, colorer ou dessiner. » Il conduit lui-même des expériences sur la fécondation artificielle et la parthénogenèse des oursins, réussissant à diviser l'œuf en de nombreux fragments qui se transforment chacun en une larve, et quelques-unes des larves atteignant l'état adulte.

Devenu progressivement aveugle à partir de 1904, Delage doit renoncer à ses recherches expérimentales. Il continue pourtant à travailler, rédige une étude sur le rêve et écrit, avec sa collaboratrice Marie Goldsmith, un ouvrage intitulé les Théories de l'évolution (1909). Il y réaffirme son adhésion à l'idée transformiste, la seule « capable de fournir une réponse satisfaisante à la question de l'origine des êtres vivants qui peuplent la Terre ».

Delage fut aussi romancier, nouvelliste et poète, mais refusa toujours de dévoiler le pseudonyme sous lequel il écrivait.