Thomas Hunt Morgan
Biologiste américain (Lexington, Kentucky, 1866-Pasadena, Californie, 1945).
À partir d'expériences sur la drosophile, il a édifié la théorie chromosomique de l'hérédité. Il a permis ainsi d'expliquer les lois de Mendel et inauguré la génétique moderne.
Des fossiles à la drosophile
Aîné de trois enfants, Thomas Hunt Morgan est le fils d'un diplomate (qui, consul en Sicile au début des années 1860, a soutenu Garibaldi et ses Chemises rouges) et le neveu d'un général confédéré. Enfant, il aime arpenter les collines et la campagne du Kentucky. L'été, il profite de ses séjours dans la famille de sa mère, dans le Maryland, pour ramasser des fossiles. Ainsi s'éveille chez lui un intérêt pour les sciences naturelles qu'il conservera toute sa vie. Après deux années d'études préparatoires, il entre en 1880 au collège d'État (aujourd'hui université) du Kentucky où il obtient en 1884 une licence de zoologie, puis rejoint l'université John Hopkins, à Baltimore, où il soutient en 1890 une thèse de doctorat en embryologie, sur les araignées de mer. Ses premiers travaux portent sur la morphologie ; il se tourne ensuite, de 1895 à 1902, vers l'embryologie expérimentale, avant de se consacrer, de 1903 à 1910, à l'étude de l'évolution, de l'hérédité et de la détermination du sexe, puis, de 1910 à 1925, à celle de l'hérédité chez la drosophile (mouche du vinaigre). Durant ses vingt dernières années, tout en s'efforçant d'approfondir, à la lumière des résultats de ses travaux antérieurs, les liens entre hérédité, développement et évolution, il revient à des études sur les premiers stades du développement embryonnaire. Professeur de zoologie expérimentale à l'université Columbia de 1904 à 1928, il rejoint ensuite le California Institute of Technology pour y installer un département de biologie, qu'il dirige jusqu'à sa mort.
La théorie chromosomique de l'hérédité
Au début de sa carrière, Morgan est convaincu que les lois de Mendel sont fausses. En 1908 ou 1909, il commence à étudier la drosophile – un insecte facile à élever et qui se reproduit très rapidement – dans le but de mettre en évidence chez cet animal des changements brusques de caractères héréditaires, comparables à ceux observés par son ami Hugo De Vries chez les plantes à fleurs. Dès 1910, il obtient un résultat surprenant : dans l'un de ses bocaux d'élevage, se trouve une mouche mâle aux yeux blancs, alors que les drosophiles normales ont des yeux rouges. Constatant l'existence de ce qu'il appelle une mutation, Morgan effectue alors divers croisements afin de dégager les modes de transmission de ce caractère. Les résultats auxquels il parvient prouvent la véracité des théories de Mendel. Morgan établit la théorie de l'hérédité liée au sexe, qui va servir de base à la suite de ses travaux. Il s'entoure d'une équipe de chercheurs particulièrement efficace : Alfred H. Sturtevant (1891-1970), Hermann J. Muller (1890-1967) et Calvin B. Bridges (1889-1938). Ensemble, ils montrent que les lois de Mendel résultent d'événements observables à l'intérieur des cellules : chaque chromosome de la drosophile contient un groupe d'unités physiques réelles correspondant aux gènes ; ces derniers sont disposés linéairement le long du chromosome. Autrement dit, les chromosomes sont le support des gènes. Morgan et son équipe se lancent ensuite dans l'établissement de cartes chromosomiques de la drosophile, donnant la position des gènes sur les chromosomes. Leurs expériences montrent la présence de 2 500 à 3 000 gènes sur chaque chromosome de l'animal, correspondant tous à des caractères héréditaires distincts. Morgan démontre également plus tard que deux gènes proches ont plus de chances d'être transmis conjointement que deux autres plus éloignés. Enfin, il met en évidence le phénomène de translocation, qui permet l'échange d'allèles (variantes d'un gène) entre chromosomes d'une même paire. Morgan et ses collaborateurs résument leurs travaux dans un ouvrage qu'ils publient en 1915, The Mechanism of Mendelium Heredity. En 1933, Morgan obtient le prix Nobel de physiologie ou médecine « pour ses découvertes concernant le rôle joué par le chromosome dans l'hérédité ».
Un homme attachant
Connu pour sa vivacité d'esprit, son intelligence brillante et ses jugements incisifs, Thomas Hunt Morgan était aussi un homme sensible, qui extériorisait peu ses sentiments. Il était très apprécié et un grand nombre de ses étudiants le considéraient comme leur ami. Il lui arrivait souvent de payer les salaires de ses assistants sur ses fonds personnels et, lorsqu'il obtint le prix Nobel, il le partagea avec ses collaborateurs C. B. Bridges et A. H. Sturtevant, pour les aider à payer les études de leurs enfants.
En 1904, il épousa l'une de ses anciennes étudiantes, Lilian Vaughan Sampson (1870-1952), devenue une brillante cytologiste. Elle se passionna pour ses recherches et fut étroitement associée à ses travaux sur la drosophile. Le couple eut quatre enfants. Grand travailleur, Thomas Hunt Morgan s'accordait rarement des vacances. Mais, même lorsqu'il était surchargé de travail, il ne se passait pas de journée sans qu'il réservât un moment à sa vie familiale.