Sebastião José de Carvalho e Melo, 1er marquis de Pombal

Marquis de Pombal
Marquis de Pombal

Homme d'État portugais (Lisbonne 1699-Pombal, près de Coimbra, 1782).

Dans le Portugal du xviiie s., c'est un ministre, plus que le souverain lui-même, qui incarna la politique du « despotisme éclairé ». En plus de vingt ans de pouvoir personnel, le marquis de Pombal transforma en profondeur les structures socio-économiques de son pays.

L'œuvre politique

Issu de la petite noblesse de province, Sebastião José de Carvalho e Melo, futur marquis de Pombal, fait des études supérieures, puis passe de l'armée à la diplomatie : en 1738, il est ambassadeur à Londres et, en 1745, à Vienne. Il n'aborde la vie politique qu'en 1750, lorsque le nouveau souverain, Joseph Ier, le nomme secrétaire aux Affaires étrangères et à la Guerre. Chargé, en 1756, des Affaires du royaume, il va exercer des fonctions de Premier ministre sans en avoir le titre. Dans l'esprit des Lumières, il entreprend alors une œuvre de rénovation qui attaque de front les deux forces sociales les plus puissantes, la haute noblesse et l'Église, dans le dessein de restaurer l'autorité monarchique. Pour s'imposer, il devra frapper dur et fort – sans toutefois devenir le despote dont l'entourage proche de Marie Ire de Bragance voudra propager l'image.

La haute noblesse est matée par l'exemple : après une conspiration contre le roi, en 1758, plusieurs des nobles qui s'y trouvent impliqués sont exécutés. Contre l'Église, dont l'influence est considérable, Pombal s'y prend en plusieurs temps. Après avoir fait expulser les jésuites, en 1759, il supprime les prérogatives du Saint-Siège sur l'Église du Portugal. Désormais mis au pas, le clergé doit accepter que le roi propose, pour occuper les évêchés vacants ou nouvellement créés, des prélats, souvent d'origine modeste, qui lui ont donné les preuves de leur compétence et de leur loyauté. Enfin, Pombal enlève à l'Église son pouvoir de censure, qui lui permettait d'avoir la haute main sur toute la vie intellectuelle et spirituelle du pays, et le transfère à un organisme d'État. L'Inquisition subsiste, mais, en y plaçant ses hommes, le ministre la réduit au rôle de tribunal politique.

D'autres mesures touchent à l'enseignement. Pour promouvoir le primaire et le secondaire, quelque huit cents postes y sont créés. Pour adapter la vieille université de Coimbra aux nouvelles connaissances, surtout dans le domaine des sciences exactes, les programmes sont réformés. Pombal édicte aussi une législation qui améliore le sort de la petite paysannerie et décide, en 1773, d'affranchir tous les esclaves vivant en métropole.

L'œuvre économique

Pombal n'est nullement économiste, mais il a la conviction que la puissance de l'État passe par la richesse économique. Or, il se trouve devant une situation difficile. D'une part, l'hostilité de la noblesse et de l'Église, qui détiennent l'essentiel de la fortune nationale, le prive des soutiens financiers que celles-ci pourraient lui apporter ; seule la bourgeoisie se rallie à lui, mais, mis à part quelques prospères négociants de Lisbonne, son poids est encore limité. D'autre part, les réformes coûtent cher, et le tremblement de terre de Lisbonne, en 1755, grève le budget royal.

En plein xviiie s., Pombal pratique une politique protectionniste que l'on peut comparer au colbertisme. Il s'efforce, en effet, d'accroître les revenus de l'État tirés des ressources intérieures (céréales, vin, élevage) et coloniales (or du Brésil). Pour cela, il faut mettre davantage le pays en valeur : dans l'Alentejo, qui est sous-exploité, on fait venir des habitants des Açores, alors surpeuplées ; dans les régions où les vignobles sont improductifs, on procède à leur arrachage afin d'y implanter la céréaliculture. Il faut aussi développer la production manufacturière (laine, soie, verre). Il faut enfin réduire l'emprise des Britanniques sur l'économie. Non seulement ceux-ci contrôlent le commerce du porto, mais le commerce colonial. Afin de les supplanter au Brésil, Pombal fonde, en 1755 et 1759, deux compagnies d'État, qui transforment l'économie locale. La basse Amazonie devient une importante région productrice de denrées coloniales (surtout cacao), tandis que, dans le Sud, un nouveau Brésil voit le jour par le recours à l'immigration.

Chassé du pouvoir dès l'avènement de Marie Ire de Bragance, en 1777, le marquis de Pombal laisse un héritage, mais aucun héritier.

Pombal au secours de Lisbonne

Le 1er novembre 1755, Lisbonne fut touchée par un séisme dévastateur qui fut suivi d'un gigantesque incendie. Sans doute 60 000 habitants – sur 275 000 – trouvèrent la mort et 85 % des édifices furent détruits. L'événement frappa les grands esprits du siècle, et notamment Voltaire, qui évoqua « Ces femmes, ces enfants l'un sur l'autre entassés / Sous ces marbres rompus ces membres dispersés » (Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756).

Le marquis de Pombal – de même que la famille royale – fut épargné par la catastrophe. Avec le pragmatisme qui le caractérisait, il prit les mesures d'urgence à la fois pour organiser les secours, parer aux risques d'épidémies et dissuader les pilleurs. Il fut ensuite le maître d'œuvre inspiré de la nouvelle Lisbonne, qui sortit des décombres en moins d'un an. C'est à son instigation qu'en vue de la reconstruction on conçut des bâtiments antisismiques.